Entre le XIXe et le XXe siècle, le chant était omniprésent et occupait une place importante dans tous les événements privés ou publics de la société bretonne. S’il est aujourd’hui lié à une forme de divertissement, il servait à cette époque à la fois à informer, à relater un événement, à raconter une aventure, ou à exprimer des croyances.
Malgré une baisse dans sa pratique au début du XXe siècle, la musique bretonne a connu un nouvel essor dans les années 1950-60, notamment grâce au développement des fêtes folkloriques et « fest-noz » dans la région.
Les chants et complaintes de Bretagne se caractérisent par :
- Une diversité linguistique (entre langue bretonne, français et gallo)
- Une constance de la monodie (chant à une seule voix) a capella
- Un immense corpus de chants
- Une transmission orale, adaptée et recréée selon les périodes ou les interprètes
- Une pluralité de formes littéraires :
- La poésie lyrique en breton (chants de table, chants d’amour ou de noces, chants humoristiques ou satiriques, …) : les sonioù
- Le répertoire des chants religieux, nommés kantig
- La poésie épique qui regroupe en breton les gwerzioù et qui s’intitule la « gwerz »
Eva Guillorel (historienne ayant rassemblé plus de 2000 chants des XVIe et XVIIe siècles collectés en Bretagne) définit les gwerzioù comme des « […] pièces longues qui décrivent des faits divers tragiques à caractère local, qui montrent un important souci du détail dans les situations décrites et qui rapportent généralement avec une grande fiabilité le souvenir de noms précis de lieux et de personnes[1] […] ».
La gwerz est en effet la forme la plus ancienne de la poésie chantée en Bretagne et elle dépasse parfois la centaine de vers. Dans la société rurale bretonne, qui était marquée par la transmission orale, la gwerz servait autrefois à véhiculer des informations. Cette fonction a été réappropriée par les chanteurs contemporains, qui n’hésitent pas à ajouter des précisions relatives aux lieux, aux personnages et aux faits dans leurs chants.
Parmi les chanteurs de gwerz les plus connus, peuvent être cités Marc’harit Fulup ou François Vallée, qui produisirent un grand nombre de chants entre 1865 et 1900. Aujourd’hui, le répertoire de gwzerioù contemporains comprend des chants de Claudine Mazéas, qui réalisa des enregistrements en 1959 et des Sœurs Goadec qui étaient très présentes au début des années 1970. Les œuvres de ces chanteurs sont archivées et conservées par l’association Dastum, qui collecte et promeut le patrimoine oral et musical de Bretagne.
Finalement François-Marie Luzel, grand collecteur breton de la seconde moitié du XIXe siècle, parlait des gwerzioù comme de « chants sombres, fantastiques, tragiques, racontant des apparitions surnaturelles, des infanticides, des duels à mort, des trahisons, des enlèvements et des violences de toute sorte […][2] ». À mi-chemin entre récit véridique et épopée mystique, la gwerz conserve cette fonction populaire, et elle reste intrinsèquement liée à la société bretonne.
Sources
DE TROADEC, Ifig, « Les gwerzioù », publié en novembre 2016 sur le site Bécédia / Sevenadurioù. Lien URL : http://bcd.bzh/becedia/fr/les-gwerziou
DE TROADEC, Ifig, Fiche type d’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France « Chants et complaintes de Bretagne», portée par l’Association Dastum. Lien URL : Fiche inventaire « Chants et complaintes de Bretagne »
[1] Eva Guillorel, La complainte et la plainte: chansons, justice et culture dans la Bretagne (XVIe au XVIIIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes/Dastum/Centre de recherche bretonne et celtique, 2010.
[2] François-Marie Luzel, Chants populaires de la Basse-Bretagne – Gwerziou Breiz-Izel, Paris, Maisonneuve et Larose, 1971.