Observacteur ?
Lors de notre visite de l’exposition The Sun Is My Only Ally (Le soleil est mon seul allié) de Charbel-Joseph H. Boutros le 23 novembre 2022, nous nous sommes interrogés sur la place du public. A savoir dans quelle mesure l’artiste crée une connexion entre ses œuvres et le public ?
Les intentions de l’artiste : une volonté de rendre vivante chaque exposition
Quelles étaient les intentions de l’artiste ?
L’artiste a pensé l’espace autour d’un catwalk qui vient contraindre la circulation, créant une forme de chorégraphie afin d’inclure le public dans l’œuvre. Charbel- Joseph a conçu l’exposition comme une galerie de portraits des éléments de sa vie personnelle, professionnelle, intime et amicale.
L’exposition est en fait pensée comme une nouvelle géographie qui s’étend autour d’un espace central et des espaces satellites s’emparant des notions de rêves et d’amour. Son but étant de garder une trace et de créer une mémoire des expositions précédentes (Beyrouth, Gand), mais aussi, de faire en sorte que cette exposition change la vie de celui ou celle qui l’a voit, à travers sa manière de regarder et de ressentir, élargir la beauté.
Charbel- Joseph rassemble un ensemble d’œuvres abstraites et poétiques qui viennent composer l’espace selon ses intentions. L’artiste tente de nous transmettre sa vie notamment à travers l’œuvre « Three Abstractions on Three Histories », composée de trois chemises plus ou moins similaires suspendues en hauteur. Il nous partage l’histoire de sa famille. Une œuvre qui de part l’ancienneté de certains éléments transmet l’invisible : l’histoire de la personne qui les a portées. Le public observe cette œuvre en hauteur et gravite autour, mais arrive-t-il à la comprendre ?
La place du visiteur : un résultat contrasté entre la volonté de l’artiste et le ressentis du visiteur
Lors de notre visite nous avons sondés l’ensemble des étudiants présents. Voyons un peu les résultats de notre enquête :
Le public interrogé était des étudiants en étude de Design ayant une approche coutumière à l’art. 84% d’entre eux se sont sentis observateurs, contre 16% à la fois observateurs et acteurs. Lorsqu’on les questionne sur leur positions de visiteurs, la plupart nous explique avoir manqué d’interactions avec les œuvres. Un manque pouvant s’expliquer par l’entrée dans le vie intime de l’artiste. Certains ont même eu une certaine incompréhension puisque le cartel des œuvres n’est pas visible, ou même parfois à côté de celles-ci. Le travail d’explications faites par la médiatrice depuis le catwalk a permis à certains de comprendre les œuvres et donc de s’y connecter.
Nous avons posé la question complexe de savoir si les visiteurs se sont sentis « satellite » lors de cette exposition. Pour faire plus simple, nous leur avons demandé s’ils ont eu une connexion avec l’exposition. Une connexion qui peut être de l’ordre sentimental ou encore de la déambulation dans celle-ci. Sur une échelle de un à cinq (un = faible attraction / cinq = forte attraction) 78% ont senti une attraction de l’ordre de 2 ou 3. Ce ressenti s’explique principalement par l’approche de l’artiste qui décide de nous dévoiler sa vie, dont lui-même possède les références.
Pourtant, l’artiste a réussi à attirer certains vers une de ses œuvres. En effet, 84% ont eu une attirance pour une œuvre. En effet, l’œuvre Mon amour, avec le ticket de caisse, est l’œuvre qui a le plus attiré. Une attirance due au message d’amour transmis d’une manière simple mais aussi singulière. La démarche poétique de l’artiste dans laquelle il crée un acrostiche à partir de la liste d’articles établit une connexion entre amour et consommation. Le mot amour étant écrit à partir d’encre et sur un papier de la vie quotidienne qui au fil du temps s’estompera jusqu’à sa perte. « Three Abstractions on three histories, no light in white light », sont aussi des œuvres qui ont touchées par leurs messages.
Mission réussie ?
Pour synthétiser, la mission donnée par l’artiste de nous connecter à ses œuvres est partiellement réussie. En effet, il arrive à rendre acteur le personnel de l’exposition, avec notamment le catwalk. Cependant, le visiteur n’arrive pas forcément à s’y connecter. L’approche de l’artiste semble ainsi trop personnelle . L’interprétation de chacune des œuvres se base sur l’expérience de vie et le vécu de chaque visiteur. Il faut donc réussir à s’identifier à travers l’invisible que l’artiste tente de nous transmettre. Cette exposition nécessite une intervention de la médiatrice pour pouvoir s’identifier et mieux comprendre le travail de l’artiste. Finalement, est- ce que ce n’était pas aussi le but de l’artiste de créer de l’interaction entre le visiteur et le médiateur ?
Amandine Le Cadre, Charlotte Sabatier, Antonin Brisson