La trace, un acte volontaire comme involontaire //

mercredi 5 janvier 2022, par DSAA Brequigny

Molusma, ce mot vous semble sûrement inconnu. Il est apparu dans les années 60, originaire du grec, il signifie la tâche et la souillure. Maurice Fontaine en propose une définition : ère géologique actuelle. Celle-ci est marquée par la production des déchets qui vont profondément altérer notre environnement. Ainsi, il prend tout son sens dans le travail d’Elvia Teotski. La trace, qu’elle soit volontaire ou involontaire, n’a cessé de questionner l’artiste. 

Comment Elvia Teotski s’approprie la trace du vivant ? 

Tout d’abord, il est nécessaire de définir la trace. La trace est une empreinte ou une suite d’empreintes, de marques, que laisse le passage d’un être ou d’un objet. Elle peut prendre différentes formes : être à peine perceptible à l’œil nu comme être imposante dans le paysage. Ces variations peuvent-être dues à l’acteur d’une trace.

Ainsi, celle-ci peut être à la fois un acte volontaire ou involontaire. Volontaire, par l’activité humaine et sa transformation sur le paysage, l’Homme va ainsi dégrader son environnement par le biais de constructions ou même d’un simple passage par exemple. Il va marquer son passage en laissant des indices derrière lui. Nous pouvons l’observer dans l’exposition Molusma où l’artiste a souhaité laisser les déchets de l’Homme comme une paire de lunettes et un briquet. Ils sont entremêlés avec les algues et la terre.

Enfin, la trace peut être involontaire. Par le mouvement, les êtres vivants sans le vouloir vont venir laisser un indice de leur passage. Elvia Teotski a intégré des criquets dans le lieu de l’exposition. Par leurs déplacements, ils vont créer des empreintes sur les structures en brique de terre. La trace peut donc prendre diverses formes et avoir un impact plus ou moins important sur le paysage et ainsi transformer l’environnement.

 

Le travail de l’artiste a été modifié par différents facteurs. La variation du climat causé par les flux de personnes dans le lieu, la température extérieure et intérieure ont produit involontairement des traces sur les micro-architectures. Ces causes ont des conséquences sur l’aspect visuel des constructions, mais aussi sur leurs matérialités. Par exemple, on peut observer que la plasticité de la terre augmente en rugosité, elle se rétracte, elle devient plus friable, elle se divise et elle s’affaisse. De plus, la teinte de la terre a subi une modification involontaire de l’artiste, car elle a été prélevée de son environnement puis mise en forme dans un espace intérieur, par conséquent elle n’a plus ses apports nutritifs. Toutefois, la marge de contrôle que l’artiste n’a pas sur l’évolution de cette matière vivante laisse place à une esthétique singulière avec un camaïeu de brun et d’orange.

Dans les productions de l’exposition, le processus technique de l’artiste a produit des traces. Les outils (mains, eau, moule, spatule, coffrage…) qu’elle a pu utiliser pour mettre en forme les briques de terre et d’algue, ajouter des jointures puis fonder des ensembles (leur organisation) laissent chacun leur marque. La maîtrise des outils utilisés est variable, car le geste de l’humain n’est pas mécanique. Il est modifié par la tension, la force, l’agilité et les caractéristiques de la surface sur laquelle il agit. Il peut être répétitif, mais il n’est pas identique.

D’autre part, les multiples pierres que l’artiste a décidé d’incorporer à ses structures présentent des traces issus de leur contexte de provenance (chantier de démolition). La trace de certaines techniques de construction est nettement visible comme les briques organisées et fixées avec du ciment. Ayant été prélevé d’un assemblage de matériaux, les pierres sont irrégulières, impactées, fendues, brisées et râpées. Ces actions sur les pierres ont pu être réalisées par le temps, les outils de démolition ou bien par plusieurs matières qui se sont chevauchées. Cependant, la soustraction des morceaux sur les pierres offre un aperçu de la composition intérieure du matériau et pas seulement de son état de surface extérieure. L’exposition Molusma nous questionne sur les constructions humaines à travers divers éléments tangibles. Toutefois, elles apparaissent aussi sous la forme de l’écriture avec des informations marquées à la peinture, au marqueur ou bien au crayon.

 

Tout d’abord, la trace est présentée de différentes manières comme expliquée ci-dessus, toutefois, la manière la plus explicite de la rencontrer, est celle de l’Homme par la présence de déchets (briquet, lunettes, éponge, textile, mousse, béton, morceaux de plastique…) mais aussi de déchets végétaux.

En effet, les algues emportent ces déchets, des déchets qui évoluent dès leur contact avec la nature, une dégradation de ces déchets est visible à l’œil nu dans Molusma. 

Ces déchets montrent une évolution différente dans le travail de la brique, car finalement, ils la composent involontairement. Les déchets ayant déjà plus ou moins évolués dans le milieu naturel, n’ont pas la même apparence et influencent l’évolution de la brique employée par Elvia Teotski, leur apparence diffère dans le temps. 

La composition naturelle des briques (terre et algue) n’est pas la même car la nature ne produit pas des choses similaires. L’aléa de cette composition montre une évolution différente que l’on peut constater par le séchage, des craquelures sont présentes, tandis que sur d’autres, on remarque de la moisissure, des déchets comme des morceaux de béton, de plastique, de textile sont de plus en plus visibles après le séchage. 

La température du lieu d’exposition joue aussi sur l’évolution de la brique, car plus il fait chaud plus la terre aura du mal à garder sa forme initiale. Au fur et à mesure de l’exposition la terre s’effrite sur le sol, on voit une différence entre le début et la fin de l’exposition. 

En parallèle, Elvia Teotski utilise ses algues pour faire passer un message aux habitants bretons. La présence des déchets montre une activité humaine qu’Elvia Teotski cherche à dénoncer par l’utilisation d’algues vertes toxiques et envahissantes sur le littoral breton. La trace de l’algue est présente dans l’exposition afin de mettre en avant la problématique de la région importante à traiter pour préserver le paysage breton. 

Elvia Teotski a donc utilisé des éléments du territoire breton, travailler localement, pour limiter son impact sur l’environnement et révéler l’impact des êtres vivants sur l’environnement. Cet acte peut être plus ou moins néfaste sur l’environnement du fait de sa nature : volontaire ou involontaire.

Victoire, Maud, Léa M.