Les Préoccupations Anthropocènes sous l’Oeil Créatif : Une Analyse des Phénomènes Environnementaux
L’anthropocentrisme est une doctrine ou une attitude philosophique qui considère l’homme comme le centre de référence de l’univers. Dans l’histoire de l’humanité l’anthropocentrisme a était abordé par différents penseurs, Léonard de Vinci s’est intéressé à cette notion à travers l’étude des corps, il parvint à donner une image parfois erronée mais visionnaire de l’intérieur du corps humain et à fournir une explication plausible pour la plupart des mouvements. Les mensurations de l’homme de Vitruve sont basées sur les proportions idéales du corps humain telles que décrites par l’architecte romain Vitruve dans son traité « De architectura ». L’homme de Vitruve illustre les mesures idéales du corps, mais l’utilisation continue de ses mensurations soulèvent des questions sur la diversité, l’inclusion et l’impact sur l’écologie mettant en lumière la nécessité de repenser les normes et les idéaux qui façonnent notre société contemporaine. La nature subit souvent les répercussions de ces comportements anthropocentriques, tous ces changements sont effectués en plaçant l’humain au centre des préoccupations, il est donc intéressant de comprendre comment les créatifs montrent leurs préoccupations anthropocènes au sein des phénomènes environnementaux.
I. La main de l’homme est au coeur de tout geste créatif, elle est le symbole de l’exécution d’une idée que ce soit dans le domaine de l’art ou du design. La condition humaine et ses besoins prend toujours plus de place sur notre environnement naturel qui n’a plus la possibilité de se développer. Dans l’oeuvre Métagrêle de Evariste Richer les mains de l’homme sont moulées en béton et accueillent en leur centre des dés à 6 faces, il symbolise le contrôle de l’homme sur son environnement, l’humain est même maître du hasard.
La nature s’adapte donc fatalement et conséquemment au mode de vie des humains, à travers les œuvres de Mark Dorf dans sa série Environnemental occupations, la condition humaine est mise en scène à différents niveaux de puissances, il est parfois spectateur, instigateur ou passif. Il est plongé au cœur d’un paysage qu’il à crée, une nature qui tente de survivre au milieu de formes industrielles. Composées majoritairement de béton et de formes cubiques, ces structures symbolisent l’industrialisation de notre société, elles sont plongées dans un environnement étonnement chatoyant et l’humain est souvent représenté de profil ou de dos dans son plus simple apparat, la nudité.
Cette représentation presque idéalisée d’un monde naturel en déclin est le symbole de l’action de l’homme sur la nature. En effet le sujet de la crise écologique est traité mainte fois par les artistes et les designers mais souvent à travers leur propre prisme et par rapport aux soucis liés à la condition humaine, l’un des buts principaux des oeuvres qui rendent compte du dérèglement climatique est que la société en prenne conscience, de ce fait tout est tourné et pensé pour l’humain. Urban Ecology est un projet pensé par Fuminori Nousaku et Mio Tsuneyama, ils ont créés des modules afin de proposer une solution aux problèmes de précarité des logements en ville. l’habitat est construit avec des éco-matériaux et aux mensurations d’un studio citadin, la structure est conçue pour s’immiscer entre deux habitats. À travers cette proposition nous remarquons que les besoins de l’homme ne sont jamais remit en question. Le designer s’adapte toujours à ses besoins et continue d’amasser l’humain dans l’hypercentre. Le designer propose rarement des solutions alternatives qui suggèrent un nouveau mode de vie, l’humain et ses préoccupations siège toujours aux cœur de toutes créations artistiques ou de design.
Dans le paysage contemporain de l’art et du design, des initiatives telles que Red Mud de Kevin Rouff, Guillermo Whittembury et Paco Bockelmann, ainsi que l’esthétique écologique étudiée par les étudiants de l’Université de Brighton, mettent en lumière une préoccupation croissante pour les problèmes environnementaux. Cependant, derrière cette façade « écolo », persiste parfois une vision utopique qui néglige de remettre en question le comportement anthropocentrique et le mode de vie humain. Les designers semblent davantage se soucier des besoins humains que de l’impact environnemental réel. Bien que de nombreuses alternatives soient envisagées, rares sont celles qui incitent réellement l’homme à modifier son mode de vie.
II. Tout demeure centré sur l’humain, dans un cadre urbain souvent déconnecté de la nature. Certaines œuvres telles que Ice Watch de Olafur Eliasson exposent la nature extraite de son environnement d’origine, cette œuvre est questionnante quant à sa mise en place. Certes cette œuvre confronte l’homme à l’impact de ses actions sur la nature mais en réalisant cette œuvre, en héliportant plusieurs énormes blocs de glace provenant tout droit de glaciers millénaires elle a elle aussi un impact très néfaste sur l’environnement. Sa démarche est bonne mais est-il vraiment nécessaire de déplacer l’effondrement écologique au cœur d’une ville pour que l’humain se rende compte de ce qui se passe ? Pourquoi cette nature délaissée est encore pillée pour renvoyer le message de sa souffrance ?
Au contraire, le mouvement Arte Povera prend la nature elle-même comme matière artistique, offrant une réflexion sur la relation entre l’homme et son environnement. Dans ce mouvement la nature est contemplée, faiblement transformée, la main humaine n’est pas supérieure mais mise à la place la plus juste dans une démarche respectueuse de l’environnement. En fin de compte, la transition vers un mode de vie plus respectueux de l’environnement ne peut être simplement une question de design ou d’art. “ La transition énergétique est, avant tout, un projet politique”- Descola, 2000. Néanmoins, les artistes et designers voulant s’en rapprocher se doivent de prendre le temps de respecter tous les facteurs pour une démarche vraiment enracinée dans le respect de l’environnement. Ils ne peuvent se contenter de la satisfaction artificielle d’un public de plus en plus demandeur d’un pseudo-engagement.
Le manque de représentation de la faune et de la flore dans l’inquiétude environnementale au sein des œuvres d’art et de design est une lacune frappante qui révèle souvent le prisme anthropocentrique de ces préoccupations. Alors que les problèmes environnementaux suscitent de plus en plus d’attention et de préoccupation à travers le monde, il est remarquable de constater que la nature est souvent vue par l’œil humain, que l’inquiétude est tournée autour des bouleversements vécus par l’humain. Il y a un manque considérable sur la représentation des autres espèces vivantes constituant l’environnement. L’humain, en tant que centre et mesure de toutes choses, tend à se concentrer sur ses propres préoccupations, défis et expériences au détriment de la faune et de la flore.
Les artistes et designers, imprégnés de cette vision du monde, peuvent donc être portés à représenter principalement des aspects de la vie humaine et à reléguer la nature à un rôle secondaire. Dans de nombreux cas, l’inquiétude environnementale exprimée dans les œuvres d’art et de design se concentre principalement sur les conséquences des activités humaines sur l’homme lui-même, telles que les changements climatiques, la pollution ou la perte de biodiversité, sans nécessairement inclure une réflexion approfondie sur les conséquences pour la faune et la flore. Lorsque la faune et la flore sont représentées dans des œuvres telles que l’œuvre photographique de Dmitry Kokh, c’est sous le prisme du changement environnemental qui va faire changer la condition humaine que l’empathie apparaît, l’animal en tant que tel est sujet d’inquiétude.
La reconnaissance du changement environnemental est une inquiétude par transposition vers l’humain, l’environnement change, que va-t-il se passer pour nous ? L’empathie n’est pas directement tournée vers la nature elle-même mais elle est plus un sujet d’inquiétude en projection sur nos modes de vie. En adoptant une perspective moins anthropocentrique, les artistes et designers pourraient donner voix à la nature et lui accorder la place centrale qu’elle mérite dans nos préoccupations environnementales. En mettant en lumière la beauté, la diversité et la fragilité des écosystèmes naturels, ils pourraient contribuer à élargir notre compréhension et notre empathie envers le monde vivant en changement qui nous entoure.
En conclusion, le manque de représentation de la faune et de la flore dans l’inquiétude environnementale dans les œuvres d’art et de design révèle un déséquilibre dans la manière dont nous percevons notre relation avec la nature. Pour aborder de manière plus complète et équilibrée les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés, il est essentiel que les artistes et les designers considèrent la biodiversité comme un élément central de leurs réflexions et de leurs créations. L’inquiétude n’est-elle pas d’abord dirigée autour de la condition humaine dans un environnement qui va mal ? L’auteur principal de ce bouleversement n’a-t-il pas une fois de plus les yeux braqués sur son nombril, oubliant qu’il entraîne dans sa chute des victimes innocentes ?
Meyer Bisch Gladys & Chagas Nina