L’humour slapstick dans l’oeuvre de Mathis Collins //

mercredi 10 mars 2021, par DSAA Brequigny

 

 

En quoi la mise en scène des personnages des panneaux de Mathis Collins renvoient-ils à l’humour slapstick?


Mathis Collins s’est inspiré dans ses panneaux de l’humour slapstick. En effet, on retrouve beaucoup de scènes inspirées de cartoons où l’un des personnages tient une batte s’apprêtant à taper sur son rival/ son acolyte. Ce sont les personnages qui s’entendent à merveille tel que “chien et chat”! Ses personnages sont très caricaturés et l’humour est exagéré. On retrouve la fameuse batte de baseball dans le théâtre des marionnettes et l’enclume sur le point de tomber sur l’un des personnages. Dans Artiste policier surpris par la mort, le personnage est pris au dépourvu par la mort (le squelette), seul le spectateur connaît la chute. 

 

Le cinéma burlesque américain

Les panneaux de Collins renvoient aux cinéma burlesque américain. Ils sont d’un comique extravagant et déroutant. En littérature, ce burlesque repose sur le jeu de décalage entre la grandeur et la trivialité. Dans les panneaux de Collins comme dans le cinéma, le comique est principalement joué par la gestuelle (coups portés sur un personnage, rire satirique, claque dans la tête, doigts dans les yeux, les gens tombent, etc.). Ici, le sujet de la violence est complètement dédramatisé. 

L’humour que partage Collins avec le spectateur est le slapstick, “slap” signifiant taper et “stick”, le bâton. Un slapstick était à l’origine une pagaie inoffensive composée de deux morceaux de bois qui entrechoqués ensemble produisaient un coup retentissant lorsque la pagaie frappait sur quelqu’un. Ce terme provient aussi des “battochio” des bateleurs italiens, un objet très bruyant avant tout. Au Moyen-Âge, le bateleur est un jongleur qui joue sur une place publique, il fait partie du spectacle et le but de sa présence est de faire rire. Le slapstick semble être entré en service pour la première fois au XVIème siècle, lorsque Arlequin, l’un des personnages principaux de la commedia dell’arte italienne, l’a utilisé sur le postérieur de ses victimes.

 

Les dessin animés: les cartoons

L’enclume dans Artiste policier hué (détail) renvoie aux cartoons américains. Elle s’apprête à tomber sur la tête de Mathis Collins, l’artiste-policier. Il se moque de lui-même, comme s’il était un comédien hué sur scène et prêt à être assommé. Comme l’enclume, la batte renvoie à la matraque des gendarmes et à l’humour slapstick. Le scénario idéal correspond au gendarme qui court après le voleur/ le clown/ le vagabond et se prenant parfois lui-même des revers de bâtons comme Mathis Colins qui se moque de lui-même. La comédie slapstick est un genre qui tourne autour de l’humour physique, de l’exagération et de l’aspect comique de la violence. Souvent, l’histoire n’a pas d’intrigue concrète mais seulement une série de faits, d’actions sans explication mais qui font rire. 

Les cartoons référencés par Collins sont Tom et Jerry, Bip Bip et le coyote, Titi et Grosminet… Dans ces exemples, seulement une prémisse générique existe mais cela ne signifie pas que l’épisode est moins drôle. Le modèle des épisodes est répétitif: on a l’intro où l’un des personnages pose un piège à son rival puis arrive l’exécution où quelqu’un se fait frapper par une batte, une enclume, etc. Enfin les personnages sont atteints de blessures plus ou moins graves, ils sont couverts de bandages mais guérissent en un clin d’œil et repartent en bonne santé pour un nouvel épisode.

(Cliquer sur les images)

 

De même, dans le panneau Artiste policier et le Guignol’s Band, la marionnette est une représentation du théâtre de Guignol avec le castelet et des marionnettes : on retrouve le gendarme avec sa matraque et son chapeau bicorne dans 3 états : il est celui qui donne, reçoit le coup de bâton et s’apprête à être surpris par celui qui se cache derrière le rideau. On retrouve ici le même scénario que les cartoons.

 

(de gauche à droite et de haut en bas)
Artiste policier surpris par la mort; Artiste policier hué (détail); Artiste policier danseur de corde; Artiste policier et le Guignol’s Band (détail)

 

Les comédies burlesques

William Shakespeare a inclus beaucoup de scènes de poursuite et passages à tabac dans ses comédies, comme sa pièce La comédie des erreurs. Cette pièce repose sur des quiproquos et méprises entre jumeaux. Basé sur une farce du dramaturge romain Plautus, The Comedy of Errors est la comédie la plus folle du Barde – une œuvre pleine d’humour slapstick et de riche caractérisation centrée autour de deux ensembles de jumeaux identiques accidentellement séparés à la naissance.

 

Les Trois Stooges (The Three Stooges) illustre bien également l’humour slapstick. Cette troupe comique américaine a tourné de nombreux courts métrages au milieu du XXème siècle (1965). Dans la lignée du vaudeville américain et de la comédie, leur humour s’appuie essentiellement sur la farce et la bouffonnerie. Curly Howard, Moe Howard et Larry Fine sont les principaux personnages.

 

 

Encore, Les Fourberies de Scapin a été écrite en 1671 par Molière, comédien et dramaturge appartenant au classicisme. Dans cette pièce de théâtre, les histoires amoureuses se mêlent aux fourberies du valet Scapin. On retrouve du comique slapstick dans l’acte III de la scène 2, où Géronte, enfermé dans un sac, rendu aveugle, perd pour un temps son statut de maître et se retrouve condamné à subir les règles du jeu concoctés par Scapin ainsi que les coups de bâton de ce dernier. Les répliques « Ah, je suis roué » et « Pourquoi, diantre faut-il qu’ils tapent sur mon dos ? » montrent qu’il est en position de victime et ne maîtrise pas la situation.

Extrait de la scène du sac et du bâton (acte III-scène 2)

SCAPIN.- (…) » Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. « (..)

En se plaignant et remuant le dos, comme s’il avait reçu les coups de bâton.

GÉRONTE, mettant la tête hors du sac. – Ah, Scapin, je n’en puis plus.

SCAPIN.- Ah, Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.

GÉRONTE.- Comment, c’est sur les miennes qu’il a frappé.

SCAPIN.- Nenni, Monsieur, c’était sur mon dos qu’il frappait.

GÉRONTE.- Que veux-tu dire ? J’ai bien senti les coups, et les sens bien encore.

SCAPIN.- Non, vous dis-je, ce n’est que le bout du bâton qui a été jusque sur vos épaules.

GÉRONTE.- Tu devais donc te retirer un peu plus loin, pour m’épargner…

SCAPIN lui remettant la tête dans le sac. […]

 

Le slapstick aujourd’hui…

Contrairement aux cartoons, The Mask est un parfait exemple pour illustrer un film de comédie slapstick moderne. Cette comédie fantastique de Chuck Russell date de 1994. Les acteurs Jim Carrey, Cameron Diaz et Peter Green y figurent. L’histoire ne se réinitialise pas et tout ce qui se passe a un impact significatif sur l’histoire. Une intrigue est présente: Stanley Ipkiss est un banal employé de banque plutôt timide. Il voue une passion aux cartoons de Tex Avery. Un soir, il trouve un masque ancien doté de pouvoirs surnaturels révélant et exagérant la personnalité de son possesseur. Chaque fois qu’il le porte, il devient The Mask, personnage loufoque, sûr de lui et plein de ressources qui défraie la chronique.

 

 

Aussi, dans Maman j’ai raté l’avion, film de 1990 réalisé par Chris Columbus, le personnage de Kevin, un enfant de 8 ans, installe successivement des pièges pour stopper les “casseurs flotteurs”, des brigands essayant d’entrer dans sa maison. Ici, les personnages se retrouvent frappés, bousculés par les pièges posés par Kevin. Ces situations sont mortelles dans la vraie vie alors qu’ici elles sont tournées en ridicule.  

 

 

 

Un exemple plus contemporain de slapstick est MTV Jackass. Jackass (« casse-cou » ou « bourricot ») est une émission de télévision américaine dont les épisodes durent une vingtaine de minutes. Les acteurs se livrent à une série de cascades toutes plus dangereuses et irresponsables les unes que les autres. Et, dans ce cas, les interprètes ont pris la basse humeur et la violence à un nouveau niveau. Les créateurs de Jackass prônent la comédie physique basée sur l’humiliation. 

 

 

 

 

 

Dans Deadpool, film de Tim Miller de 2016, les scènes violentes sont dédramatisées, frivoles, grotesques et burlesques. Le personnage est l’anti-héros le plus atypique de l’univers Marvel. À l’origine, il s’appelle Wade Wilson : un ancien militaire des Forces Spéciales devenu mercenaire. Après avoir subi une expérimentation hors norme qui va accélérer ses pouvoirs de guérison, il va devenir Deadpool. Armé de ses nouvelles capacités et d’un humour noir survolté, Deadpool va traquer l’homme qui a bien failli anéantir sa vie.

 

 

Margaux et Charlotte