mercredi 7 février 2024, par DSAA Brequigny

 

En entrant dans le centre de La Criée durant l’exposition d’Evariste Richer,
vous avez probablement été intrigué par l’œuvre Cyclone tapissant une g
rande partie du lieu.

 

 

En prenant une certaine distance, l’image du cyclone du point de vue d’un satellite semble tournoyer.
En s’approchant suffisamment près, on s’aperçoit que l’œuvre se dessine par une dizaine de milliers de dés à jouer, posés à même le sol. L’artiste a décomposé le cyclone en six valeurs de gris : l’un étant la plus claire et le six, la plus foncée. L’image tramée créée des demi-teintes en tirant parti de la limite de résolution de l’œil et provoque un effet d’optique par une vibration rétinienne à l’approche de la spirale.
En exploitant le pointillisme et la forme cubique du dé, Evariste Richer se joue de notre vue et trouble nos sens par l’agencement et la multiplication de ce petit objet du quotidien. Cyclone est un exemple parmi d’autres œuvres, qui influencent par différents moyens la perception du spectateur.

 

Comment le geste technique de l’artiste ou du designer sur un objet peut-il ainsi participer à la création d’une illusion d’optique ?

 

Une illusion d’optique désigne “la perception des données visuelles qui fournit des conclusions non conformes à la réalité objective en matière de forme, de distance, de dimension de couleur, d’orientation, etc.” Cette recherche est centré sur les perceptions de l’objet, qui se définit par “une chose solide ayant unité et indépendance et répondant à une certaine destination”.  Ainsi, comme pour l’œuvre cyclone, cet article cherche à analyser un panorama non exhaustif d’effets d’optique sur des supports tridimensionnels par le prisme du geste technique du concepteur.

 

1- L’anamorphose

 

 

Lors de la première impression, l’œuvre Dali de Bernard Pras semble être un amas d’objets sans rapports entre eux  (un piano, des chapeaux ou animaux empaillés) qui s’étalent sur une plateforme de quelques mètres.
Néanmoins, lorsqu’on se positionne bien en face, on peut voir distinctement le visage du peintre Dali qui prend forme. L’artiste est un spécialiste de l’anamorphose, une illusion qui consiste à transformer des images déformées en images « normales » si elles sont vues d’un point précis. Il joue ainsi avec la perspective du point de vue du spectateur par l’agencement d’un ensemble d’objets hétéroclites tridimensionnels qu’il réunit en une surface bidimensionnelle. 

Lors de la conception de ses œuvres, Bernard Pras prend une photographie à chaque élément ajouté sous un certain angle, puis il les suspend et assemble selon leurs volumes, nuances de couleurs, et inclinaisons. D’autres créateurs utilisent ce principe d’anamorphose par l’agencement d’objets. Pour pousser votre curiosité plus loin, allez jeter un œil au clip The Writing’s On The Wall du groupe OKGO sorti en 2014. Cette vidéo est entièrement axée sur la perspective : les illusions sont réelles, pour ainsi dire, et c’est ce qui rend cela époustouflant.  

 

 

2 – Jeu de perspective

 

Rocky est une crédence sculpturale qui, par ses niches, sert d’étagère de logement. Elle arbore une forme peu commune qui peut perturber notre regard avec ses casiers qui semblent être orientés de façon latérale. Ce décalage visuel génère ainsi une impression de perspective aplatie. Jouant sur les mécanismes optiques de perception de la profondeur de champ, de face Rocky paraît plate, alors que son épaisseur est de près de quarante centimètres.

 

 

Ainsi le designer joue avec les formes géométriques pour créer des motifs aux volumes déroutants. L’illusion d’optique naît du travail du métal soudé, de la coordination des couleurs, textures et volumes dans l’espace donnant l’impression d’une forme aplatie en deux dimensions. Autrement dit, cet objet est le fruit d’un jeu de perspective en tant qu’illusion mais avec, ici, une illusion de platitude, plutôt que de volume.

Le designer Charles Kalpakian joue avec la perception de l’espace et des volumes en imaginant cet objet dont la forme change selon l’angle avec lequel il est regardé. Il s’est inspiré des célèbres images d’illusion d’optique comme le cube de Vasarely, le travail du plasticien Georges Rousse ou encore le triangle de Pen Ross. 

 

 

Pour pousser l’analyse plus loin, ce fameux triangle impossible de Pen Ross jouant sur la perspective a inspiré le duo de jeunes designers Cristina Ródenas et Adrian M. Almonacid du studio Cuatro Cuatros pour dessiner ce vase 90°. Ici, l’interposition, l’orientation et la perspective créent une contradiction de l’espace qui nous fait percevoir quelque chose qui ne l’est pas.

 

3 – Illusion de mouvement

 

C’est également à travers des moyens techniques que notre perception peut être trompée. Dans son œuvre Gautama, dans la collection du Seattle Art Museum, l’artiste reprend l’objet tapis en se jouant de sa matérialité et en créant une illusion d’un changement d’état, du solide vers le liquide. Par sa forme, le tapis produit également une impression de mouvement, une illusion d’huile sur l’eau, comme si les pigments du tapis étaient figés dans le temps par les fibres du tapis.

 

 

Ahmed est un artiste contemporain qui explore l’artisanat et les techniques traditionnelles. Son domaine de recherche s’intéresse particulièrement aux religions du monde, aux écritures anciennes ainsi qu’à la calligraphie et au motif. Dans son projet de tissage pour la collection du Seattle Art Museum, Faig Ahmed se base sur le tapis azerbaïdjanais classique. Ainsi il travaille à partir de moyens de tissage traditionnels qu’il explore afin de produire de nouvelles formes visuelles de manière innovante. Par des procédés numériques, il pense et déforme ses pièces et modifie la forme et l’aspect du tapis. Il s’inspire des pratiques anciennes du tissage et expérimente avec des matériaux et des couleurs traditionnels. A travers sa pratique, il crée des illusions qui remettent en question notre perception à travers la matérialité de ses œuvres et par le moyen technique employé.

C’est donc une série d’œuvres que l’artiste à produit en 2013 et qu’il à pu exposer dans plusieurs pays du monde.
Le phénomène observé dans l’œuvre Gautama est ainsi également visible dans d’autres œuvres de l’artiste comme Dragons of Karabakh, œuvre plus récente datant de 2021.

 

 

Les illusions d’optiques sont connues majoritairement pour des effets graphiques en deux dimensions trompant notre regard. Ce panorama d’œuvres d’artistes et de designers permet de jeter un œil sur les effets d’optique qui s’appliquent aux objets. Que ce soit par l’anamorphose, par des jeux de perspectives ou par des illusions de mouvements, le geste technique du concepteur à un rôle à jouer sur la perception du spectateur, et demande ainsi un travail de forme, de couleur, d’agencement ou encore d’orientation. 

Pour pousser cet inventaire plus loin, n’hésitez pas à partager d’autres exemples pour les plus curieux.ses
d’entre vous 🙂

 

Sahra Yakoubene & Pandora Bec