mercredi 3 avril 2024, par lacriee

Sombres réalités, exposition du 18 mars au 18 avril 2024
au CDI du Lycée Professionnel Alphonse Pellé à Dol-de-Bretagne

Sombres réalités est une exposition de 3 œuvres vidéo emblématiques du travail d’Anne-Charlotte Finel présentée au LP Alphonse Pellé, en partenariat avec La Criée centre d’art contemporain. Elle s’inscrit dans le cadre d’un projet pédagogique mené par les élèves de 2nde Bac Pro Coiffure et fait écho à Respiro, l’exposition de l’artiste à La Criée. Le titre Sombres réalités a été choisi par les élèves après un échange autour de leur réception de ces trois œuvres. Les élèves ont ensuite rédigé une « feuille de salle de l’exposition » présentant chaque vidéo avec l’accompagnement de leurs professeures documentaliste et de français.

Filmées sans artifice, au crépuscule, à l’aube où la nuit, les trois vidéos présentées troublent nos perceptions et interrogent nos représentations des espaces (sauvages, urbanisés ou industriels) et du vivant (animal, végétal ou humain). Nos réalités se placent alors à la lisière de la fiction et de l’artificiel.

 

Entre Chien et Loup, 2015, vidéo HD couleur, musique de Voiski, 5’44’’

Cette vidéo a été réalisée en 2015, elle dure 5 minutes 44. Son titre fait référence à l’expression « Entre chien et loup » qui signifie « à la tombée du jour » et qui définit ce moment de la journée, aux dernières du jour quand la lumière est incertaine. La vidéo a été filmée avec une caméra longue vue, équipée d’un système infra-rouge, généralement utilisée par les chasseurs. C’est l’utilisation de cette caméra et les jeux de réglages de l’objectif qui rendent l’image granuleuse. On parle alors de « bruit » sur l’image. Nous pouvons observer au premier plan de l’image des chevreuils dans un espace de nature et de végétation, à la lisère d’une ville. Cette ville, malgré ses lumières jaunes et bleutées, semble abandonnée et camouflée dans la brume. À un moment, les chevreuils fixent l’artiste ce qui donne la sensation aux spectateurs d’être eux-mêmes observés par les animaux. Cette scène fait naître en nous un sentiment de prédation. Sommes-nous les prédateurs ou les proies ? L’image granuleuse et floue ainsi que la musique nous plonge dans une sorte de rêve un peu angoissant. Elle nous fait quitter la réalité. Anne-Charlotte Finel nous place à proximité des animaux, nous sommes au cœur de leur intimité. Nous ressentons même leur peur et leur fragilité. C’est l’apparition du jogger dans la partie finale de la vidéo qui nous fait revenir au réel et à notre condition humaine.

 

Gerridae, 2020, vidéo HD couleur, musique de Voiski, 4’11’’

Cette vidéo s’intitule Gerridae, elle date de 2020 et dure 4 minutes 11. Pour son tournage, Anne-Charlotte Finel a vraisemblablement utilisé une caméra avec un zoom très puissant. Dans cette vidéo, nous observons des gerridaes se déplacer à la surface d’une étendue d’eau. Les gerridaes sont des insectes prédateurs plus communément appelés « araignées d’eau ». Leurs pattes sont hydrophobes, elles leur permettent de se déplacer rapidement et de communiquer entre elles à travers les ondes produites à la surface de l’eau. Dans cette vidéo, lorsque les araignées d’eau s’entrechoquent, des étincelles apparaissent. Associées aux sons de la musique, ces étincelles créent une ambiance vibrante presque électrique. Les insectes semblent alors agités, nerveux. L’image est lumineuse et étincelante. Anne-Charlotte Finel nous plonge dans un univers digne de la science-fiction. L’imagination du spectateur est stimulée et les interprétations deviennent fantasques. Les gerridaes deviennent alors des soldats combattants avec des sabres lasers ou se lançant des étincelles du bout de leur pattes, ou encore des vaisseaux spatiaux s’affrontant dans l’espace.

 

Hors-sol, 2020, vidéo HD couleur, musique de Voiski, 10’23’’

Cette vidéo a été réalisée en 2020. Elle dure 10 minutes 23 et a été tournée de nuit et au lever du jour. Anne-Charlotte Finel donne à voir les serres gigantesques de l’industrie agricole dans lesquelles sont cultivées de façon intensive des tomates. Le titre de la vidéo fait d’ailleurs référence à ce mode de culture dit « hors-sol » car les tomates y poussent la tête en bas et racines en l’air, sans contact avec le sol.
Les lumières roses et jaunes proviennent des lampes à sodium présentes dans les serres et utilisées pour accélérer la croissance des végétaux. Ces couleurs contrastent fortement avec le noir de la nuit. Anne-Charlotte Finel filme les environs immédiats des serres : les animaux, la végétation et les habitations. Les oiseaux volent dans cette nuit colorée comme en plein jour. L’artiste joue avec les réglages de sa caméra. Certaines séquences sont tournées au ralenti. Pour d’autres, elle utilise son zoom. Les changements de vitesse, le grain de l’image, les jeux de lumière et la musique mystérieuse nous plongent dans un univers de science-fiction lent et vaporeux. Notre réalité n’est plus naturelle, elle est devenue fantastique. La crainte gagne peu à peu le spectateur. Anne-Charlotte Finel témoigne ainsi de la déconnexion de l’Homme vis-à-vis de la nature. L’artiste nous pousse à nous interroger sur ce qui aujourd’hui constitue notre réalité, notre sombre réalité.