A gar-agar : l’agar-agar est un gélifiant d’origine japonaise, extrait d’algues rouges. Celles-ci sont bouillies. Puis on récupère l’eau de cuisson, que l’on congèle et dégèle pour déshydrater le produit et isoler l’agar-agar. Celui-ci est finalement réduit en poudre. C’est un élément sensible à la chaleur et à l’humidité, qui peut s’assécher, se liquéfier, moisir, etc. Elvia Teotski a travaillé ce matériau dans des œuvres telles que A chaque jour sa surprise (2018).
A lginate : il s’agit d’un composant obtenu à partir d’algues brunes. De couleur variant du blanc au brun jaunâtre, il est vendu sous forme filamenteuse, granulaire ou en poudre. C’est aussi l’un des principaux gélifiants utilisés dans la confection de moulage, notamment dentaires. Dans l’exposition Molusma, Elvia Teotski présente Le reste des vagues, des sculptures qui sont des moulages d’algues en alginate, soit des empreintes d’algues faites à partir d’algues.
A lgues : végétal chlorophyllien dépourvue de racines, de tiges et de feuilles, le plus souvent aquatique. Ces dernières décennies, les littoraux bretons connaissent l’algue comme un végétal envahissant, polluant l’environnement par des gaz mortels (voir l’affaire des algues vertes). Dans l’exposition Molusma, Elvia Teotski utilise les algues mélangées avec de la terre crue comme matériau de construction pour ses briques.
A dobe : technique de fabrication de briques. L’adobe consiste à mélanger de la terre argileuse avec de l’eau et un troisième matériau qui sert de liant, en petite quantité. Le plus souvent c’est la paille qui est utilisée comme liant, mais pour l’exposition Molusma, l’artiste s’est servie d’algues séchées. Une fois le mélange constitué, les briques ont été façonnées et séchées au soleil. Elles n’ont pas été cuites.
A gronomie : science qui a pour objet les relations entre les plantes cultivées, les sols, les climats et les techniques de culture. Avant de devenir artiste, Elvia Teotski a été formée en tant qu’agronome.
A nthropocène : Période actuelle des temps géologiques, où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète et les transforment à tous les niveaux. On fait coïncider le début de l’anthropocène avec celui de la révolution industrielle, au XVIIIe siècle.
A zyme (papier) : Papier comestible à base de fécule de pommes de terre, utilisé notamment en pâtisserie. Pour sa pièce Sans fin, Elvia Teotski a imprimé la photographie d’une voile dite de « forçage », servant à protéger les culture maraîchères du froid et des insectes, sur des centaines de papiers azyme. Avec le temps, ces papiers vont sécher, réagir à l’humidité et à la lumière, transformant progressivement notre perception de l’image, en interaction avec l’environnement.
E xpérimentation : Elvia Teotski travaille de nouvelles matières, comme des algues, de la terre, ou encore des objets ou poussières récupérés. Elle teste leurs réactions : Est-ce qu’elles tiennent debout ? À quelle hauteur ? Est-ce qu’elles fondent ? Est-ce qu’elles tâchent ? C’est une étape importante que de s’approprier ces matériaux. À partir de ces expérimentations et observations, l’artiste crée une ou plusieurs œuvres.
E ntropie : basée sur le terme grec qui désigne la transformation, l’entropie indique les processus énergétiques, physiques ou sociaux imprévisibles. L’entropie considère que la nature passe d’un système ordonné à un système désordonné au fur et à mesure du temps. Prenons l’exemple d’un glaçon, taillé bien cubique, avec ses molécules d’eau très ordonnées. Lorsqu’il fond, la glace se transforme en eau et ses molécules sont moins ordonnées. Lorsque l’eau s’évapore, ces mêmes molécules peuvent aller jusqu’à se disperser dans l’air.
F eral : « sauvage » en anglais. Anna L. Tsing désigne comme « feral » les environnements investis par les hommes mais qui se sont développés au point d’être hors de contrôle. Par exemple l’introduction d’espèces dans des lieux qui n’ont pas de prédateurs naturels, ou la suppression de la biodiversité pour des cultures intensives, sur lesquelles se développent des prédateurs et parasites spécifiques. Anna Tsing relie cette idée de feral à l’économie capitaliste – notamment pour les cultures intensives – et à la mondialité.
L aisser-faire : dans son travail, Elvia Teotski ne cherche pas à contrôler le résultat final. Elle laisse l’œuvre évoluer, s’effondrer, grandir, pourrir ou s’assécher. Elle n’impose pas de discipline stricte mais au contraire s’amuse à observer comment son travail se transforme de lui-même, à travers le temps.
M oisissure : ce petit champignon verdâtre qui se développe dans l’humidité et l’obscurité, fait partie intégrante des œuvres de l’artiste. Loin de la dégoûter, Elvia Teotski considère la moisissure, si moisissure il y a, comme l’évolution naturelle de son travail. Ce n’est que la transformation de la matière première, au contact de l’humidité.
M olusma : en grec, ce mot signifie souillure, tâche. Dans les années 1960, le biologiste Maurice Fontaine propose ce nom pour désigner l’époque géologique actuelle, car cette dernière est marquée par la pollution, la production de déchets et les traces laissés par les activités humaines, comme des tâches dans l’environnement. Il a même créé le terme de « molysmologie marine » pour désigner une science nouvelle : l’étude des pollutions marines liées aux activités humaines.
N éguentropie : tendance d’un système à évoluer vers un degré croissant d’organisation. Par exemple, lorsque l’on ajoute un peu d’encre dans un verre d’eau : au départ l’encre reste concentrée là où l’on a déposé la goutte. Puis, petit à petit l’encre va se mélanger à l’eau et se répandre uniformément dans le verre.
O bservation : le processus d’observation est très important dans le travail d’Elvia Teostki, de la conception de l’œuvre à sa réception par le public. L’artiste procède tout d’abord à des recherches, des observations de son environnement, de son contexte et de ses matériaux. Une fois les matériaux et techniques choisies, arrive la phase d’expérimentation, c’est-à-dire d’essayer et d’observer différents processus et réactions de la matière. De même, une fois exposée, c’est au public de prendre le temps d’analyser l’œuvre, repérer les formes de vie qui l’occupent, ainsi que son évolution très lente.
P hytoplancton : le phytoplancton est un plancton végétal. C’est un organisme aquatique chlorophyllien, c’est-à-dire que c’est une plante verte qui vit sous l’eau et absorbe une partie des rayons du soleil pour vivre.
P récarité : les matériaux qu’utilise Elvia Teotski sont fragiles et sensibles à leur environnement. Le taux d’humidité, le vent, la température ou encore la luminosité les transforment. En cela, ils sont des matériaux précaires. Cependant, ils ont aussi une grande force d’adaptation et tout leur intérêt se trouve dans ces changements perpétuels.
T ERRE : TERRE est une briqueterie solidaire, communauté Emmaüs à Chevaigné (35). L’association est un lieu d’accueil, d’accompagnement et de vie communautaire pour les personnes en situation précaires. Son projet s’accompagne aussi d’une activité économique de fabrication de matériaux de construction en terre crue. L’objectif est de créer un modèle économique viable, solidaire et basé sur la mixité sociale. C’est avec l’association TERRE que l’artiste Elvia Teotski a travaillé pour façonner les briques exposées à La Criée, lors d’un chantier participatif qui a eu lieu en août 2021.
T SING Anna : Née en 1952 aux États-Unis. Diplômée de l’université de Yale et de Stanford, elle est professeure en anthropologie. Elle travaille de manière interdisciplinaire, entre sciences humaines, sciences sociales et sciences naturelles. Elle s’intéresse tout particulièrement à l’impact de l’économie capitaliste sur les milieux sociaux et naturels, et cherche à mettre en lumière ces relations parfois interdépendantes, parfois de cause à effet pour souligner ces conséquences « invisibles » de la mondialisation.