mercredi 18 janvier 2023, par lacriee

Dans sa pratique artistique, Judith Kakon s’intéresse au réemploi d’objets trouvés ou observés dans l’espace public. À La Criée par exemple, elle a sollicité le service Eclairage public  de la métropole de Rennes, pour réutiliser les lumières de noël et produire son installation Recess and Incline.

Cet intérêt pour les questions de réemploi, de déplacements des formes et des usages, entre l’espace public et l’espace d’exposition trouve un écho dans l’histoire de l’art, avec l’Arte Povera.

L’apparition de ce mouvement en Italie dans les années 1960 correspond à un phénomène international plus vaste, qui se manifeste dans des expériences telles que celles du Land Art, de l’  » Antiform  » ou de l’Art conceptuel. Le terme d’arte povera, « art pauvre », est proposé par le critique d’art Germano Celant en septembre 1967 dans un manifeste. Celui-ci accompagnait l’exposition Arte povera-IM spazio dans une galerie de Gênes, qui réunissait une douzaine d’artistes  : Alighiero Boetti, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Giulio Paolino, Pino Pascali, Emilio Prini, Giovanni Anselmo, Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Marisa Merz, Mario Merz, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto et Gilberto Zorio.

Les artistes de l’Arte Povera souhaitent défier les stratégies mises en place par l’industrie culturelle et la société de consommation. Ils tentent de se soustraire à la logique de marché, pour que leurs œuvres ne soient pas considérées comme de pur produits. Dès lors, ils tentent de réconcilier nature et culture, en utilisant des matériaux considérés comme pauvres ou de peu de valeur : par exemple, ils juxtaposent des objets manufacturés issus de la société de consommation comme des néons, des miroirs ou des vêtements, avec des matériaux naturels et organiques, comme des plantes, des minéraux, de la terre, du feu ou de l’eau. Les artistes de l’Arte Povera créent des sculptures, des peintures, des installations, des photographies, des vidéos, et développent des performances où le processus de création et le geste artistique priment sur l’objet final. La plupart sont fortement engagés politiquement et choisissent d’intervenir directement dans l’espace public, sortant ainsi du cadre d’exposition de la galerie.

Quelques exemples d’artistes et œuvres de l’Arte Povera, en écho au travail de Judith Kakon : 

Dans les années 1960, Pier Paolo Calzolari réalise des séries d’œuvres hybrides mêlant matériaux naturels (végétaux, minéraux, feu, glace) et matériaux industriels (comme le néon). Il s’intéresse au passage du temps, aux énergies et à la transformation naturelle des matériaux organiques au sein de ses installations.

Vue de l’exposition Accrochage, 2016, salle de Pier Paolo Calzolari, collection Pinault, Pointe de la Douane, Venise.

À partir de 1965-66, Mario Merz réalise des assemblages tridimensionnels appelés « peintures volumétriques », composés d’objets du quotidien manufacturés tels qu’une bouteille, un parapluie ou un imperméable, et les associe à des tubes en néon. Il souhaite sortir du cadre du tableau traditionnel. Le néon est un des objets principaux qui traverse toute sa pratique artistique. Il cherche ainsi à dépasser la fonction première de l’objet utilitaire tel qu’un parapluie et à lui transmettre l’énergie de la lumière du néon, une nouvelle « énergie artistique ».

Mario Merz, La spirale appare (détail), 1990, fer, verre, néon, journaux, branches, Centre d’art contemporain Luigi Pecci, Prato.

Les artistes de l’Arte Povera font partie des inspirations de Judith Kakon, pour installation à La Criée.

Judith Kakon, Recess and Incline, 2023, lumières de noël de la ville de Rennes, racks, La Criée centre d’art contemporain, Rennes ; courtesy de l’artiste et de la Criée centre d’art contemporain.

 

Dossier sur l’arte povera.

Exposition Renverser ses yeux : Autour de l’arte povera 1960-1975, Photographie, film, vidéo, BAL et Jeu de Paume, Paris, 11/10/2022 au 29/01/2023.