La Brigada, extrait de la vidéo de Bertille Bak, 2018, courtesy de l’artiste, de la galerie Xippas et de Gallery Apart, Rome
Bertille Bak et la vidéo
Dès sa sortie de l’école des beaux-arts de Paris, Bertille Bak expérimente le médium de la vidéo au Fresnoy, Studio national des arts contemporains consacré à la production et diffusion artistiques, audiovisuelles et numériques. Les films qu’elle scénarise et réalise, se jouent en collaboration avec les communautés, auprès desquelles elle s’immerge. Dans un univers à la fois décalé et ridicule, l’artiste mêle la fiction au réel pour créer des scènes surréalistes.
Pourquoi le burlesque ?
Le Burlesque, de l’espagnol burla, veut dire « plaisanterie », un enchaînement de blagues ou gags qui font rire. Apparu dans un premier temps en Italie dans la Commedia dell’Arte, le burlesque s’impose comme genre à part entière dès les origines du cinéma. Il se définit par des situations comiques, comme par exemple, dans le premier court-métrage burlesque, l’Arroseur arrosé de Louis Lumière en 1895. Le retournement de situation est un des fondements du burlesque au cinéma, par la multiplication d’accidents avec les cascades de l’acteur Buster Keaton ou des disputes avec les Marx Brothers.
Des personnages hauts en couleurs
La Brigada présente la communauté des cireurs de chaussures (lustracalzados ) de La Paz. Ils se sont réunis en un collectif pour défendre leurs droits et améliorer leurs conditions de vie dans la société bolivienne. L’artiste a pris contact avec leur association « Hormigon Armado », pour créer un projet commun qui met en lumière leurs revendications. C’est ainsi que « l’armée des souliers propres » est née, une brigade qui fait du bruit pour se faire entendre. Bertille Bak reprend l’image d’une manifestation, mais la détourne et amplifie de façon absurde et originale : une armée d’hommes en cagoule montés sur des échasses faites de boîte de conserve. Ils ne parlent pas, ne portent pas d’affiches, seule leurs bruits de pas se font entendre. L’artiste a fait le choix d’amplifier l’importance du rôle des cireurs de chaussures en montrant différents moyens comiques pour ne pas salir les chaussures. Chaussons de chaussures, échasse en métal, à dos de femmes, en roulant sur soi-même… Pour finalement finir le film par un lustracalzados cirant des chaussures.
Les héros burlesques, comme dans les films de Jacques Tati, Max Linder ou Charlie Chaplin, jouent avec leur corps pour créer des scènes surréalistes. Les costumes, maquillages ou des accessoires décalés amplifient le côté humoristique. Tous comme ces légendes du cinéma, les personnages de Bertille Bak, jouent à leur tour dans des scènes surréalistes et hautes en couleurs. De l’armée des cireurs de chaussures pour le film La Brigada, aux petits poussins multicolores de Bleus de travail jusqu’aux enfants mineurs des cinq pays de Mineur Mineur, les héros de Bertille Bak se font entendre.
Un Humour Bertillesque
L’humour de Bertille Bak s’illustre sous une forme satirique, en transposant ses personnages dans des situations imaginaires. Cette forme d’humour lui permet de jouer sur le retournement de situation pour rendre sensible ce qu’il y a de critiquable dans le réel. Tel que dans les films de Jacques Tati (1907-1982), l’artiste joue avec le son pour créer ou amplifier une situation burlesque. Bleus de travail raconte la vie de poussins qui se font kidnapper par des corneilles et colorer grâce à des lampes. Afin de divertir un couple d’aigle, ils sont expédiés sur une ligne électrique, pour former un arc-en- ciel. Aucune parole dans le film, seulement un dialogue entre les oiseaux et les machines : caquètement, gazouillement et piaillement et bourdonnement, grincement, pétarade…Tous ces bruitages amplifient les trucages du film pour donner un résultat coloré, comique et surréaliste.