Jean-Pierre Brisset, « Prince des penseurs » //

mercredi 11 décembre 2019, par lacriee

Jean-Pierre Brisset est né en 1837 et mort en 1919. Il quitte l’école à douze ans pour aider ses parents à la ferme, puis part à quinze ans comme apprenti pâtissier à Paris. En 1855, il s’engage dans l’armée et prend part notamment à la guerre de Crimée. Sa carrière dans l’armée lui permettra curieusement d’apprendre plusieurs langues, comme l’italien ou l’allemand. Après sa démission en 1977, il sera d’ailleurs engagé comme professeur de langues vivantes à Paris. Il est nommé en 1879 commissaire de surveillance administrative à la gare d’Orchies, puis en 1880 à la gare d’Angers Saint-Serge, avant de finir sa carrière à la gare de L’Aigle dans l’Orne en 1904.

Brisset a donné de nombreuses conférences à Paris, il a été l’auteur d’un Art de nager (1871), de trois grammaires (1874, 1878, 1883), l’inventeur de deux brevets (dont « la ceinture-aérifère de natation à double réservoirs compensateurs à l’usage des deux sexes »). Après 1889, il débute une œuvre prophétique de 1300 pages, comprenant Le Mystère de Dieu est accompli (1890) ; La Science de Dieu ou la Création de l’homme (1900) ; La Grande Nouvelle (1900), qu’il fit distribuer gratuitement dans Paris par des crieurs publics ; Les Prophéties accomplies. Daniel et l’Apocalypse (1906) ; Les Origines humaines (1913). En 1913, il fut élu « prince des Penseurs » contre Bergson par Jules Romain, sans savoir que ce prix relevait en fait d’un canular.

À une époque marquée par l’apport du darwinisme, Jean-Pierre Brisset tente d’établir un discours sur les origines humaines et sur les mystères de l’évolution, en basant sa réflexion sur le fait que l’homme descendrait de la grenouille. Pour ce faire, l’auteur progresse de façon assez poétique, en explorant les multiples ressources du langage, jouant par exemple sur des homophonies, des paronymies, des homonymies, des holorimes et des calembours. Cette forme d’écriture a inspiré de nombreux artistes comme Marcel Duchamp et André Breton.

Dans les premières lignes de La Grande Nouvelle, Jean-Pierre Brisset écrit :

LA GRANDE LOI CACHÉE DANS LA PAROLE
Toutes les idées que l’on peut exprimer avec un même son, ou une suite de sons semblables, ont une même origine et présentent entre elles un rapport certain, plus ou moins évident, de choses existant de tout temps ou ayant existé autrefois d’une manière continue ou accidentelle.
Soit, comme exemple, les quatre sons : Les dents, la bouche.
On peut écrire : L’aide en la bouche, lait dans la bouche, laid dans la bouche, laides en la bouche, etc.

Ce texte prend alors la forme d’un préambule, dans lequel l’auteur amorce les analyses linguistiques qu’il va développer plus loin. Dans son film La Grande Nouvelle, présenté dans la seconde salle de La Criée, Éléonore raconte l’histoire de Pierre Brisset, un petit garçon de cinq ans, alors qu’il fait ses premières découvertes et développe ses premières intuitions sur les origines batraciennes de la vie humaine. Dans ce film, Éléonore Saintagnan mêle le conte à son histoire personnelle (le film a été tourné dans la ferme de son enfance dans le Tarn) et bien sûr à celle de Jean-Pierre Brisset.

 

Pour accéder aux textes de Jean-Pierre Brisset mis en ligne gratuitement par Les Presses du Réel

 

Sources :

DÉCIMO, Marc, « Jean-Pierre Brisset et « la folie de l’insolite » considérée du point de vue de Marcel Duchamp, d’André Breton, de Raymond Queneau, de Michel Foucault et de quelques autres », Topique, 2012/2 (n° 119), p. 71-86. URL : https://www.cairn.info/revue-topique-2012-2-page-71.htm

GARBIT, Philippe, « Vie et oeuvre de Jean-Pierre Brisset « prince des Penseurs » pour qui « L’homme descend de la grenouille »… », France Culture, émission diffusés le 1er avril 2018. Lien URL : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/vie-et-oeuvre-de-jean-pierre-brisset-qui-pensait-que-lhomme-descend-de-la-grenouille

SANCHEZ, Serge, «Jean-Pierre Brisset, Prince des Penseurs, Inventeur, Grammairien et Prophète », Le Nouveau magazine littéraire, n°402, oct. 2001. Lien URL : https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/jean-pierre-brisset-prince-des-penseurs-inventeur-grammairien-et-proph%C3%A8te

 

Photo : Les Grenouilles qui demandent un Roi, dans les Fables de Jean de La Fontaine • Crédits : Imagerie de Pont-à-Mousson vers 1900 © Lee/LeemageAFP