Les oeuvres de Seulgi Lee tendent de rendre visibles le liens entre artisanat et culture orale. Ses objets sont inspirés ou traduisent certains mythes, récits, contes ou chansons.
L’ensemble KUNDARI, un mot inventé par l’artiste, lui a été inspiré par le conte populaire Gargantua. Ce géant régnant en Utopie se serait déplacé d’est en ouest suivant la course du soleil. Natif de Plévenon, le célèbre personnage de Rabelais aurait laissé sa trace dans de multiples lieux de Bretagne: quand lui a pris l’envie de visiter Rennes, il passa par Matignon et Plancoët pour faire halte à Dinan. Et si Gargantua avait été une femme ? En contre-point de cette démesure masculine, Seulgi Lee pose à même le sol les KUNDARI, de grands stabiles en métal peint, des formes abstraites et géométriques représentant des sexes féminins géants.
Gargantua fut écrit par François Rabelais en 1534. Le nom de ce géant est aujourd’hui passé dans le langage courant pour désigner un appétit énorme et insatiable, dit « gargantuesque ». A sa naissance, Gargantua ne pleura pas comme n’importe quel nouveau-né, mais réclama « à boire, à boire ! », si bien que Grandgousier, son père, l’entendant s’époumoner ainsi s’écria « quel grand tu as », sous-entendu « gosier », et qu’il devint donc Gargantua (quel grand tu as). Il fallut plusieurs vaches pour rassasier sa soif.
Sous forme de chroniques en prose et en vieux français Rabelais explore le registre du conte autant que celui du portrait satirique. Une verve populaire s’y exprime joyeusement et Rabelais ne manque pas d’user de jurons ou obscénités. Ce ton lui permet d’exprimer sa philosophie en toute liberté malgré la censure et les guerres de religion propres à l’époque de François Ier. On peut ainsi lire à travers le roman, l’idéal d’une éducation où se mêlent hygiène, sport et savoir, au fil d’aventures comiques et magnifiques, de guerres en ripailles sans oublier le plaisir puisque le géant a grand besoin d’assouvir ses besoins sexuels et alimentaires.
Le trajet de Gargantua en Bretagne:
En passant à Languédias, Gargantua avale des pierres sonnantes qu’il vomira plus loin, incommodé par l’odeur du poisson au Guildo. Il crée ainsi le rocher de la Héronnière à l’embouchure de l’Arguenon et les pierres sonnantes de la Goule d’enfer. Ainsi une multitude de rochers seraient là de son fait, tantôt jetés, tantôt vomis, tels les pointes de la Garde et du Bé, le rocher du Bécrond et celui du Canevet, ainsi que les deux feuillatres. Toujours sur la côte de Saint-Malo à Erquy, il lance la Basse à Chiambrée et le Petit et le Grand Bourdineau. L’Amas du Cap au large du Cap Fréhel provient d’un caillou qui le gênait dans sa chaussure. Il crée aussi le rocher de la Latte d’un coup de pied et plante son bâton près du fort, un menhir de près de 3 mètres. Sur la route de Saint-Malo, en repensant à l’odeur du poisson qui séchait à Saint-Jacut-de-la-mer, il vomit l’île d’Agot, Neput et la pointe du Décollé. C’est après avoir mangé et bien bu, qu’il rejette le Grand-Bé et le Petit-Bé dans la rade de Saint-Malo. Un autre gravier dans sa chaussure devint le rocher de Cancale. D’un coup de pied, il fait naitre l’Anse de Mordreuc et on trouve une de ses dents à la pointe de Garot, et une autre à Saint-Suliac. Il plante sa canne dans la baie de la Fresnaye créant le rocher Calenfri, le menhir de Saint-Samson lui servait de pierre à aiguiser. Il est aussi à l’origine de l’étang de Jugon, et donc de l’Arguenon, mais aussi du Frémur. C’est à Plévenon qu’on trouve l’empreinte de ses pieds près de Fort la Latte, ainsi qu’au bois de Meurtel. On raconte qu’il arracha une forêt créant ainsi la baie de la Fresnaye afin de se faire construire un gigantesque navire. Il aurait même trouvé l’amour sous les traits d’une fée des eaux de la Rance.
sources : François Genevrier, Territoires des légendes de Gargantua, bio-scene.org