La poésie de l’horloge // Les ressources pédagogiques

vendredi 8 mars 2019, par lacriee
En résonance avec les poèmes visuels Propositions pour horloges de David Horvitz, nous vous invitons à découvrir et redécouvrir le poème L’horloge de Charles Baudelaire, extrait des Fleurs du mal. Ce poème de 6 quatrains, totalise 24 vers, allusion aux 24 heures de la journée.

L’horloge

Charles Baudelaire (1821 – 1867)

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit :  Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !  »

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal