jeudi 26 octobre 2023, par lacriee

Les dés, objets de jeu et de hasard, apparaissent dès l’Antiquité, au Vème siècle avant JC. Ceux-ci étaient constitués de différentes matières : os, ivoire, bronze, verre ou diverses pierres et étaient pour la plupart numérotés de 1 à 6. Très prisés, les dés possédaient en eux-mêmes, une certaine valeur. L’utilisation du dé introduit dans l’art la notion d’aléatoire. Le hasard et les dés sont intimement liés comme en témoigne le célèbre poème de Mallarmé, intitulé Un coup de dés jamais n’abolira le hasard (1897). Le lancer de dés fait référence à l’imprévisible qui serait d’une certaine manière maitrisée.

La symbolique du dé à jouer offre aux artistes plasticiens un champ des possibles. Comme simple évocation du jeu, ou comme incarnation matérielle de l’aléatoire, le dé manifeste de nombreuses possibilités plastiques. Il peut être perçu comme un élément qui construit une image, à la façon de petits cubes qui pourraient s’imbriquer les uns dans les autres ou tout simplement être juxtaposé, donnant ainsi l’effet d’une mosaïque. Par exemple, les points sur les dés peuvent permettre de rendre compte d’une image, en reprenant le principe du pointillisme. Dans l’exposition Avaler les cyclones, Evariste Richer choisit de représenter l’image d’un cyclone, à l’aide d’une multitude de dés (70000 dés) posés au sol les uns à côté des autres. L’artiste utilise ainsi la plasticité des dés pour proposer un dessin en nuance de blanc et de noir. Si Evariste Richer a choisi d’installer les dés sur une surface plane, d’autres artistes ont fait le choix de s’approprier les dés pour en faire une sculpture en trois-dimension. Dès lors nous pouvons citer l’artiste Tony Cragg qui propose plusieurs sculptures faites à partir de dés. Il s’agit pour cet artiste de ne pas laisser de place au hasard, en choisissant méticuleusement la place de chaque dé, avant de les coller entre eux sur une structure. Par exemple dans la série Secretions, Tony Cragg matérialise des formes organiques grâce à des dés, soigneusement choisis et agencés.

 

Vue de l’œuvre Cyclone,  Evariste Richer,  2023, photographie Marc Domage

 

Dans l’exposition actuellement présentée à la Criée, deux œuvres présentent des dés : Cyclone et Métagrêle. Le dé comme jeu de hasard se reflète dans Métagrêle, composée d’une main en plâtre tenant aux creux de la paume six dés, issus d’un prototype de jeu. Ce n’est pas la première fois qu’Évariste Richer présente des œuvres réalisées à partir de dés. En 2020, l’artiste a participé à une exposition intitulée Par Hasard, à la Friche la Belle de Mai de Marseille, où il a présenté l’œuvre Avalanche. Celle-ci ressemble fortement à l’œuvre Cyclone, car elle matérialise elle aussi avec des dés, l’image d’un phénomène naturel, ici, une avalanche. Évariste Richer a également utilisé des dés pour la réalisation de son œuvre Cumulocumulonimbus capillatus incus. Il s’agit d’un cube conçu à partir de 8 000 dés à jouer, posés les uns sur les autres de manière aléatoire. De fait, cette installation n’est jamais reconstruite à l’identique, la part de hasard est indissociable de l’œuvre.

Un parallèle peut se faire entre le travail d’Évariste Richer et l’œuvre Eins. Un. One de Robert Filliou (1984). Cette œuvre est un déploiement au sol de 16 000 dés, qui sont de couleurs, mais surtout de formes différentes. À travers cette œuvre Robert Filliou prend le hasard comme sujet de son œuvre. Si le travail de celui-ci fait écho au Cyclone d’Évariste Richer, il est important de souligner qu’il ne s’agit pas de la même démarche artistique. En effet, dans l’œuvre de Robert Filliou, les dés sont jetés au hasard au milieu d’un cercle en bois. À l’inverse, dans l’œuvre d’Évariste Richer, le hasard est maitrisé car les dés sont triés et ordonnés selon leur valeur. L’artiste prend l’idée de l’aléatoire à contre-pied.

 

Références :

Robert Filliou, Un coup de dé jamais n’abolira le hasard

Article Correspondances, le hasard dans l’art