Qu’est-ce que le biomimétisme ? //

lundi 7 octobre 2024, par lacriee

Frei Otto, architecture inspirée des toiles d’araignées

« Prenez vos leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur… » Léonard De Vinci

L’exposition Biomimetic Stories de Pierre Jean Giloux présente des fictions prospectives sur des utopies urbaines inspirées du biomimétisme. Ce concept a été développé en 1997[1] par la scientifique américaine Janine M. Benyus dans son ouvrage Biomimétisme (quand la nature inspire des innovations durables), traduit en français en 2022. Elle définit cette approche scientifique comme l’étude et l’imitation consciente du « génie de la nature » pour créer des technologies durables au service des humains[2]. Par exemple, il peut s’agir de s’inspirer de l’efficacité énergétique de la photosynthèse, de la solidité du corail ou de la résistance des fils de soie de l’araignée, pour penser de nouveaux modèles et répondre aux enjeux de l’urgence climatique. Parmi ceux-ci, il y a la question de la production de l’énergie future. La bioluminescence des bactéries et des végétaux est explorée comme une piste possible pour l’éclairage urbain dans les films Biomimetic Stories #1 Madurai et #4 BioluminescenTTower de Pierre Jean Giloux.

Pour son projet de quadrilogie filmique, l’artiste s’est particulièrement intéressé au biomimétisme en architecture et à ses adaptations dans le contexte urbain en Inde. Les villes indiennes sont confrontées aujourd’hui à la densification des habitations, aux chaleurs extrêmes et au manque d’eau. Comment la science et la technologie peuvent-elles répondre à ces enjeux ?

L’ouvrage Biomimétisme et Architecture de Michael Pawlyn abonde d’exemples de changements à l’œuvre dans l’usage des matériaux, les structures, l’énergie, les fonctions et les formes qui s’inspirent des systèmes vivants, pour faire en sorte que nos sociétés deviennent durables. L’auteur note bien la distinction entre le biomimétisme (qui s’attache aux aspects fonctionnels des organismes biologiques) et le biomorphisme qui s’attache davantage à imiter les formes de la nature ou ses structures organiques, avec parfois une portée symbolique (par exemple les colonnes arborescentes de la Sagrada Família de Gaudi, ou le terminal de l’aéroport JFK à New York de Eero Saarinen).

Pour son film Biomimetic Stories #1 Madurai, Pierre Jean Giloux a été particulièrement inspiré par les recherches menées par Frei Otto (1925-2015) sur les structures légères tendues. Cet architecte et ingénieur allemand est le premier à avoir construit des bâtiments avec des structures en nappes de câbles (par exemple, le pavillon de l’Allemagne de l’ouest pour l’Expo 1967 de Montréal, inspiré des toiles d’araignées). Il a créé dans les années 1970 l’institut des structures légères à Stuttgart et publié de nombreux ouvrages sur les principes de conception des structures observées dans la nature.

Pierre Jean Giloux s’est aussi nourri des recherches menées par l’architecte Mick Pearce sur la circulation de l’air dans les termitières. Les termites-boussoles en Australie ont la particularité de développer des constructions « zéro-déchet » dotées d’un système de climatisation avec des galeries internes et une couverture qui capte l’énergie solaire. Pour les ingénieurs et les architectes, la termitière offre une solution biologique de thermorégulation, permettant d’éviter la climatisation artificielle. Mick Pearce s’en est inspiré pour adapter ses constructions aux régions chaudes, comme par exemple l’Eastgate Center construit à Harare au Zimbabwe.

Si le biomimétisme ne résoudra pas tous les problèmes écologiques auquel le monde est confronté, il offre un point de vue incontournable sur les arbres et la transition en cours, selon Gauthier Chapelle[3]. « Les arbres le savent, après les incendies, les forêts repoussent ». Cette résilience des arbres nous est donnée à voir dès l’entrée de l’exposition Biomimetic Stories de Pierre Jean Giloux, comme un futur possible.

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[1] 1997 est l’année de signature du protocole de Kyoto, le premier accord international sur le climat. 25 ans après, les hommes ont libéré dans l’atmosphère autant de gaz à effet de serre que toute l’humanité avant cette date.

[2] J. M. Benyus précise à ce sujet : « Contrairement à la révolution industrielle, la révolution biomimétique ouvre une ère qui ne repose pas sur ce que nous pouvons prendre dans la nature, mais sur la possibilité de changer notre façon de cultiver, de fabriquer des matériaux, de produire de l’énergie, de nous soigner, de stocker de l’information et de gérer nos entreprises, en allant chercher l’inspiration dans le vivant… »

[3] Gauthier Chapelle est un ingénieur agronome et docteur en biologie, conférencier et auteur d’ouvrages relatifs aux questions de transition écologique, de collapsologie et de résilience collective. Il est porte-parole et pionnier du concept de biomimétisme en Europe et auteur de la préface du livre Biomimétisme de Janine M. Benyus, réédité en français en 2022