La forme d’une vague à l’intérieur d’une vague // David Horvitz

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Pour sa première exposition personnelle dans un centre d’art en France, l’artiste californien David Horvitz propose une variation et un échange autour de nos perceptions du temps et de l’espace.
Son travail prend forme dans des médias variés, que ceux-ci soient matériels (photographies, livres, performances, sculptures) ou immatériels (interventions sur le web, récits, rumeurs). Héritier des romantiques autant que des conceptuels, il pratique un art du jeu, de la surprise, du rhizome et de la circulation.

À La Criée, David Horvitz choisit un élément de la culture immatérielle bretonne comme matière première de l’œuvre centrale de l’exposition : Berceuse pour un paysage est une installation de quarante cloches tubulaires en laiton, suspendus à la charpente du bâtiment, qui composent les quarante notes de la mélodie traditionnelle Luskellerez Vor (Berceuse de la Mer). Les cloches sont activés à deux occasions par des musiciens professionnels, lors de performances. Le reste du temps, c’est à chaque visiteur de les mettre en musique et d’en proposer une interprétation, à son rythme autant qu’à sa mesure.

La place du·de la visiteur·se est centrale pour David Horvitz, qui se plaît à créer un rapport d’échange avec lui·elle et à l’inclure dans le processus de son œuvre. Ainsi, pour toi, nuage, pluie, rivière, source, mer, océan, lac, neige, rosée, glace, buée, onde, le·la spectateur·rice est invité·e à utiliser librement les tampons encreurs posés sur une table, à proximité d’un tas de feuilles, puis à repartir avec sa composition. De même avec Nostalgia (15 000 photographies numériques, supprimées à La Criée à Rennes, France, entre le 18 janvier et le 10 mars 2019), un diaporama de quinze-mille images issues des archives photographiques de l’artiste. Un programme informatique diffuse chacune d’elle puis la supprime définitivement : nous sommes les seuls à la voir à cet instant et les seuls à la voir disparaître.

Issu d’une pratique nomade, simple et quotidienne, l’art de David Horvitz est également un art du déplacement. Carte de Bretagne un mercredi est un bouquet composé des mêmes fleurs, provenant de différents lieux – électifs – de Bretagne, mais collectées le même jour. Les affiches de Propositions pour horloges sont dispersées dans la ville, s’offrant subrepticement au regard des passants. Temps et espace s’entrecroisent ainsi pour créer une géopoétique, où la subjectivité de l’artiste se mêle à nos imaginaires.

Il y a chez David Horvitz une joie et une simplicité à vivre et à œuvrer, à modeler des idées autant que des formes, à flouter les limites entre art et vie, temps et espace, qui relèvent de l’évidence. De l’échappée aussi.