Archive de l'Auteur

Le Bogolan

mercredi 1 avril 2020

Amadou Sanogo a été formé initialement à la peinture sur Bogolan à Ségou au Mali. Il s’agit d’une peinture traditionnelle sur un tissu de coton, emblématique de la culture malienne.

La technique de fabrication du Bogolan ou Bògòlanfini est usitée au Mali, mais aussi au Burkina Faso, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Cependant, c’est le modèle Bambara, peuple mandingue d’Afrique de l’Ouest sahélienne qui est devenu le plus diffusé à travers le monde.

Le mot bɔgɔlan, de la langue bambara, vient des mots bɔgɔ la terre, et lan, suffixe bambara sans équivalent en français signifiant « issu de ». Il désigne à la fois le tissu et un style particulier de teinture.

La technique utilisée dans la commune de San et dans la région de Ségou au Mali, qui est le centre traditionnel de la production du Bògòlanfini, est la suivante : un tissu de coton est trempé dans un bain de teinture à base de feuilles d’arbre (N’ gallama, le bouleau d’Afrique)  broyées et bouillies, avant d’être séché au soleil. Il est ensuite peint à plusieurs reprises, à l’aide de morceaux de métal ou de bois afin de réaliser des motifs complexes. Une boue faite d’argile fermentée est ensuite appliquée sur le tissu teint pour lui donner une couleur brune. Le colorant jaune obtenu à partir des feuilles d’arbres séchées et trempées est retiré des parties non peintes du tissu, pour faire apparaitre les parties blanches.

Dans la culture malienne traditionnelle, héritière de l’Empire médiéval du Mali, le Bògòlanfini était porté par des chasseurs. Ils s’en servaient comme camouflage ou protection rituelle. Il est aujourd’hui porté par toutes les ethnies et par les acteurs de cinéma ou les musiciens, comme expression d’une identité culturelle. Les différents designs du Bògòlanfini peuvent se référer à des événements historiques (batailles anti-coloniales), mais aussi aux animaux de la mythologie Bambara ou encore à des proverbes.

De nos jours, le Bògòlanfini se porte à travers le monde et inspire la mode et la haute couture. Le styliste malien Seydou Doumbia, dit Chris Seydou a largement contribué à son rayonnement à travers ses collections dans les années 1980. Depuis les années 2000, les tissus bogolan sont exportés dans le monde entier.

Le cabinet de curiosités de Christophe-Paul de Robien

mercredi 1 avril 2020

En menant leur recherche autour des collections patrimoniales rennaises, les artistes Aurélie Ferruel et Florentine Guédon ont eu l’occasion de rencontrer François Coulon, conservateur au musée des beaux-arts, qui leur a fait découvrir l’histoire de la collection privée De Robien, devenue collection publique.

Christophe-Paul de Robien (1698-1756) était un intellectuel et collectionneur amateur breton. Né dans une grande famille de Parlementaires, il succède à son père au titre de Président à mortier du Parlement de Bretagne. Son fils occupera également cette place après lui.

Durant près de quarante ans, De Robien constitue une collection qui compte des milliers d’objets. Parmi ces objets on trouve des peintures, des dessins, des objets d’histoire naturelle, du monde et archéologique, des gravures, des livres, des monnaies… Il conserve son cabinet de curiosité dans son hôtel particulier, rue du Champ-Jacquet, à Rennes. Lui-même ne se déplace pas mais fait venir des objets du monde entier, qu’il achète, troc, commande… Il ordonne des fouilles, et publie notamment un inventaire des recherches mégalithiques en Bretagne. Christophe-Paul De Robien récupère également des objets issus de collections d’autres collectionneurs, qui comptaient s’en débarrasser.

Le XVIIIe siècle annonce le début d’une certaine déchristianisation de l’Europe. Une nouvelle vision du monde se développe, qui s’appuie sur le naturalisme : la matière est ce qui lie tous les êtres vivants. Les cabinets de curiosités s’inscrivent dans cette nouvelle pensée. Le cabinet de Robien témoigne en effet de cette quête de sens, de cette volonté de comprendre le monde qui amène les collectionneurs à rassembler des naturalia (règne minéral, végétal et animal) et à en tenter une classification. On perçoit également chez Robien l’influence encore présente du XVIIeme siècle, et ce goût pour le fantastique, le mystérieux. Il affiche la volonté de sauvegarder des reliques d’un passé perçu comme révolu. Se croisent alors naturalia et artificialia (créations humaines : productions artistiques ou antiquités, ou encore exotiques).

Les cabinets de curiosité sont construits selon la méthode de l’ars memoriae : « l’art de la mémoire », ou encore mnémotechnique. Cette méthode s’appuie sur la logique d’association d’idées basée sur le système des loci (lieux) : associer des éléments à des lieux afin de les garder en mémoire. Il s’agit tout d’abord de choisir un lieu, ou monument, par exemple un temple, et d’en mémoriser tous les éléments (les colonnes, chapiteaux, frontons…). On vient alors « disposer » mentalement les connaissances ou objets à retenir sur le lieu, en catégories emboîtées : une colonne = une catégorie, chaque étage de cette colonne = une sous-catégorie etc. Une fois ceci mémorisé, il suffit d’activer mentalement le chemin conduisant à un élément pour s’en rappeler.

Suivant cette méthode, le cabinet de Robien cherche à présenter une trame des croyances : en quoi croient les gens, et comment le montrer par des objets ?

A la mort de Christophe-Paul de Robien, son fils Paul-Christophe de Robien conserve sa collection et l’enrichit.

En 1794, c’est la saisie révolutionnaire : l’appropriation des collections privées par la nation. Par chance, le cabinet de Robien est conservé dans son ensemble. Cependant, la ville ne dispose d’aucune compétence locale pour s’en occuper. La collection est alors entreposée et déplacée cinq ou six fois, et beaucoup de pièces sont détruites ou disparaissent.

A la fin des années 1850, on construit un grand bâtiment pour les stocker. Les objets y sont classés par catégories : beaux-arts, archéologie…

Cette collection est à la source des tous les fonds Rennais : Bibliothèque de Rennes Métropole, Musée des Beaux-arts, Musée de Bretagne et Universités de Rennes.

Une partie du cabinet est aujourd’hui présentée au Musée des Beaux-arts, tel qu’il l’était à l’époque par de Robien. Celui-ci avait en effet réalisé un inventaire manuscrit de sa collection, et fait trace de son agencement dans l’espace. Le parti pris de conserver ce cabinet intact est presque unique en Europe, les autres musées ayant choisi de disséminer les pièces sous vitrine ou par département.

A l’opposé des musées répondant à la nécessité d’une compréhension plus immédiate de l’objet présenté, le cabinet restaure en effet les étapes essentielles d’initiation, de découvertes et d’émerveillement de tout processus d’apprentissage. Les objets et leur sens ne sont pas donnés, il faut d’abord s’étonner, puis s’interroger et chercher pour découvrir.

Sources : entretien avec François Coulon, conservateur au musée des beaux-arts ; livret du cabinet de curiosités de Robien ; site internet du musée des beaux-arts : http://mba.rennes.fr/

Collections

mercredi 1 avril 2020

A l’occasion de son cycle artistique Lili, la rozell et le marimba, La Criée invite les artistes Aurélie Ferruel et Florentine Guédon à mener un travail de recherche autour des collections patrimoniales des musées de Bretagne et des beaux-arts à Rennes. Dans le cadre du jumelage intitulé Là d’où je viens, là d’où je suis et là où je vais, les collégiens de la Binquenais à Rennes sont invités également à découvrir ces collections et à en constituer de nouvelles. 

Le terme collection vient du latin collectio, qui désigne l’action de réunir. Une collection est donc avant tout un ensemble d’objets ou d’êtres vivants, que l’on a réunis dans un même endroit.

Les premiers grands collectionneurs que l’on connaisse en Europe apparurent au XVIIème siècle. Il s’agissait en général de rois, d’hommes politiques, de savants, d’artistes célèbres… On appelait leurs collections des « cabinets du curiosités ». Ceux-ci rassemblaient des objets très divers, avec des objectifs différents au fil des siècles : manifestes de la curiosité humaine, collectes des savoirs du monde, quêtes de sens, les collectionneurs cherchaient dans tous les cas à rassembler et à étudier ces objets pour tenter de comprendre le monde qui nous entoure. Les plus beaux cabinets apportaient également une certaine notoriété à leurs créateurs. Christophe-Paul de Robien était un grand collectionneur rennais. Son cabinet est encore visible en partie au musée des beaux-arts de Rennes. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cet article

Il existe aujourd’hui toutes sortes de collections. Il peut s’agir d’objets du quotidien ou d’animaux, d’œuvres d’arts ou de bouchons en plastiques… On les regroupe pour leur intérêt esthétique, scientifique ou historique, parce qu’on aime accumuler ou parce qu’on veut les présenter au public. Une collection peut se faire par plusieurs entrées. On peut choisir de regrouper plein d’objets de même sorte, des timbres par exemple, ou au contraire plein d’objets différents mais qui partagent un attribut commun : ils sont de la même couleur, viennent de la même époque, du même endroit, étaient utilisés par une même catégorie de personnes…

Tout le monde peut collectionner et chaque collection est unique. Ce qui rassemble les collectionneurs est cette passion de l’objet.

Une collection peut être publique ou privée. Les collections publiques sont exposées dans des musées et sont accessibles à tous. On parle de collections patrimoniales. Les collections privées appartiennent le plus souvent à des particuliers, mais peuvent aussi être la propriété d’entreprises, d’universités, d’hôpitaux… Certains voient leur collection comme quelque chose d’intime, de personnel, qu’ils veulent garder pour eux. D’autres ont envie de la partager et peuvent ainsi la prêter pour des expositions, voire créer des musées ou fondations pour la présenter en permanence au public. Pour montrer sa collection, on peut aussi publier des livres, ou l’exposer en ligne.

Une grande partie des collections des musées est conservée dans les réserves. Il s’agit de grands espaces dans lesquels sont stockées, rangées, restaurées et étudiées les collections qui ne sont pas exposées au public. Une équipe de conservateurs, chercheurs et restaurateurs travaillent dans ces réserves. Toutes les collections des musées sont classées dans des catalogues : des listes détaillées des éléments qui les composent.

Tout un monde vu d’ici avec Amadou Sanogo, La douche

mercredi 25 mars 2020

Jeudi 12 mars au matin.

Amadou Sanogo rencontre les élèves de CM1-CM2 de la classe d’Anna Sauvaget.

A nouveau l’artiste raconte son parcours et partage sa passion pour les proverbes :

Les proverbes sont « comme des cannes à sucres que l’on ne cesse de sucer » , ils sont « des paroles en paraboles, si un enfant manie bien les proverbes on dit qu’il a profité du bon voisinage des adultes ». « les proverbes sont faits pour nous pousser à réfléchir. »

L’artiste dit aussi aux enfants que peindre c’est « exprimer quelque chose que je ressens, sur un espace donné, comme une fenêtre par laquelle on regarde ».

Ce matin, il invite les enfants à faire de même, à ce que chacun regarde en lui ou en elle pour exprimer une pensée en peinture. Il dit « qu’on cesse d’apprendre chez l’autre » et  qu’il faut toujours partir de quelque chose pour nous exprimer et être nous même.

Amadou Sanogo propose une autre esquisse ce matin, il s’agit d’une série intitulée  La douche. Celle-ci aborde la question de la corruption au Mali.

 

Les enfants commentent leurs œuvres :

« Tout le monde a eu beaucoup d’inspirations »  » des inspirations différentes » « c’est très beau » »on voit que les personnes ont mis du cœur dans leur peintures ».

Bravo à Yannis, Yanis, Yusuf, Nassim, Pamphile, Giovani, Maëla, Ilann, Rihanna, Lima, Carine, Zena Hikma, Laurane, Candys, Zaïna, Nadjim, Inès, Dachi, Mohsine, Lilahawa.

Tout un monde vu d’ici avec Amadou Sanogo, Compagnons spirituels

mercredi 25 mars 2020

Mardi 10 mars au matin, Amadou Sanogo rencontre les élèves de la classe de CM1-CM2 de Mathilde Leroy.

Ils ont de nombreuses questions à poser à l’artiste, en particulier à propos de l’œuvre Compagnons spirituels, réalisée en 2014.

Qu’as-tu voulu dire avec le tableau les compagnons spirituels? :

« Compagnon spirituel est un appel à la mémoire de notre société ; quelque soit notre religion, on est animistes. Cela fait partie de notre vie, de nos coutumes au Mali » dit Amadou Sanogo.  « On ne peut parler que de là où on habite, de là où on nait.»

Vous pouvez écouter sur le lien ci-dessous Amadou Sanogo s’exprimer sur l’œuvre Compagnons spirituels. Il évoque également l’animisme, c’est-à -dire le fait d’attribuer une « âme » à tout ce qui existe : les objets, les animaux ou les éléments de la nature. Puis, il parle des peuples Peul et Bambara et précise la notion de société coutumière. Par exemple au Mali, depuis toujours, chaque personne représente toute sa famille et par extension, toute sa communauté.

 

A la suite de cet échange, les élèves ont présenté leurs recherches autour des proverbes en lien avec l’exposition de Seulgi Lee découverte en début d’année.

Ensuite, dans l’atelier, l’artiste a fait apparaître une esquisse des Compagnons spirituels sur carton, sous les regards curieux et attentifs des enfants.

Puis les élèves ont à leur tour fait apparaître une pensée à l’aide de la peinture.

Un grand Bravo à Marwa, Shayniss, Lenny, EL-Hachemi, Thanina, Ilyasse, Pédrick, Antonio, Hadjra, George-Armani, Sagesse, patrick, Cristian, Zélimkhan, Elené, Hoang-Tram-Anh, Carlos, Abdoul Aziz, Rozina, Léonsi pour toutes ces pensées colorées !

La collection des chercheurs épatants – classe de 5e

mercredi 25 mars 2020

Après avoir constitué une première collection d’objets personnels, puis une deuxième à partir des objets des collections du musée de Bretagne, les élèves ont cette fois travaillé à partir d’une collection d’objets choisis par les artistes. Aurélie Ferruel et Florentine Guédon ont rapporté des objets trouvés à Emmaüs en vue de constituer « la collection des chercheurs épatants ». Chacun des objets fait écho à ceux choisis précédemment par les élèves. Pour les 5e, il s’agit d’une photographie en négatif sur plaque de verre, un trophée, un bateau/lampe, une cruche, un tableau, une brosse et d’autres objets de curiosité comme des bottes poilues.

Les artistes ont proposé aux élèves d’imaginer le récit qui pourrait leur être associé (partant de la remarque des conservateurs du musée de Bretagne expliquant que le choix de conserver tel ou tel objet est motivé par le récit qui lui est associé). Les 5e ont dès lors inventé des histoires incroyables :

  • Les bottes poilues ont donné lieu à une mise en scène entre scientifiques en désaccord sur leur provenance
  • Un petit masque est devenu un objet provenant du jeu Fortnite
  • Une statuette hibou : un GPS du roi-Hibou- tortue de Thaïlande pour trouver des trésors
  • La photographie en négatif : une trace de l’Alenver, un monde où tout est inversé
  • Le trophée : une brosse pour chauve
  • La cruche : la conque d’Halembert, utilisée en manifestation
  • Le tableau : le tonneau de l’avenir
  • La brosse : une mâchoire d’extraterrestre
  • La boîte- vitrine : « la boitouche » qui permet d’attraper les objets n’importe où au travers

Découvrez toutes ces histoires contées par les 5e et enregistrées par Aurélie Ferruel & Florentine Guédon :

Les artistes ont ensuite proposé aux élèves d’imaginer la façon dont leurs objets pourraient être exposés au public, en vue d’une possible restitution au collège. Les 5e ont imaginé plusieurs mises en scène pour raconter leurs histoires et noté les besoins matériels pour chacune :

  • Pour le GPS du roi Hibou-tortue de Thaïlande : du sable, de la lumière jaune, une vitrine, des fausses plumes colorées et du papier mâché
  • Pour les bottes : une performance avec accessoires de scientifiques (blouses, gants) et une caméra pour filmer et diffuser la vidéo
  • Pour l’Alenver : une vitrine, du bois blanc, ruban rouge, tissu, lumière bleue et pancarte
  • La mâchoire d’extraterrestre : avec un socle et une main en papier mâché
  • La boite portail : une carte et une affiche, etc.

 

La collection des chercheurs épatants – classe de 3e

mercredi 25 mars 2020

De retour en classe, Aurélie et Florentine ont partagé avec les élèves leurs découvertes sur les collections du musée de Bretagne et du musée des beaux-arts. Lors de leurs échanges avec les conservateurs, elles ont notamment appris que la collection privée De Robien, à l’origine de la création des deux musées rennais, avait été constituée en partie à partir d’objets récupérés auprès d’autres collectionneurs (et dont ils ne voulaient plus). Par ailleurs, elles ont retenu que ce qui motive le choix de conserver ou non un objet au musée de Bretagne, c’était avant tout l’histoire qui leur est associée.

Partant de ces observations, les artistes se sont rendues à Emmaüs pour récupérer à leur tour des objets dont nos contemporains ne veulent plus, pour proposer aux élèves d’imaginer quelles histoires pourraient leur être associées, en vue de créer « la collection des chercheurs épatants ».

Chacun des objets rapportés fait écho aux objets choisis par les élèves parmi les collections muséales. Pour la classe de 3e, les artistes ont proposé : un petit appareil à fondue, un bracelet en métal, une voiture en bois, une ombrelle, un petit réchaud, une maquette de bateau, une cruche et un masque vénitien.

À partir de ces objets, les élèves ont imaginé des histoires incroyables :

  • L’appareil à fondue est devenu une boussole qui vient du futur
  • Le bracelet : une bague d’une princesse ogresse
  • La voiture en bois associée à l’ombrelle : un Léviathan distributeur de bébés
  • L’ombrelle : un ascenseur pour le paradis ou machine à voler inventée par Léonard DeVinci
  • Le petit réchaud : un abri pour chat et hamster
  • La cruche : une chaussure de protection contre les chutes sur la planète funfunfun
  • Le masque : un frisbee magique

Découvrez les histoires contées par les 3e et enregistrées par Aurélie Ferruel & Florentine Guédon :

Les 3e ont ensuite imaginé plusieurs mises en scène de leurs objets pour raconter leurs histoires, en vue d’exposer aux publics « la collection des chercheurs épatants ». Ils ont dessiné les plans en notant les besoins en terme de régie d’exposition (matériel, éclairage, etc.)

Jouez avec les proverbes

lundi 23 mars 2020

Pour son exposition De Paroles en paraboles, on se sert, Amadou Sanogo a intitulé chacune de ses peintures avec un proverbe bambara, qu’il a traduit en français.

En pays bambara, à chaque situation correspond un proverbe. Ces paroles, transmises par les sages, sont très usitées dans la vie quotidienne.

Parmi les titres d’œuvres exposées à La Criée, Si tu te baisses pour regarder le derrière de quelqu’un, quelqu’un se baissera pour regarder le tien est dit pour mettre en garde ceux qui se mêlent des affaires des autres.

À vous de jouer ! Tentez de trouver la signification de chacun de ces proverbes, qui ont guidé Amadou Sanogo tout au long de son parcours et proposez une interprétation, par le dessin ou en peinture :

  • Il est difficile de se battre contre soi-même (A kaguɛlɛ mckcni kcnc ka kɛlɛ)
  • Deux personnes qui ont mal au dos ne peuvent pas se soutenir (Kɔ dimi tɔ fila tɛse ka sɛmɛ ŋɔkɔnna)
  • Les proverbes sont faits pour ceux qui ont une grande tête (N’tale dabɔna kun kolo ba de kama)
  • On lui confie la tête, mais on lui retire la langue (Ka kun kolo di mama nika nɛkun minɛna)
  • Le cavalier du cheval à tige de mile ne fait que cavaler lui-même (Nikôkala so boliba bê a yêrêkan)
  • Si tu ne respectes pas la vache qu’on trait pour le lait matinal respecte là pour le lait du soir (Ni ma misi to a sôkôma biri ye i ka to wulala birili ye)
  • La malédiction pousse la volaille à se transformer en vendeur de couteau (Ni danka wili la siɛ kɔ a bido muru jakola)
  • Tu peux cacher ton regard, mais tu ne peux pas cacher celui des autres (I ŋɛ tukuli bɛi bclc nga i setɛ mckc tcw la)
  • Que ce ne soit pas comme ça a été prédit. Le soleil ne doit pas apparaître là où on a pointé le doigt (Bolo sina y ɔrɔ mina tile kana bɔye)
  • Tu ne peux pas connaître la profondeur de la poutre qui n’a pas été enfoncée devant toi (Bclc ni gengena i ŋɛna ibɛo dondu ku don)
  • Quand tu vois un sage le regard baissé sur la route, ce n’est pas parce qu’il ne la connait pas, c’est par sagesse (Makcrcba ka kun biri ka tama bɛtɛ sira dcnbaliyaye majinkido)

Vous pouvez nous adresser vos réalisations par courrier à :

La Criée centre d’art contemporain / Ville de Rennes – place Honoré Commeurec – cs 63126 – 35000 Rennes

ou par mail : la-criee@ville-rennes.fr

et nous posterons vos productions sur le blog dans la rubrique « Les Correspondants / De paroles en paraboles ». A vos pinceaux, mains ou crayons !

Les proverbes du pays Bambara, une sagesse en images

lundi 23 mars 2020

Pour son exposition De paroles en paraboles, on se sert, Amadou Sanogo est retourné sur ses pas, dans sa ville natale de Ségou, en pays Bambara, pour collecter des proverbes. Ces paroles, usitées « chaque jour et à chaque situation » dans la vie courante, font partie des savoirs vernaculaires au Mali. La sagesse des hommes est dans les proverbes, dit un adage bambara et pour Amadou Sanogo, la richesse est dans leur apprentissage et leur transmission. Dans ses peintures, l’artiste tente de « matérialiser ce bien insaisissable et inestimable sur un espace donné ».

Dans Proverbes du pays Bambara, un sagesse en images [1], Maurice Haslé et Djouldé Sow ont constitué un Abécédaire de plus de 2300 proverbes métaphoriques suivi d’un Bestiaire de 1700 proverbes – deux approches en images de la culture Bambara, reflétant la philosophie de la vie et de l’homme dans la société malienne.  En voici un extrait :

« Un bon proverbe ne frappe pas aux sourcils, mais dans les yeux. Sa popularité, le proverbe le doit à son réalisme et à ses images et métaphores, mais aussi à ses caractéristiques formelles et musicales : lapidaire dans ses parallélismes et ses oppositions (surtout ses oppositions), toujours bien rythmé, nourri d’assonances et d’allitérations qui ont fonction poétique et mnémotechnique tout à la fois, le proverbe propose son humble message, sinon universel du moins généralisable à toute une culture. S’il affirme, conseille ou ordonne, c’est que par-delà le jugement, il se veut action ou morale. Son attitude reflète le système de valeurs du groupe qui l’a vu naître.»

Le proverbe bambara est une parole d’homme habilité à prendre la parole sous l’arbre à palabres ou sur les bancs à palabres que sont les assemblées représentatives. Le proverbe est le tam tam de la sagesse ; il est la parole des sages, des anciens. Prononcer un proverbe, c’est évoquer la sagesse des ancêtres, ceux qui font autorité dans la communauté.

«Les proverbes a donc naturellement triple fonction. D’abord, et c’est la fonction la plus connue, le proverbe est didactique : par son langage métaphorique, animalier par exemple, il se prête particulièrement bien à l’éducation des enfants. Mais juridique aussi : dans la société coutumière les palabres sont / étaient résolus par des proverbes judiciaires. Humoristique et satirique, enfin : dans une situation tendue entre des hommes porteurs de la parole, la bonne humeur et la sérénité seront restaurées par un proverbe exploitant la veine satirique. »

[1] Maurice Haslé et Djouldé Sow, Proverbes du Pays Bambara, une sagesse en images (ABCdaire et BESTIAIRE métaphoriques), Association Gouesnou-Mali Djiquiyasô, coordination de la société civile de Bossofala.

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Autres références bibliographiques :

Amadou Hampâté bâ, Il n’y a pas de petites querelles, Stock, Paris, 2000

Mwamba Cabakulu, Le Grand livre des proverbes africains, Presses du Chatelet, Paris, 2003

Maurice Haslé et Djouldé Sow, Le coupe coupe et le sourire et autres contes du pays Bambara, Gouesnou, 2008

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Maurice Haslé est professeur émérite de langue et littérature allemandes à l’université de Bretagne occidentale (Brest), préside l’association Gouesnou-Mali Djiguiyasô qui fait de la coopération décentralisée avec son partenaire malien, la Coordination de la société civile de Bossofala, chef-lieu Néguéla.

Djouldé Sow, enseignant à la retraite, conseiller du chef de village de Néguéla, adjoint maire de Bossofala, secrétaire général et responsable du groupe Culture de la Coordination. Cultive aujourd’hui mil et arachides sur les terres familiales.

 

 

Rencontre et atelier avec Amadou Sanogo autour des proverbes

lundi 23 mars 2020

Ce lundi matin 9 mars 2020, les élèves de la classe de CM1-CM2 de  Guillaume Bellayer accueillent Amadou Sanogo, artiste peintre natif de Ségou, au Mali et vivant à Bamako, capitale du pays. Les questions fusent :

A quel âge as-tu commencé à peindre ? Pourquoi as-tu décidé de faire ce travail ? Faisais-tu autre chose avant comme métier ? Combien de peintures as-tu fait ? As-tu fait des peintures dans d’autres pays ? As-tu déjà vendu des tableaux ? Tu t’inspires de quoi pour tes œuvres ?

Amadou Sanogo répond qu’il a commencé à dessiner très jeune ; un professeur a repéré son talent à 13 ans et lui a proposé de le former à la technique du Bogolan, une peinture traditionnelle sur tissu de coton, emblématique de la culture malienne, réalisée à partir de teinture d’argile et de feuilles bouillies. Il a beaucoup appris de cette technique, puis il est entré en 1997 à l’Institut national des arts de Bamako. Amadou Sanogo explique qu’il a eu la chance ensuite de rencontrer les bonnes personnes, qui lui ont permis d’exposer à travers le monde : « on ne cesse d’apprendre chez l’autre », dit-il.

L’artiste présente son parcours :

Il explique ensuite aux élèves pourquoi les proverbes l’intéressent tant. « Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient », dit-il. Les proverbes bambaras font partie des savoirs ancestraux et de la vie quotidienne au Mali. Les proverbes, selon l’artiste, « aident les enfants à réfléchir par eux-mêmes ».

Les élèves partagent à leur tour les proverbes qu’ils connaissent.

Puis, dans la salle d’arts plastiques, Amadou Sanogo commence à peindre comme il le fait dans son atelier, au sol, sans esquisse préalable. Il travaille habituellement la peinture à l’eau (acrylique, gouache ou aquarelle) qu’il dépose directement sur le support pour tracer au pinceau ou à la main, des figures et des formes. Aujourd’hui il choisit trois couleurs : noir, rouge et blanc. Sous les yeux attentifs des élèves une première grande figure apparaît, encadrée d’un aplat coloré. Les élèves interprètent ce qu’ils perçoivent et Amadou Sanogo leur précise qu’il s’agit d’une esquisse inspirée de ses peintures réalisée pour son exposition De paroles en paraboles on se sert à La Criée.

C’est au tour des élèves d’expérimenter la peinture. Amadou Sanogo leur propose de peindre une pensée, qui pourrait être, en quelque sorte, leur proverbe.

« Ne faites pas quelque chose de beau, faites quelque chose qui vous plait » ; « il y a aussi de la beauté dans la laideur », dit-il aux élèves.

 

 

Bravo à Safa, Oumianti, Layonn, Diego, Esaina, Prégana, Samuel, Hasinah, Anelka, Alicia, Zaina, Laetitia, Kalfa, Aboubakar Ousmane, Carlito, Petre, Nazli, Zakia, Ylane pour toutes leurs pensées colorées !