Archive de février 2024

Atelier 3 Nuages

mardi 20 février 2024

Cet atelier s’est déroulé les jeudi 8 février et vendredi 9 février, avec la participation des quatre classes impliquées dans le projet Les Merveilles.

Suite à l’impossibilité de tenir l’atelier la semaine précédente, Gabrielle a donné des consignes aux enfants et à leurs enseignants pour suivre le travail en autonomie. Leur mission était la suivante :

Les différentes classes ont ainsi eu l’occasion de sortir durant la semaine pour réaliser un exercice dans leurs carnets, consistant à observer la nature environnante et à en conserver une trace. Certains ont également approfondi leur vocabulaire en apprenant des adjectifs pour décrire le ciel, tels que « splendide », « aube », ou « crépuscule ».

Les thèmes abordés lors de cet atelier s’inscrivent dans la continuité du projet, formant un cheminement vertical. Alors que la séance précédente explorait ce qui se trouve au-dessus du ciel, celle-ci se concentre sur ce qui compose le ciel lui-même.

L’atelier du jour est articulé en deux grandes séquences : une première axée sur l’imagination, suivie d’une partie pratique avec différentes techniques.

Immersion dans l’univers

Gabrielle entame la séance en lisant avec les enfants le livre Le Ciel. Ils parcourent ensemble les pages du livre, discutant des différents thèmes abordés : le ciel, les dieux égyptiens, les différentes couches de l’atmosphère, les noms des nuages, etc. Le livre, agrémenté de découpes délicates dans le papier, offre des illustrations interactives stimulantes.

Les taches de nuages

Avant de passer à la pratique, Gabrielle réalise une démonstration pour les enfants, expliquant les attentes de l’atelier. Le sujet du jour est la « tache ». Après s’être entraînés la semaine précédente à tracer des lignes, les participants vont désormais travailler dans leurs carnets sur la représentation des nuages. Gabrielle leur montre différentes techniques pour manipuler les couleurs mises à leur disposition, en jouant notamment sur la transparence et l’opacité des couleurs.

Elle leur explique qu’un pinceau est comme un animal. Il crie lorsque l’on appuie trop fort dessus, il faut donc garder un poignet souple. Et également que les pinceaux sont faits avec des poils d’animaux : de poney, de sanglier…

Les enfants s’installent à leur bureau, tandis que Gabrielle leur rappelle qu’ils peuvent changer de position s’ils sont plus à l’aise debout. Chaque élève reçoit une palette de quatre couleurs (jaune, rouge, bleu et blanc), un pinceau, un verre d’eau et un sopalin. Ils commencent à expérimenter avec les couleurs, Les couleurs se multiplient, certains se targuent d’avoir créé une couleur unique tandis que d’autres interpellent Gabrielle afin de lui demander comment faire du violet.

Elle leur explique le concept de couleur primaire en leur montrant qu’il suffit de 5 couleurs pour parvenir à créer les autres. Les enfants peignent d’une manière qui leur est propre et de nombreux styles se dessinent. Si certains peignent avec soin une tache avec chacune des nuances de couleurs qu’ils ont créés, d’autres mélangent toutes les couleurs dans un ciel orageux.

Au milieu de l’atelier, Gabrielle invite les enfants à faire une pause dans leur travail et à aller voir ce que les autres ont produit.  Chaque enfant fait le tour des tables en admirant les productions de ses camarades.

Les carnets sont ensuite disposés pour être observés par tous, permettant aux enfants d’apprécier la beauté et la diversité de leurs réalisations.

Atelier 2 Cosmos

mardi 20 février 2024

L’atelier a eu lieu jeudi 25 et vendredi 26 janvier 2024 dans le cadre de la résidence de l’artiste Gabrielle Manglou Les Merveilles à l’école élémentaire Jean Moulin.

Chacune des 4 classes de CP/CE1 support du projet ont participé à un atelier de 1 heure.

Les couleurs au-dessus du ciel

Gabrielle inscrit en majuscules le mot de la séance sur le tableau : COSMOS. Elle échange avec les élèves sur ce terme qui désigne tout ce qui se situe au-dessus du ciel. Cela les amène à évoquer les concepts d’espace, de planètes, d’étoiles et de constellations. Elle sort ensuite une petite boîte en carton de laquelle elle tire des cartes colorées représentant différentes planètes du système solaire. Une à une, elle les passe en revue avec les enfants.

Après cette introduction, les enfants sont invités à s’allonger sur la moquette épaisse du tapis et à fermer les yeux. Guidés par la voix de Gabrielle, ils se lancent dans un voyage à travers l’immensité de l’univers. Elle stimule leur imagination et les emporte à travers les couleurs.

« On peut rêver devant ces étoiles et imaginer que, lorsque l’on sera grand, on pourra y aller. »

« Votre corps est une petite planète avec des bras et des pieds. »

Grâce à ces métaphores, les élèves se laissent transporter par leur imagination.

Le dessin énergique

Aujourd’hui, l’objectif de l’atelier est que les participants s’exercent à dessiner de façon intuitive.  Ils vont s’exercer à prendre conscience de leur manière de dessiner. Pour cela, de grandes feuilles blanches sont disposées tout autour du groupe. Chaque enfant choisit une feuille et s’allonge devant elle. Cette position inhabituelle leur permet de ressentir différemment les traits qu’ils vont dessiner et l’énergie qu’ils y mettent.

« Quand vous étiez bébés, vous avez dû apprendre à marcher ; maintenant, nous allons apprendre à dessiner. » Dit Gabrielle.

Elle donne plusieurs consignes différentes : « Tracez un trait comme si vous étiez le plus petit des papillons. Maintenant, vous êtes un chien énervé. Faites un trait FORT ! Un triangle très appuyé en haut de la feuille. »

Pour la suite de l’exercice, elle leur donne une nouvelle instruction : à l’aide d’un crayon de couleur, chaque élève doit à présent reproduire les dessins qu’il vient de réaliser ailleurs sur la feuille. Elle insiste sur l’importance de reproduire non seulement la forme du dessin, mais aussi la force avec laquelle ils ont tracé les premiers traits.

Une fois l’exercice terminé, Gabrielle interroge les enfants sur leur ressenti. Ont-ils trouvé cela étrange ? Compliqué ? Elle leur explique que cet exercice visait également à les inciter à réfléchir à leur manière de dessiner.

 

La danse dans le cosmos

Gabrielle leur explique que pour le prochain exercice, ils vont devoir travailler à deux sur de grandes feuilles noires. Contrairement à la suggestion d’un élève de délimiter le milieu de la feuille, elle leur explique qu’il faut partager l’espace comme une danse sur le papier.

Les élèves ont pour missions de dessiner sur ces feuilles avec des crayons de couleurs, le cosmos qu’ils ont imaginé plus tôt dans la séance. Certains ont du mal à suivre la consigne de dessiner ce qui se trouve au-dessus du ciel, et quelques smileys et pokéballs font des apparitions discrètes. Mais rapidement, les planètes côtoient les traces d’étoiles filantes dans des explosions de couleurs. Les enfants s’expriment librement avec leur corps et laissent de larges traces sur leurs feuilles.

Assis, allongés, à genoux, les enfants s’approprient l’espace de la feuille. Sur certains dessins un peu trop bien ordonnés, Gabrielle vient retourner la feuille, car dans le cosmos, il n’y a pas de sens. Ils expérimentent le partage dynamique de l’espace avec plus ou moins de difficulté. Si certains binômes sont en harmonie, d’autres se heurtent à des volontés graphiques divergentes.

Avant la fin de l’atelier, le groupe prend un moment pour admirer les réalisations des autres. Gabrielle décrit rapidement les différents résultats en mettant en avant la diversité des créations.

 

Atelier 1 Merci

mardi 20 février 2024

L’atelier a eu lieu les 18 et 19 janvier 2024 dans le cadre de la résidence de l’artiste Gabrielle Manglou Les Merveilles à l’école élémentaire Jean Moulin.

Chacune des 4 classes de CP/CE1 support du projet ont participé à un atelier de 1 heure.

La présentation

La salle a été entièrement réaménagée pour les 4 mois de résidence. Une grande moquette claire occupe son centre et des petits cousins noirs sont disposés dessus.

Dans un premier temps, Gabrielle Manglou explique avoir choisi le nom Les Merveilles, car toute chose peut être merveilleuse suivant la valeur qui leur est accordée. C’est le regard de chacun qui rend les choses merveilleuses. Au fil des séances, ils parleront de la nature. L’artiste développe une vision de la nature qui ne se résume pas aux arbres et aux fleurs. La nature, c’est ce que l’on mange, ce que l’on touche, ce que l’on voit, c’est tout ce qui est autour de nous. Ensemble, ils vont apprendre à faire de l’art en s’entrainant à regarder et à ressentir leurs émotions.

“C’est comme au foot, avant d’aller marquer des buts, il faut d’abord comprendre où est le but, les limites du terrain…” leur explique-t-elle.

Gabrielle prend ensuite le temps de montrer aux enfants son travail, varié et graphique, avec des images imprimées. Elle contextualise rapidement chaque œuvre, expliquant les matériaux utilisés et ses intentions lors de leur réalisation. C’est une artiste pluridisciplinaire : couture, photo, dessin, archives, tapisseries, collage, sculpture, installations, illustrations, sérigraphie…

Les carnets

Gabrielle Manglou montre aux élèves son carnet de croquis. Elle indique que pour elle, c’est un « pense-bête » pour se rappeler l’énergie des choses. Elle y dessine les formes et les couleurs qu’elle croise tous les jours. Chaque enfant se voit ensuite remettre un précieux carnet.

Exercice pratique

Gabrielle Manglou se saisit de petites cartes colorées reprenant le motif des affiches présentes derrière elle depuis le début de l’atelier.

« Qu’est-ce que vous voyez sur cette carte ? » demande l’artiste

« mercredi », »un totem », »un symbole », »une langue étrangère »…

Toutes ces réponses sont exactes pour l’artiste, une forme peut tout à fait rester mystérieuse et incomprise. C’est cette part de mystère qui permet d’avoir la liberté nécessaire pour laisser l’imagination s’exprimer.

Ce dessin représente le mot « merci » transformé en totem. Elle explique aux enfants avoir créé ce motif pour les remercier pour les courriers qu’elle a reçus de leur part dans sa boîte aux lettres.

Des feuilles imprimées avec ce même motif sont distribuées aux élèves. L’objectif de l’exercice est d’utiliser le Merci pour créer quelque chose de nouveau dans leurs carnets.

Les élèves les découpent, collent, créent de nouvelles lettres et de nouvelles formes. Les uns s’appliquent et découpent le dessin très précisément et les autres se satisfont des lettres sur leur fond blanc. Certaines utilisent le blanc des feuilles de papier qu’elles ont découpées pour faire de nouveaux dessins en les collant dans leurs carnets. Rapidement, les Merci totems se transforment en meubles, en fenêtres, en serpents ou en personnages. En suivant les consignes de Gabrielle, ils inventent de nouveaux signes, de nouvelles lettres.

Gabrielle encourage les enfants à se laisser aller à leur créativité. Elle explique à ceux qui se sont trompés qu’un artiste, lorsqu’il fait une erreur, se dit qu’il peut l’utiliser autrement. Avant de clore cet atelier, le groupe passe en revue les productions des uns et des autres et Gabrielle décrit ce qu’elle y perçoit d’intéressant.

Abécédaire

mardi 13 février 2024

Cet abécédaire sera complété au fil des ateliers avec les classes de CP/CE1 dans le cadre de la résidence d’artiste à l’école Jean Moulin : Les Merveilles.

A rchives : Ensemble organisé de documents conservés pour consultation ou étude concernant l’histoire d’une collectivité, d’une famille ou d’un individu. Gabrielle Manglou utilise des archives photographiques qu’elle transforme dans son travail de création.

A rtisanat : Geste manuel qui transforme la matière et tire parti au mieux et avec le plus d’imagination possible, des produits naturels, animaux ou végétaux disponibles. Gabrielle s’inspire des procédés de fabrication traditionnels pour créer des œuvres. Telles que la confection d’objets comme des amulettes, des fétiches, des talismans ou des shimenawa.

B olduc : Ruban en plastique utilisé pour l’emballage des cadeaux. Les grands-mères réunionnaises de Gabrielle utilisaient le bolduc pour fabriquer des tenues pour des poupées.

B ruitage : Sons intentionnellement ajoutés à une production audio ou cinématographique pour créer une ambiance sonore. Gabrielle Manglou a réalisé des bruitages dans les créations sonores du duo Core qu’elle forme avec Fabrice Laureau. Elle a mimé avec sa bouche le bruit d’une goutte d’eau tombant dans une grotte.

C acophonie : Mélange discordant de sons, souvent associé au bruit ou au chaos. On peut qualifier ainsi les sons que produisent les enfants lorsqu’ils jouent tous en même temps avec des instruments de musique sans s’écouter ni laisser de pause.

C adrage : Composition et arrangement d’une image, que ce soit en photographie, au cinéma ou en peinture. Gabrielle a expliqué ce principe en invitant les enfants à observer la nature à partir de leur propre champ de vision.

C onstellation : Regroupement arbitraire d’étoiles dans le ciel formant une figure ou un motif reconnaissable. Il existe de très nombreuses constellations, toutes différentes.

C osmos : Le Cosmos désigne tout ce qui se situe au-dessus du ciel, C’est-à-dire l’ensemble de l’univers, incluant la matière, l’énergie, les galaxies, les étoiles, etc.

C répuscule : Instant où le jour laisse place à la nuit, offrant des teintes dorées au ciel. C’est un mot que les enfants ont appris en amont de l’atelier sur le ciel.

C roquis : Dessin rapide et esquissé servant de première ébauche pour une œuvre d’art. Gabrielle fait de nombreux croquis dans son carnet pour se souvenir de la forme des choses qu’elle rencontre ou garder une idée en tête.

D étails : Ensemble des éléments spécifiques qui composent une œuvre ou un objet. Pour Gabrielle Manglou, les détails jouent un rôle essentiel dans la façon dont elle appréhende son environnement et dans son processus artistique.

É nergie : Force ou puissance permettant d’effectuer un travail ou d’induire un changement dans un système. Les élèves des classes support ont appris à jouer avec l’énergie qu’ils mettent dans leurs traits de crayon.

É toile filante : Phénomène lumineux observable lorsque des particules cosmiques pénètrent dans l’atmosphère terrestre et brûlent en laissant une traînée lumineuse.

I nstallation : Œuvre artistique en trois dimensions intégrée à un environnement spécifique. Une installation crée un univers dans une pièce, elle se compose de différentes pratiques artistiques ou de plusieurs matériaux. Gabrielle Manglou crée souvent des installations. La restitution du projet les Merveilles pourrait prendre cette forme.

K alimba : Instrument de musique africain composé de lamelles métalliques montées sur une caisse de résonance, souvent joué en le tenant dans les mains et en le faisant résonner avec les pouces. Il est aussi appelé piano à pouces.

L itophone : Instrument de musique constitué de pierres ou de roches disposées de manière à produire des sons mélodiques lorsqu’elles sont frappées. C’est un exemple de la manière dont les humains utilisent les ressources naturelles pour créer de la musique et exprimer leur créativité.

M aracas : Instruments de percussion constitués de paires de boules creuses attachées à une poignée, remplies de graines ou de petits cailloux et souvent secoués pour produire des sons rythmiques. Celles que les enfants ont eu l’occasion de tester avec Fabrice Laureau, le musicien, viennent du Pérou et sont utilisées dans les rituels chamaniques du peuple Shipibo.

M iroir : Une surface lisse et réfléchissante, souvent en verre, qui crée une image inverse à tout objet qui s’y reflète. Les élèves ont pu y refléter le ciel ou les éléments de la nature lors des ateliers.

M usique : Forme artistique résultant de la combinaison du rythme et de la mélodie, souvent utilisée comme moyen d’expression et de communication.

O pacité : Qualité de ne pas permettre à la lumière de passer à travers, créant un effet de blocage ou de mystère. Les élèves ont pu expérimenter ses variations en utilisant de la peinture plus ou moins diluée dans leurs carnets.

O rchestre : Groupe de musiciens qui jouent ensemble, souvent composé d’instruments à cordes, à vent et à percussion. Fabrice Laureau et les élèves ont formé un orchestre en jouant ensemble.

P ense-bête : Outil mnémotechnique servant à se rappeler une information. Le carnet de croquis de Gabrielle lui sert d’outil pour se souvenir des formes et des énergies qu’elle croise.

P luridisciplinaire : Qui concerne plusieurs disciplines ou domaines d’étude. Gabrielle est une artiste qui utilise différents moyens pour s’exprimer. Elle travaille avec diverses matières et techniques pour ses créations (couture, photographie, dessin, archives, tapisseries, collage, sculpture, installations, illustrations, sérigraphie..).

P olaroid : Type d’appareil photo instantané qui produit des photographies auto-développées en quelques minutes après la prise de vue. Gabrielle utilise cet appareil photo dans son travail, notamment pour prendre des photos des enfants.

P ollen : Grains microscopiques produits par les plantes à fleurs, transportés par le vent ou les insectes pour la pollinisation. Ils volent dans l’air mais sont invisibles.

R eprésentation : Acte de décrire ou de reproduire quelque chose, que ce soit à travers les arts visuels, la musique ou d’autres formes d’expression. Les taches que les élèves ont faites dans leurs carnets représentent le ciel.

R eflet : Image miroir d’un objet ou d’une scène, généralement produite par la lumière qui rebondit sur une surface réfléchissante. L’image est la même mais de façon symétrique.

R ituel : Ensemble de gestes ou d’actions effectués de manière répétée et codifiée, généralement avec une signification symbolique. Les rituels peuvent consister en la création d’objets destinés à rentrer en contact avec le monde invisible.

R isographie : Technique d’impression à la manière de la sérigraphie, utilisant une machine appelée Riso, qui produit des impressions à partir de matrices. Gabrielle Manglou utilise cette technique pour colorer les images qu’elle a fabriquées.

S ymbole : Élément concret représentant une idée, un concept ou une abstraction. Les symboles dépassent les langues et sont partagés au sein d’une même culture.

S ymétrie : Équilibre visuel créé par la répétition ou la correspondance de formes ou de motifs de part et d’autre d’un axe central. La forme et les motifs des papillons sont une bonne illustration de cette notion.

La représentation artistique des données scientifiques météorologiques

mercredi 7 février 2024

 

Un événement météorologique extrême est un phénomène météorologique caractérisé par sa rareté, son intensité ou les dégâts qu’il provoque. Canicules, vagues de froid, cyclones tropicaux, séisme… Toutes ses catastrophes auxquelles on a tous été plus ou moins confronté suscitent toujours des émotions diverses voir même contradictoires chez les populations comme la peur, la tristesse, mais aussi de la fascination où encore de l’émerveillement. Chaque phénomène météorologique est étudié et contrôlé par des scientifiques afin de pouvoir retranscrire au public sa cause et de potentiellement pouvoir les comprendre. Ces événements mystérieux sont de réelles sources d’inspiration pour les artistes. Suite à notre visite de l’exposition Avaler les cyclones d’Evariste Richer, à la criée de Rennes qui invite le public à penser les liens ramifiés entre ciel et terre, nous nous sommes questionnés sur le sujet et plus particulièrement sur comment les artistes s’emparent des données scientifiques des événements météorologiques pour les retranscrire sensiblement, contrairement aux scientifiques ? Afin de répondre au mieux à ce questionnement, nous verrons, dans un premier temps, comment les scientifiques représentent les données scientifiques. Puis, dans un second temps, nous verrons quelles techniques utilisent les artistes pour retranscrire ces données et nous terminerons par l’impact que ces œuvres ont sur le spectateur.

 

I – Montrer la représentation scientifique 

Les données météorologiques constituent le fondement de la représentation scientifique. Des instruments comme les stations météorologiques, les satellites, les systèmes radar et les modèles numériques permettent de collecter et d’analyser ces paramètres, comme la température, l’humidité, les vents et les précipitations. Les outils de visualisation tels que les graphiques, les tableaux, l’imagerie satellitaire et les cartes climatiques aident les scientifiques à communiquer les modèles, les tendances et les variations climatiques à long terme. Cette représentation scientifique privilégie l’exactitude et l’objectivité, mais n’est pas toujours accessible au grand public. Ces documents permettent la communication de ces phénomènes entre scientifiques, sans laisser comprendre réellement au public leur enjeux et impacts, en plus de mettre de côté l’interprétation sensible qui est possible.

Par exemple, le Earth Observatory de la Nasa transmet ce type de photographie satellite, permettant de communiquer sur l’évolution d’un cyclone. L’image ne nous permet pas de ressentir ses effets, ou bien de comprendre sa provenance, entre autres. C’est là qu’on voit la limite des représentations scientifiques des événements météorologiques, uniquement pratique et non sensible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II- Montrer la technique utilisées par les artistes

 

a- Retranscrire un événement

Le monde foudroyé – Evariste Richer

Les artistes s’inspirent de ce qui les entoure. Que ce soit des personnes qu’ils côtoient, des lieux singuliers qu’il aperçoit, des évènements particuliers qui se déroulent, chacun d’entre eux ont leur madeleine de Proust. Les événements météorologiques sont donc un véritable terrain de jeu pour eux. Que se soit par le biais des analyses techniques des scientifiques ou simplement en voyant le phénomène, chacun va essayer de les interpréter, les retranscrire avec leurs propres moyens de communications. Nous pouvons le voir dans un premier temps avec l’exposition “Avaler les cyclones” de Evariste Richer et son oeuvre Le monde foudroyé. L’artiste a souhaité reproduire, à l’identique, une carte météorologique qui dépeint les impacts de foudre dans le monde grâce à l’aquarelle. L’éléments scientifiques devient alors une œuvre d’art accessible pour le public.

 

 

Le diamant d’une étoile a rayé le fond du ciel – Dove Allouche 2011

Pour continuer, nous avons également Dove Allouche, plasticien et photographe, qui lui aussi a été subjugué par les épisodes d’orages violents. Seulement, à la différence de Richer, l’artiste a reproduit non pas une carte scientifique, mais une photographie stéréoscopique d’un éclair parcourant le ciel un soir du début des années 1900. Son œuvre Le diamant d’une étoile a rayé le fond du ciel est un dessin de mine graphite et d’encre sur un papier rehaussé à l’encre de Chine noire.

 

 

 

 

 b-  Réinterpréter des données scientifiques

D’autres artistes utilisent ses données en les interprétant. Nathalie Miebach, artiste conceptuelle basée à Boston, tisse des sculptures complexes et colorées à l’aide de cordes, de bois, de papier, de fibres sur la base de données d’événements météorologiques.

Deux des dernières séries de l’artiste explorent l’impact des eaux pluviales sur nos vies et sur les écosystèmes marins.
La série « Changing Waters » utilise les données de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA) et du Système d’observation de l’océan du golfe du Maine (GoMOOS) ainsi que des stations météorologiques côtières pour montrer les relations entre les évènements météorologiques et les changements de la vie marine.

Nathalie Miebach – série “Floods »

De plus, l’artiste utilise les données météorologiques des tempêtes récentes, notamment l’ouragan Sandy, l’ouragan Maria et l’ouragan Katrina, pour réaliser sa série “Floods”, qui traite à la fois des récits d’expériences scientifiques et humaines. Les éléments coupés et tissés sont reliés entre eux pour former des formes et des motifs géométriques.

Chaque artiste utilise ses propres compétences pour pouvoir limiter le fossé qu’il peut y avoir entre le public et les scientifiques face à des événements météorologiques extrêmes. De plus, cela permet de démystifier ce type d’événement et de le rendre beaucoup plus compréhensible et accessible.

 

 

 

 

III- L’impact sur le spectateur/visiteur

Les interprétations artistiques des événements météorologiques ont un impact profond sur le spectateur ou le téléspectateur, en lui offrant une expérience plus immersive et plus engageante sur le plan émotionnel. En insufflant de l’émotion, de la narration et des perspectives culturelles dans leurs œuvres, les artistes établissent un lien avec le public, favorisant une appréciation plus profonde des complexités météorologiques. La subjectivité de l’expression artistique permet une expérience qui fait appel à plusieurs sens au-delà du visuel. Les spectateurs peuvent se retrouver à contempler des thèmes plus larges tels que le changement, l’incertitude ou l’interconnexion de l’humanité avec l’environnement, comme le montrent les œuvres d’Olafur Eliasson, qui explore souvent l’intersection entre l’art et les événements météorologiques. La collaboration entre l’art et la science encourage une compréhension sensible, enrichit la perspective du public et favorise un sentiment d’émerveillement et de curiosité.

Conclusion

Dans l’interaction entre la science et l’art, l’interprétation des données météorologiques témoigne de la diversité de la compréhension humaine. Alors que les scientifiques apportent un regard objectif, les artistes apportent subjectivité et émotion, transformant les données en récits captivants. Cette approche collaborative permet non seulement de mieux comprendre les événements météorologiques, mais aussi de renforcer le lien entre l’homme et le monde naturel. Grâce à l’interaction entre la représentation scientifique et la technique artistique, une compréhension plus profonde de la météorologie émerge, dépassant les limites de la compréhension traditionnelle des données. La synthèse de la rigueur scientifique et de la créativité artistique offre une perspective nuancée et enrichie, nous invitant à contempler la beauté et la complexité des événements météorologiques.

Laura M, & Sara H.

Les phénomènes météorologiques dans l’espace clos

mercredi 7 février 2024

Le 6 décembre 2023, nous nous sommes rendus au centre d’art contemporain La Criée, pour visiter l’exposition Avaler les cyclones de l’artiste contemporain Evariste Richer. Cette exposition propose de nombreuses œuvres spécialement conçues pour cette occasion, abordant de nombreux sujets différents.

Parmi l’ensemble de ces œuvres on peut notamment identifier un sujet particulièrement récurrent qui semble fasciner l’artiste : les phénomènes météorologiques démesurés. Cette observation se vérifie jusque dans le titre énigmatique de cette exposition, Avaler les cyclones, qui intrigue par la nature irréalisable de sa proposition.

Les cyclones sont des phénomènes météorologiques dévastateurs et incontrôlables qui peuvent atteindre plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. Ces phénomènes météorologiques ont fasciné un grand nombre d’artistes à travers l’ensemble de l’histoire de l’art, des peintures de Turner au film Mad Max : Fury Road du réalisateur George Miller, Evarist Richer fait partie de ces nombreux artistes qui ont tenté de capter l’essence de ces phénomènes destructeurs.

Ainsi, nous avons tenté de comprendre comment les phénomènes météorologiques démesurés peuvent prendre place dans un espace clos ?  Nous tenterons de répondre à cette question en présentant tout d’abord les différentes œuvres que nous analyserons dans notre développement. Puis, nous nous intéresserons plus précisément aux moyens utilisés par l’artiste pour représenter ces phénomènes et les liens qui peuvent être fait avec d’autres œuvres d’artistes traitant de ce sujet. Enfin nous tenterons de comprendre les effets particuliers que ces œuvres peuvent susciter chez le spectateurs et les associations que nous pouvons identifier avec des œuvres, abordant les mêmes thématiques, qui cherchent également à susciter des réactions du public. 

Quels sont les différents phénomènes météorologiques démesurés représentés dans l’exposition ?

Durant notre visite à La Criée, nous avons pu identifier divers phénomènes météorologiques au sein de l’exposition. Une grande partie des œuvres présentes dans cette exposition peuvent se répartir en deux catégories correspondant à deux phénomènes météorologiques démesurés. Ainsi, on retrouve la première catégorie, rassemblant les œuvres représentant un cyclone avec : Cyclone et sa composition de dés à jouer, mais aussi Apocalypse et Histoire avec chacune leur pale d’hélicoptère associée à un objets beaucoup plus petit tenant dans la paume de la main. Dans la deuxième catégorie, on peut retrouver  un ensemble d’œuvres représentant la foudre avec : Monument à la dernière plume composée d’un paratonnerre et d’une canne, tous deux suspendus, et Le monde foudroyé, représentant les zones les plus frappées par la foudre dans le monde.

Le monde foudroyé (esquisse)

Par quels moyens sont-ils représentés ?

Le phénomène dans son action

D’abord, ces phénomènes peuvent être représentés dans leur action, venant ainsi les immortaliser, ce qui offre une lecture nouvelle puisque ces phénomènes sont souvent d’ampleur et dévastateurs. Cet aspect figé, on peut le retrouver dans la célèbre estampe La Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai, ou encore dans les photographies de Marko Korošec représentant un mouvement figé par le vent. Cependant, ce n’est pas parce que le support initial ne permet de représenter qu’une version, un instant de ce phénomène, que cette représentation est nécessairement figée. On peut prendre pour exemple le tableau Snow Storm, Steam-Boat off a Harbour’s Mouth de J.M.W. Turner. Cette œuvre est une représentation figée d’un phénomène (d’un point de vue technique) : la peinture à l’huile ne bouge pas sur la toile, pourtant une impression de vitesse et de mouvement se dégage du tableau.

De plus, avec les avancées technologiques nous pouvons désormais réaliser une captation plus globale de ces phénomènes météorologiques, grâce à la vidéo. Ce nouveau support permet un mouvement visible et animé du phénomène, et peut rendre le tout plus réel aux yeux des spectateurs.

 La résultante du phénomène

Cependant, au sein de cette exposition, il nous a été donné à voir diverses manières de représenter les phénomènes météorologiques. Le deuxième type de représentation que nous avons pu observer est l’expression de la résultante du phénomène météorologique. La résultante des phénomènes météorologiques démesurés dans l’exposition peut se comprendre par l’utilisation de “débris” démesurés dans les œuvres Apocalypse et Histoire, faisant ainsi écho à la violence et l’importance de ces phénomènes (ici les cyclones). Cette mise en valeur des débris permet de donner à voir les conséquences d’un désastre monumental. Ces deux œuvres de l’exposition peuvent également être mises en relation avec des œuvres présentes hors de cette exposition, comme La tempête de Pierre Ardouvin, ou encore le tableau Le déluge exposé au Musée d’Arts de Nantes, qui donne à voir une population prise au piège par une pluie torrentielle.

Apocalypse

 Jeu d’échelle, jeu de rapport

Au sein de l’exposition, nous avons pu identifier un troisième principe de mise en œuvre qui s’appuie sur le principe de jeu d’échelle et de jeu de rapport entre deux éléments n’ayant au premier abord aucun lien établi, ce qui est le cas pour l’œuvre Cyclone par exemple. En effet Cyclone met en œuvre un jeu d’échelle puisque cette installation est composée de 69 750 dés à jouer, formant grâce aux différentes faces utilisées des nuances, créant l’image d’un cyclone vu du ciel. Cette œuvre met donc en relation deux éléments opposés de par leur taille et leur champ d’action/de dégradation possible. Le dé lui n’aura que peu d’impact, même s’il est mal lancé, alors que le cyclone lui, a un pouvoir destructeur immense. Cependant il est possible de rapprocher ces deux éléments, puisqu’ils comportent tout les deux une notion de hasard : le dé, lorsqu’on le lance pour jouer et le cyclone dans sa trajectoire car on ne sait jamais exactement où celui-ci va se diriger, on ne peut qu’estimer des directions et faire des hypothèses.

Il est aussi possible d’identifier un jeu d’échelle mais également un jeu de rapport dans les œuvres Apocalypse et Histoire puisqu’elle associe des pales d’hélicoptère et une baguette de direction ou un crayon. Ces deux objets sont habituellement utilisés et portés par une main venant les animés et agir sur un orchestre ou un support papier. Ici, ils sont sortis de leur contexte et pourraient donner l’impression d’un certain contrôle opéré sur les cyclones, venant ainsi rythmer ou dessiner ce phénomène.

En sont-ils plus impressionnants ou alarmants ?

Générer un vertige inquiétant chez le spectateur

L’Évocation de phénomènes météorologiques monumentaux dans cette exposition, a pour effet de provoquer une forme de vertige. En effet, ces phénomènes destructeurs sont source d’inquiétude chez les être humains et l’utilisation des dés qui sont des objets dont le résultat est aléatoire, nous renvoient à la nature profondément incontrôlable de ces phénomènes.  De plus, les jeux d’échelle, entre la monumentalité des phénomènes météorologiques et les outils formels réduits (dés, canne), avec lesquels ils sont mis en relation, créent des associations déstabilisantes, qui accentuent cet effet de vertige par la nature hétérogène des éléments qui composent les œuvres. C’est notamment le cas dans les œuvres qui lient un paratonnerre et une canne d’aveugle, ou encore dans l’œuvre qui représente le phénomène du cyclone avec des dés, ou une nouvelle fois dans la carte du monde foudroyé réalisée à l’aquarelle.

Cyclone

Pousser à la réflexion du spectateur sur ces phénomènes et leur impact

Le spectateur de cette exposition peut être amené à opérer une forme de réflexion sur ces phénomènes monumentaux, leur impact dévastateur sur l’environnement, ainsi que sur sa vie quotidienne. De nos jours, les phénomènes météorologiques destructeurs sont de plus en plus fréquents et liés aux problématiques environnementales. Ces œuvres, ainsi que la visibilité qu’elles apportent sur ces phénomènes et leurs conséquences, peuvent pousser le spectateur à la réflexion. Une réflexion sur le rôle de l’être humain vis à vis de ces phénomènes et l’impact que ceux-ci peuvent engendrer sur l’environnement.

Cependant, les œuvres de cette exposition ne sont pas les premières à avoir cette approche. En effet, en 2021 la ville de Bilbao a vu son fleuve changer et accueillir une œuvre surnommée « La noyée de Bilbao ». Cette œuvre représentait le visage d’une femme à moitié plongé dans l’eau du fleuve, amenant une certaine inquiétude due à l’hyperréalisme du visage de cette femme. Le but de cette œuvre était d’interpeller le public sur les dangers liés au dérèglement climatique.

La noyée de Bilbao

Créer une atmosphère qui participe à une forme de narration

Atmosphère (synonyme d’ambiance) def : Ensemble des caractères définissant le contexte dans lequel se trouve quelqu’un, un groupe ; climat, atmosphère. (ex : Une atmosphère chaleureuse.)

La représentation de phénomènes météorologiques participe à l’installation d’une atmosphère, créée par une forme de narration entre les différents éléments au sein des œuvres. Cette narration, créée par l’atmosphère des phénomènes météorologiques, prend particulièrement son importance dans les œuvres cinématographiques. Les films ont l’avantage de pouvoir mêler l’image et le son et de produire un effet bien plus imposant et immersif sur le spectateur, ce qui lui demande moins d’effort d’imagination et l’aide ainsi à se projeter au sein d’une narration. Ces phénomènes participent ainsi à la narration et à la création d’une atmosphère au sein de laquelle le spectateur peut s’immerger. La nature incontrôlable de ces événements peut susciter une forme de fascination en rapport avec la fatalité et la monumentalité de ceux-ci.

C’est notamment le cas dans les films Le cheval de Turin, Mad Max : Fury Road ou encore The Lighthouse, qui installent une atmosphère angoissante dans les films par le biais de phénomènes météorologiques signifiés par l’image, mais également par le son caractéristique de chacun de ces phénomènes. Le son possède une importance capitale dans les œuvres cinématographiques et la manière dont il est lié à l’image varie énormément selon les films, ce qui crée des effets très différents. Par exemple, l’utilisation du son  “réel” du phénomène crée une forme de mise en situation de ce phénomène et le son vient souligner le visuel offrant une expérience plus immersive. Dans d’autres cas, le son du phénomène est remplacé par de la musique qui vient créer une contradiction avec l’ampleur et/ou la violence du phénomène, ce qui peut apporter une seconde lecture. Cette musique peut également renforcer cet aspect de violence du phénomène en contrastant avec son aspect grandiose et monumental. Une autre possibilité est l’absence de son qui vient souligner le visuel d’un phénomène météorologique d’ampleur. Cette démarche peut rendre l’image du phénomène plus saisissante ou bien à l’inverse, venir atténuer son impact et sa violence en retirant le son.

Scène de la tempête dans Mad Max : Fury Road

Omniprésence du vent dans Le cheval de Turin

 

Au sein de cet article, nous avons exploré différentes réponses permettant de comprendre comment les phénomènes météorologiques démesurés peuvent prendre place dans un espace clos. Nous nous sommes intéressés aux moyens utilisés par Evariste Richer au sein de ses œuvres pour représenter les phénomènes météorologiques que nous avons lié aux œuvres d’autres d’artistes ayant également exploré ce sujet. Nous avons également tenté d’appréhender les effets qui peuvent être produits par ces œuvres chez le spectateurs et les différentes filiation avec des œuvres abordant des thématiques similaires, et qui suscitent elles aussi des réactions auprès du public.

Grâce à notre recherche, nous avons pu conclure que les phénomènes météorologiques démesurés ont toujours été source d’inspiration dans l’histoire de l’art, par le vertige qu’ils génèrent dans l’esprit des artistes qui tentent d’immortaliser et de  représenter ces événements éphémères par différents moyens plastiques et techniques, pour en garder une trace. Car sans une représentation, qu’elle soit par le biais d’un tableau, d’une esquisse, d’une sculpture, d’une photographie ou d’une vidéo, ces phénomènes disparaissent et ne laissent sur leur passage que des débris et un espace marqué et accidenté.

E.E & L.G

 

Sources :

Se jouer de la vision

mercredi 7 février 2024

 

En entrant dans le centre de La Criée durant l’exposition d’Evariste Richer,
vous avez probablement été intrigué par l’œuvre Cyclone tapissant une g
rande partie du lieu.

 

 

En prenant une certaine distance, l’image du cyclone du point de vue d’un satellite semble tournoyer.
En s’approchant suffisamment près, on s’aperçoit que l’œuvre se dessine par une dizaine de milliers de dés à jouer, posés à même le sol. L’artiste a décomposé le cyclone en six valeurs de gris : l’un étant la plus claire et le six, la plus foncée. L’image tramée créée des demi-teintes en tirant parti de la limite de résolution de l’œil et provoque un effet d’optique par une vibration rétinienne à l’approche de la spirale.
En exploitant le pointillisme et la forme cubique du dé, Evariste Richer se joue de notre vue et trouble nos sens par l’agencement et la multiplication de ce petit objet du quotidien. Cyclone est un exemple parmi d’autres œuvres, qui influencent par différents moyens la perception du spectateur.

 

Comment le geste technique de l’artiste ou du designer sur un objet peut-il ainsi participer à la création d’une illusion d’optique ?

 

Une illusion d’optique désigne “la perception des données visuelles qui fournit des conclusions non conformes à la réalité objective en matière de forme, de distance, de dimension de couleur, d’orientation, etc.” Cette recherche est centré sur les perceptions de l’objet, qui se définit par “une chose solide ayant unité et indépendance et répondant à une certaine destination”.  Ainsi, comme pour l’œuvre cyclone, cet article cherche à analyser un panorama non exhaustif d’effets d’optique sur des supports tridimensionnels par le prisme du geste technique du concepteur.

 

1- L’anamorphose

 

 

Lors de la première impression, l’œuvre Dali de Bernard Pras semble être un amas d’objets sans rapports entre eux  (un piano, des chapeaux ou animaux empaillés) qui s’étalent sur une plateforme de quelques mètres.
Néanmoins, lorsqu’on se positionne bien en face, on peut voir distinctement le visage du peintre Dali qui prend forme. L’artiste est un spécialiste de l’anamorphose, une illusion qui consiste à transformer des images déformées en images « normales » si elles sont vues d’un point précis. Il joue ainsi avec la perspective du point de vue du spectateur par l’agencement d’un ensemble d’objets hétéroclites tridimensionnels qu’il réunit en une surface bidimensionnelle. 

Lors de la conception de ses œuvres, Bernard Pras prend une photographie à chaque élément ajouté sous un certain angle, puis il les suspend et assemble selon leurs volumes, nuances de couleurs, et inclinaisons. D’autres créateurs utilisent ce principe d’anamorphose par l’agencement d’objets. Pour pousser votre curiosité plus loin, allez jeter un œil au clip The Writing’s On The Wall du groupe OKGO sorti en 2014. Cette vidéo est entièrement axée sur la perspective : les illusions sont réelles, pour ainsi dire, et c’est ce qui rend cela époustouflant.  

 

 

2 – Jeu de perspective

 

Rocky est une crédence sculpturale qui, par ses niches, sert d’étagère de logement. Elle arbore une forme peu commune qui peut perturber notre regard avec ses casiers qui semblent être orientés de façon latérale. Ce décalage visuel génère ainsi une impression de perspective aplatie. Jouant sur les mécanismes optiques de perception de la profondeur de champ, de face Rocky paraît plate, alors que son épaisseur est de près de quarante centimètres.

 

 

Ainsi le designer joue avec les formes géométriques pour créer des motifs aux volumes déroutants. L’illusion d’optique naît du travail du métal soudé, de la coordination des couleurs, textures et volumes dans l’espace donnant l’impression d’une forme aplatie en deux dimensions. Autrement dit, cet objet est le fruit d’un jeu de perspective en tant qu’illusion mais avec, ici, une illusion de platitude, plutôt que de volume.

Le designer Charles Kalpakian joue avec la perception de l’espace et des volumes en imaginant cet objet dont la forme change selon l’angle avec lequel il est regardé. Il s’est inspiré des célèbres images d’illusion d’optique comme le cube de Vasarely, le travail du plasticien Georges Rousse ou encore le triangle de Pen Ross. 

 

 

Pour pousser l’analyse plus loin, ce fameux triangle impossible de Pen Ross jouant sur la perspective a inspiré le duo de jeunes designers Cristina Ródenas et Adrian M. Almonacid du studio Cuatro Cuatros pour dessiner ce vase 90°. Ici, l’interposition, l’orientation et la perspective créent une contradiction de l’espace qui nous fait percevoir quelque chose qui ne l’est pas.

 

3 – Illusion de mouvement

 

C’est également à travers des moyens techniques que notre perception peut être trompée. Dans son œuvre Gautama, dans la collection du Seattle Art Museum, l’artiste reprend l’objet tapis en se jouant de sa matérialité et en créant une illusion d’un changement d’état, du solide vers le liquide. Par sa forme, le tapis produit également une impression de mouvement, une illusion d’huile sur l’eau, comme si les pigments du tapis étaient figés dans le temps par les fibres du tapis.

 

 

Ahmed est un artiste contemporain qui explore l’artisanat et les techniques traditionnelles. Son domaine de recherche s’intéresse particulièrement aux religions du monde, aux écritures anciennes ainsi qu’à la calligraphie et au motif. Dans son projet de tissage pour la collection du Seattle Art Museum, Faig Ahmed se base sur le tapis azerbaïdjanais classique. Ainsi il travaille à partir de moyens de tissage traditionnels qu’il explore afin de produire de nouvelles formes visuelles de manière innovante. Par des procédés numériques, il pense et déforme ses pièces et modifie la forme et l’aspect du tapis. Il s’inspire des pratiques anciennes du tissage et expérimente avec des matériaux et des couleurs traditionnels. A travers sa pratique, il crée des illusions qui remettent en question notre perception à travers la matérialité de ses œuvres et par le moyen technique employé.

C’est donc une série d’œuvres que l’artiste à produit en 2013 et qu’il à pu exposer dans plusieurs pays du monde.
Le phénomène observé dans l’œuvre Gautama est ainsi également visible dans d’autres œuvres de l’artiste comme Dragons of Karabakh, œuvre plus récente datant de 2021.

 

 

Les illusions d’optiques sont connues majoritairement pour des effets graphiques en deux dimensions trompant notre regard. Ce panorama d’œuvres d’artistes et de designers permet de jeter un œil sur les effets d’optique qui s’appliquent aux objets. Que ce soit par l’anamorphose, par des jeux de perspectives ou par des illusions de mouvements, le geste technique du concepteur à un rôle à jouer sur la perception du spectateur, et demande ainsi un travail de forme, de couleur, d’agencement ou encore d’orientation. 

Pour pousser cet inventaire plus loin, n’hésitez pas à partager d’autres exemples pour les plus curieux.ses
d’entre vous 🙂

 

Sahra Yakoubene & Pandora Bec

Le Hasard comme Force Créatrice

mercredi 7 février 2024

Le Hasard comme force créatrice.

 

On dit parfois que certaines choses arrivent par hasard, sans que l’on puisse le prévoir, comme lorsqu’il vous arrive de croiser le chemin d’un ami d’enfance dont nous nous étions éloignés depuis de nombreuses années. Cette rencontre à cet instant et en ce lieu donné résulte de causalités qui en apparence ne peuvent être déterminées ou anticipées. 

 

Le hasard n’est alors qu’une somme de possibilités dont on ne peut connaître l’issue, une force et une liberté d’expérimenter auxquelles l’art et le design se sont particulièrement intéressés. Mais comment les designers et artistes s’emparent-ils du hasard pour construire leurs processus de création? 

 

                       Le contrôle total du hasard dans le processus de création

 

Certains designers ou artistes s’affranchissent du hasard en mettant en place une méthodologie qui leur permet de contrôler l’ensemble de leurs processus de création. L’artiste Évariste Richer dans son œuvre Cyclone et le designer Gavin Munro avec  « Full Grown »  font du hasard un outil dans une représentation symbolique codifiée.

Cyclone par Evariste Richer, 2023

L’œuvre Cyclone est composée de 69 750 dés à jouer représentant une dépression atmosphérique. Le dé symbolise le hasard dans une disposition méticuleusement paramétrée selon une trame. L’ensemble illustre la photographie satellite d’un cyclone. La valeur inscrite sur la face d’un dé, permet d’ombrager le dessin : plus l’on se rapproche du 6, plus la nuance est sombre. 

 

Le cyclone renvoie au type de hasard suivant : une chaîne d’événements qui se suivent les uns les autres et dont le précédent influe sur le suivant, autrement dit, l’effet papillon. C’est au climatologue Edward Lorenz, que l’on tient la célèbre expression : “Un battement d’ailes de papillon au Brésil peut provoquer une tempête au Texas.” 

Cette formule, largement utilisée aujourd’hui, trouve son origine dans les études menées par le scientifique au sein de la théorie du chaos. 

Cette théorie nous permet de comprendre le hasard comme un fait mathématiques : 

Les valeurs inscrites sur les faces des dés renvoient à l’ensemble des paramètres qui permettent d’aboutir à un événement climatique colossal comme le cyclone. Ce hasard est théoriquement anticipable mais dû au nombre trop important de variables à maîtriser, nous nous retrouvons en incapacité de prévoir un tel événement. De même, il suffit que la condition initiale varie de manière infime pour aboutir à un résultat tout à fait différent. Ainsi, même si nous détenons toutes les informations pour déterminer la finalité d’un événement, il nous faut être suffisamment précis pour les traiter : une seule erreur et la prédiction est fausse. Evariste Richer au sein des paramètres de son œuvre parvient à un contrôle totale au sein de son processus de création. Ce contrôle est nécessaire pour comprendre la symbolique de son œuvre. L’art lui permet ainsi une défiance du hasard qui ne serait pas possible dans d’autres contextes.

 

Full Grown (fondé en 2013)
Gavin Munro (né en 1975) et Alice Munro (née en 1974), Angleterre
Dietel Chair
2018
H. : 84 cm ; L. : 50 cm ; Pr. : 50 cm
© Photo Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gavin Munro est l’auteur d’un design mobilier relevant en apparence d’un étrange hasard : une chaise formée par les branches d’un saule. En effet, le designer est parvenu à transformer la matière brute du bois en un objet utilitaire, sans nécessité de couper, ni d’effectuer des assemblages pour aboutir à l’aspect formel de la chaise. 

Le designer exploite les systèmes déjà existant dans la nature pour générer la forme souhaitée. Ainsi, Gavin Munro fait pousser des saules et les contraint pour les obliger à suivre progressivement les contours du moule d’une chaise durant sa croissance. Il faut de ce fait entre 5 à 9 ans pour aboutir à sa conception. 

Le phénomène de la pousse d’un arbre et notamment du positionnement de ses branches sur le tronc, relève initialement du hasard. Ici le processus utilisé pour la conception des chaises rend ce phénomène anticipable car contrôlé.

Cela permet au designer de se situer dans un processus parfaitement paramétré en amont permettant d’aboutir à une seule et même issue à la fin de la croissance de l’arbre : celle d’une chaise formée par ses branches. 

Cela démontre que dans une certaine mesure, le hasard n’est jamais dû qu’à un manque d’informations et de connaissances sur ce qui nous entoure. Le design devient ici un outil qui vient diminuer le nombre d’issues possibles. La contrainte exercée par le moule réduit presque totalement les possibilités de la branche à prendre une certaine direction, à s’étendre sur une certaine longueur ou encore à prendre une position aléatoire. 

A partir de l’acceptation du hasard, autrement dit d’un système qui dépasse l’homme, 

l’art et le design deviennent le support de conceptions qui finissent par le braver lui-même. D’une observation fine de ce qui entoure Evariste Richer et Gavin Munro, les deux créateurs aboutissent à des systèmes ingénieux, porteurs de leurs visions respectives. 

Mais le hasard tel qu’il existe, lorsque nous ne sommes pas avertis de la chute d’un événement, ne pourrait-il pas enrichir le processus créatif des designers et artistes ?

                       Le contrôle partiel du hasard dans le processus de création

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Anton Alvarez a développé une pratique située entre art et l’artisanat : son travail consiste à réaliser des sculptures aux formes non conventionnelles défiant la gravité. Pour cela, il met en place différentes techniques et processus de mise en forme qui relève de l’ingénierie à ses connaissances de la matière.

 

Antonio Alvarez a segmenté sa pratique en deux étapes. Tout d’abord, il conçoit une extrudeuse pour donner des formes à la cire. Ensuite, la cire vient tomber et se refroidir dans une piscine d’eau froide. La réaction fait durcir la matière la faisant prendre une forme de façon aléatoire. Puis, dans un second temps, il vient faire un moulage à la cire perdue. Ce procédé permet de remplacer la cire par un métau.

 

Dans cette œuvre, l’artiste fait partiellement intervenir le hasard. Il utilise des techniques et un savoir-faire poussés pour réaliser une machine calibrée pour envoyer la même quantité de matière et la même forme au millimètre près. Il montre ainsi un contrôle total sur le savoir-faire déployé. La même précision est nécessaire pour ensuite transformer la cire en une statue de métal. Néanmoins, l’auteur s’autorise à ne pas pouvoir tout contrôler dans sa production. Le hasard agit comme un outil qui caractérise son processus créatif. Son œuvre est alors liée avec la rétracte aléatoire de la cire qui se fige dans l’eau froide. Cela permet d’aboutir à des sculptures chacunes singulières, mais tout de même formellement liées par leur procédé de conception. 

 

GAETANO PESCE
Pratt Chair (No. 7), 1984

Certains objets de séries sont porteurs de marqueurs différenciants, amenés par le hasard. 

Gaetano Pesce est un célèbre designer italien des années 80 qui a tenté différentes approches pour réaliser des assises uniques. Cette approche s’inscrit dans une application industrielle.

Pour cela il a créé une série de neuf chaises appelée “Pratt” en 1985. Cette production a permis de montrer une série de chaises différenciant du principe. Le dessin technique des chaises standard indique les dimensions globales et une esthétique qui lui est propre. Gaetano Pesce créer un monde de production ouvert, où les différents ouvriers peuvent venir mettre différentes quantités de résine et différentes couleurs. 

L’auteur contrôle alors une grande partie de son processus de création. Il fait des plans qui sont recopiés avec des moules où de la résine y est versée. L’objectif est de créer des chaises ayant 4 pieds avec un dossier remplissant la même fonction d’assise. 

Pour autant, il laisse délibérément choisir de façon aléatoire la couleur et la quantité de matière à l’ouvrier, d’autre part il décidera aussi ou il verse la résine. Cette part de hasard permettra de créer une série de chaises unique. Cette fabrication a eu comme objectif de créer des modèles similaires mais diffèrent dans leur couleur, leur résistance et leur rigidité.

Pour conclure, on a pu voir que les concepteurs ont mis en place des stratégies pour travailler avec le hasard. Ce contrôle partiel du hasard dans leur travail, ont pour résultat de concevoir des pièces uniques. Ses pièces résultent d’une parfaite symbiose entre le créateur qui maîtrise les bagages techniques, millimétré de ses outils et la place du hasard dans le processus de création. 

                       Processus de création soumis au hasard

Considérer le hasard comme l’ensemble des issues possibles 

Evariste Richer, vue de l’œuvre Le noyau du monde, La Criée centre d’art contemporain, exposition Avaler les cyclones, Rennes 2023
Courtesy de l’artiste – photo : Marc Domage

Le noyau du monde, œuvre d’Evariste Richer, illustre deux mains moulées de l’artiste soulevant deux pierres : l’une est une sphérosidérite et provient des Etats-Unis, l’autre est un namacalathus, un fossile animal originaire de Namibie. 

Trouvées par hasard au marché aux minéraux de Tucson en Arizona, Evariste Richer remarque immédiatement leur curieuse complémentarité. Il choisit donc de les réunir. Et pour cause, bien qu’elles proviennent de lieux opposés, les deux pierres parviennent à s’assembler : leurs bosses et leurs creux s’épousent parfaitement. 

Cet heureux hasard amplifié par sa mise en scène se rapporte au mythe de Platon dans le Banquet (IVe s av-JC). Selon le mythe, au commencement, les êtres humains étaient des sphères roulant sur elles-mêmes, constituées de quatre mains, quatre jambes et d’une seule tête à deux visages. Pour punir leur insolence à vouloir gravir les cieux, Zeus, le roi des Dieux, les aurait coupés en deux, les condamnant ainsi à rechercher leur moitié manquante. 

 

Ici, l’œuvre est caractérisée par les enchaînements d’évènements hasardeux aboutissant à son résultat. L’aléatoire est entièrement maître du processus créatif de l’artiste jusqu’au moment où il reprend le contrôle pour témoigner de cet événement au cœur d’une mise en scène. Il décide ainsi de les assembler et de mouler ses mains, illustrant ainsi la beauté de cette coïncidence. Sa symbolique se situe ici entre le hasard et une évocation presque divine du destin. 

1961
acrylverf en zeefdruk op hout
h. 98 cm x b. 98 cm
2013 legaat Henri Chotteau

François Morellet, artiste contemporain français, peintre, graveur et sculpteur, est l’auteur d’une œuvre picturale résultant d’un hasard total. 

Sa démarche consiste en la répartition aléatoire de 40 000 carrés, 50% gris clair, 50% orange selon les chiffres pairs et impairs d’un annuaire de téléphone. 

Ce processus permet de constituer une composition incontrôlée dû au placement par aléatoire des carrés sur la toile. 

L’artiste définit le cadre de l’œuvre puis laisse place au hasard pour la définir. Les seuls choix opérés dans la création de l’œuvre sont les paramètres qui permettent d’aboutir à une issue aléatoire : obtenir un carré gris clair ou orange à partir d’un chiffre pair ou impair. 

Autrement, François Morellet a entièrement laissé le champ libre à l’aléatoire pour déterminer le résultat final de son œuvre. Sa réalisation se situe ainsi entre expérimentation et œuvre d’art. 

Dans ces deux œuvres, c’est le hasard qui guide l’artiste et dicte l’esthétique. Dans un premier cas, pour le Noyau Du Monde de Evariste Richer, le hasard induit la création de l’œuvre. A l’inverse, l’œuvre de François Morellet à été induite par l’artiste mais c’est le hasard qui l’a ensuite produite. L’expression « c’est l’œuvre du hasard » à bien sa place ici. 

CONCLUSION : 

A travers ces différentes œuvres, le hasard se positionne dans un premier temps en tant qu’outil créatif au service des artistes. Ils prennent contrôle de ce dernier dans leur processus de création grâce à des paramètres bien définis. Le hasard est questionné quant à son influence sur les œuvres. Dans un second temps, le processus de création est partiellement dicté par des actions non maîtrisées : les artistes s’approprient le caractère d’une succession de coïncidences. Enfin, le hasard devient pratiquement maître de l’œuvre. Cette dernière devient une force créative définissant les caractéristiques des réalisations. 

Le contrôle du hasard devient alors une conquête d’ordre scientifique. Cette conquête nous confronte d’ailleurs à une réflexion d’ordre métaphysique : à notre échelle, pouvons nous nous confronter à l’infiniment grand ou sommes nous voués à l’inprédictibilité des événements qui constituent notre réalité ?

 

Réaliser par, Vassel Églantine, Himber Maëlle, Metiffiot Robin, Perron Anais

Les Préoccupations Anthropocènes sous l’Oeil Créatif : Une Analyse des Phénomènes Environnementaux

mercredi 7 février 2024

Les Préoccupations Anthropocènes sous l’Oeil Créatif : Une Analyse des Phénomènes Environnementaux

L’anthropocentrisme est une doctrine ou une attitude philosophique qui considère l’homme comme le centre de référence de l’univers. Dans l’histoire de l’humanité l’anthropocentrisme a était abordé par différents penseurs, Léonard de Vinci s’est intéressé à cette notion à travers l’étude des corps, il parvint à donner une image parfois erronée mais visionnaire de l’intérieur du corps humain et à fournir une explication plausible pour la plupart des mouvements. Les mensurations de l’homme de Vitruve sont basées sur les proportions idéales du corps humain telles que décrites par l’architecte romain Vitruve dans son traité « De architectura ». L’homme de Vitruve illustre les mesures idéales du corps, mais l’utilisation continue de ses mensurations soulèvent des questions sur la diversité, l’inclusion et l’impact sur l’écologie mettant en lumière la nécessité de repenser les normes et les idéaux qui façonnent notre société contemporaine. La nature subit souvent les répercussions de ces comportements anthropocentriques, tous ces changements sont effectués en plaçant l’humain au centre des préoccupations, il est donc intéressant de comprendre comment les créatifs montrent leurs préoccupations anthropocènes au sein des phénomènes environnementaux.

Leonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, réalisé en 1490 pendant la renaissance italienne.

I.  La main de l’homme est au coeur de tout geste créatif, elle est le symbole de l’exécution d’une idée que ce soit dans le domaine de l’art ou du design. La condition humaine et ses besoins prend toujours plus de place sur notre environnement naturel qui n’a plus la possibilité de se développer. Dans l’oeuvre Métagrêle de Evariste Richer les mains de l’homme sont moulées en béton et accueillent en leur centre des dés à 6 faces, il symbolise le contrôle de l’homme sur son environnement, l’humain est même maître du hasard.

Evariste Richer, vue de l’œuvre Métagrêle, La Criée centre d’art contemporain, exposition Avaler les cyclones, Rennes 2023

La nature s’adapte donc fatalement et conséquemment au mode de vie des humains, à travers les œuvres de Mark Dorf dans sa série Environnemental occupations, la condition humaine est mise en scène à différents niveaux de puissances, il est parfois spectateur, instigateur ou passif. Il est plongé au cœur d’un paysage qu’il à crée, une nature qui tente de survivre au milieu de formes industrielles. Composées majoritairement de béton et de formes cubiques, ces structures symbolisent l’industrialisation de notre société, elles sont plongées dans un environnement étonnement chatoyant et l’humain est souvent représenté de profil ou de dos dans son plus simple apparat, la nudité.

Mark Dorf, Sovereignty exposition solo mettant en lumière les photographies de l’ancien élève de SCAD, réalisé en 2011

Cette représentation presque idéalisée d’un monde naturel en déclin est le symbole de l’action de l’homme sur la nature. En effet le sujet de la crise écologique est traité mainte fois par les artistes et les designers mais souvent à travers leur propre prisme et par rapport aux soucis liés à la condition humaine, l’un des buts principaux des oeuvres qui rendent compte du dérèglement climatique est que la société en prenne conscience, de ce fait tout est tourné et pensé pour l’humain. Urban Ecology est un projet pensé par Fuminori Nousaku et Mio Tsuneyama, ils ont créés des modules afin de proposer une solution aux problèmes de précarité des logements en ville. l’habitat est construit avec des éco-matériaux et aux mensurations d’un studio citadin, la structure est conçue pour s’immiscer entre deux habitats. À travers cette proposition nous remarquons que les besoins de l’homme ne sont jamais remit en question. Le designer s’adapte toujours à ses besoins et continue d’amasser l’humain dans l’hypercentre. Le designer propose rarement des solutions alternatives qui suggèrent un nouveau mode de vie, l’humain et ses préoccupations siège toujours aux cœur de toutes créations artistiques ou de design.

Fuminori Nousaku & Mio Tsuneyama, Urban Fungus home exposé à la Toto gallerie, réalisé en 2024 au Japon

Dans le paysage contemporain de l’art et du design, des initiatives telles que Red Mud de Kevin Rouff, Guillermo Whittembury et Paco Bockelmann, ainsi que l’esthétique écologique étudiée par les étudiants de l’Université de Brighton, mettent en lumière une préoccupation croissante pour les problèmes environnementaux. Cependant, derrière cette façade « écolo », persiste parfois une vision utopique qui néglige de remettre en question le comportement anthropocentrique et le mode de vie humain. Les designers semblent davantage se soucier des besoins humains que de l’impact environnemental réel. Bien que de nombreuses alternatives soient envisagées, rares sont celles qui incitent réellement l’homme à modifier son mode de vie.

Kevin Rouff, Guillermo Whittembury & Paco Bockelmann, Red Mud est un un résidu de bauxite, un sous-produit de l’industrie de l’alumine, réalisé en 2024

II.  Tout demeure centré sur l’humain, dans un cadre urbain souvent déconnecté de la nature. Certaines œuvres telles que Ice Watch de Olafur Eliasson exposent la nature extraite de son environnement d’origine, cette œuvre est questionnante quant à sa mise en place. Certes cette œuvre confronte l’homme à l’impact de ses actions sur la nature mais en réalisant cette œuvre, en héliportant plusieurs énormes blocs de glace provenant tout droit de glaciers millénaires elle a elle aussi un impact très néfaste sur l’environnement. Sa démarche est bonne mais est-il vraiment nécessaire de déplacer l’effondrement écologique au cœur d’une ville pour que l’humain se rende compte de ce qui se passe ? Pourquoi cette nature délaissée est encore pillée pour renvoyer le message de sa souffrance ?

Olafur Eliasson, Ice Watch sur la place du Panthéon à Paris, réalisé en octobre 2014

Au contraire, le mouvement Arte Povera prend la nature elle-même comme matière artistique, offrant une réflexion sur la relation entre l’homme et son environnement. Dans ce mouvement la nature est contemplée, faiblement transformée, la main humaine n’est pas supérieure mais mise à la place la plus juste dans une démarche respectueuse de l’environnement. En fin de compte, la transition vers un mode de vie plus respectueux de l’environnement ne peut être simplement une question de design ou d’art. “ La transition énergétique est, avant tout, un projet politique”- Descola, 2000. Néanmoins, les artistes et designers voulant s’en rapprocher se doivent de prendre le temps de respecter tous les facteurs pour une démarche vraiment enracinée dans le respect de l’environnement. Ils ne peuvent se contenter de la satisfaction artificielle d’un public de plus en plus demandeur d’un pseudo-engagement.

Le manque de représentation de la faune et de la flore dans l’inquiétude environnementale au sein des œuvres d’art et de design est une lacune frappante qui révèle souvent le prisme anthropocentrique de ces préoccupations. Alors que les problèmes environnementaux suscitent de plus en plus d’attention et de préoccupation à travers le monde, il est remarquable de constater que la nature est souvent vue par l’œil humain, que l’inquiétude est tournée autour des bouleversements vécus par l’humain. Il y a un manque considérable sur la représentation des autres espèces vivantes constituant l’environnement. L’humain, en tant que centre et mesure de toutes choses, tend à se concentrer sur ses propres préoccupations, défis et expériences au détriment de la faune et de la flore.

Les artistes et designers, imprégnés de cette vision du monde, peuvent donc être portés à représenter principalement des aspects de la vie humaine et à reléguer la nature à un rôle secondaire. Dans de nombreux cas, l’inquiétude environnementale exprimée dans les œuvres d’art et de design se concentre principalement sur les conséquences des activités humaines sur l’homme lui-même, telles que les changements climatiques, la pollution ou la perte de biodiversité, sans nécessairement inclure une réflexion approfondie sur les conséquences pour la faune et la flore. Lorsque la faune et la flore sont représentées dans des œuvres telles que l’œuvre photographique de Dmitry Kokh, c’est sous le prisme du changement environnemental qui va faire changer la condition humaine que l’empathie apparaît, l’animal en tant que tel est sujet d’inquiétude.

Dmitry Kokh, Polar Frame est issue de la série « Les ours polaires se déplacent dans une station météorologique arctique abandonnée », réalisé en janvier 2022

La reconnaissance du changement environnemental est une inquiétude par transposition vers l’humain, l’environnement change, que va-t-il se passer pour nous ? L’empathie n’est pas directement tournée vers la nature elle-même mais elle est plus un sujet d’inquiétude en projection sur nos modes de vie. En adoptant une perspective moins anthropocentrique, les artistes et designers pourraient donner voix à la nature et lui accorder la place centrale qu’elle mérite dans nos préoccupations environnementales. En mettant en lumière la beauté, la diversité et la fragilité des écosystèmes naturels, ils pourraient contribuer à élargir notre compréhension et notre empathie envers le monde vivant en changement qui nous entoure. 

En conclusion, le manque de représentation de la faune et de la flore dans l’inquiétude environnementale dans les œuvres d’art et de design révèle un déséquilibre dans la manière dont nous percevons notre relation avec la nature. Pour aborder de manière plus complète et équilibrée les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés, il est essentiel que les artistes et les designers considèrent la biodiversité comme un élément central de leurs réflexions et de leurs créations. L’inquiétude n’est-elle pas d’abord dirigée autour de la condition humaine dans un environnement qui va mal ? L’auteur principal de ce bouleversement n’a-t-il pas une fois de plus les yeux braqués sur son nombril, oubliant qu’il entraîne dans sa chute des victimes innocentes ?

Meyer Bisch Gladys & Chagas Nina

Complémentarités

mercredi 7 février 2024

Complémentarités

À travers l’exposition Avaler les Cyclones d’Évariste RICHER

La complémentarité est au cœur du travail de l’artiste français Evariste RICHER. Celle-ci semble animer les êtres humains depuis une époque antique. En effet, elle semble être une quête, une réponse recherchée. Comme en témoigne le mythe des sphères androgynes de Platon coupées en deux par Zeus, qui aurait condamné chacun·e d’entre nous à chercher sa moitié pour retrouver leur complétude. Ainsi, bien que cela reste un mythe, cette recherche de complémentarité se retrouve dans des productions ou des moyens d’expression humains.

Les œuvres de l’exposition « Avaler les Cyclones » d’Evariste RICHER, présentée d’octobre à décembre 2023 au centre d’art contemporain La Criée à Rennes, présentent certaines dualités. Si l’on élargit un peu le spectre, et parce que nous sommes étudiants en design produit, elle peut aussi s’exprimer dans ces disciplines. Comment se manifeste la complémentarité dans ces œuvres et, par extension, dans le design produit ? Elle peut avant tout être formelle, de l’ordre du sculptural, ou bien visuelle, de l’ordre du pictural. Enfin, elle peut être plus suggérée par un discours ou un geste. Nous évoquerons dans cet article les différentes formes que peut prendre la complémentarité et l’influence qu’elle aura sur l’œuvre et sur notre perception de celle-ci.

1. Complémentarité formelle

En circulant dans l’exposition, nous passons entre des œuvres telles que Festina Lente ou Noyau du monde. La première se compose d’un mégaphone et d’un fossile d’ammonite dont la forme ellipsoïdale aplatie vient boucher l’amplificateur du mégaphone. La seconde, quant à elle, représente deux mains tenant chacune une pierre, à savoir une sphéro-sidérite présentant un nodule sphérique et un namacalathus, fossile d’origine animale présentant un trou où viendrait se nicher le nodule. Ces œuvres, présentées de la sorte, sont des exemples de ce que nous appelons la complémentarité formelle. 

Festina Lente, Évariste RICHER, 2023 ; Crédit photo : Louis DANET

Par complémentarité formelle, nous entendons en premier lieu l’idée d’assemblage, d’emboîtement physique. Il peut répondre à un besoin technique, c’est-à-dire relier et faire tenir plusieurs pièces entre elles et assurer la structure d’un ensemble. En design produit, il est important de se questionner sur comment sont assemblés les objets car c’est ce qui leur permettra d’exister. D’un point de vue technique, voire industriel, les assemblages, malgré leur importance, sont souvent cachés. Cela peut s’expliquer parce que les objets présents ne sont pas pensés pour être compris et réparés, et parce que cela est parfois plus rapide et moins cher, on préférera la colle ou la soudure à un assemblage vis et écrou.

Dans le cas des œuvres, la complémentarité est visible et rendue évidente. Comme si les formes étaient faites pour s’assembler et que le porter à nos yeux avait un intérêt particulier. De ce fait, l’assemblage de formes complémentaires répond aussi à un besoin d’harmonie. Ce besoin, il en est évidemment question dans le design produit tant l’aspect esthétique et plastique d’un objet peut être induit par l’objet lui-même ou entre plusieurs d’entre eux, en gamme. Le·la designer peut s’attacher à rendre complémentaire, harmonieux, par un jeu de forme et de contre forme, les éléments de son objet ou de sa gamme. Sur ce point, aux yeux de l’usager, un objet peut être perçu comme “astucieux”, “bien pensé” ou simplement “marrant”.

En parlant de complémentarité formelle et de jeu de forme-contre forme, et pour faire un petit clin d’œil à l’architecture rennaise, l’opéra de Rennes, dessinée par Charles MILLARDET et construit par Pierre LOUISE au XIXe siècle a pour originalité de s’adapter à la forme de l’hôtel de ville qui lui fait face, l’avancée circulaire du premier correspondant au retrait du second, construit quant à lui par Jacques GABRIEL environ un siècle auparavant.

2. Complémentarité visuelle

La complémentarité n’est pas uniquement formelle, volumique : les éléments, assemblés, juxtaposés, peuvent former un ensemble visuel, une image figurative ou abstraite. Cet ensemble visuel se comprend une fois toutes les pièces réunies, bien qu’il peut être induit par chaque élément individuel (fragment d’image, etc.) à la manière de pièces d’un puzzle dont le dessin nous apparaît une fois que sont assemblées un certain nombre de pièces. 

À ce titre, nous pouvons évoquer l’œuvre Cyclone et Cercle de Cues #5. Cyclone est composée de plus de 10.000 dés à jouer qui, en fonction de leur nombre de points sur leurs faces, créent des zones plus ou moins foncées, qui forment à leur tour le dessin d’une dépression atmosphérique, d’un cyclone. Pris séparémment, les dés de cette œuvre ne forment aucun dessin et ne révèlent rien au·à la spectateur·ice si ce n’est une face d’1 à 6 points noirs sur fond blanc. Mis ensemble, complétés, ces légères différences de valeur permettent la création d’un ensemble visuel dont le·la spectateur·ice prend alors conscience, non sans un peu de recul et un hochement de tête.

Cyclone, Évariste RICHER, 2023 ; Crédit photo : Louis DANET

Cercle de Cues #5 est quant à elle composée de plaques de céramiques émaillées blanches et oranges qui viennent former un polygone, tendant vers le cercle, orange uni, tel “un soleil orange par delà les nuages et les tempêtes”. Autre exemple du même artiste, mais cette fois hors exposition, le service de vaisselle Bleu Élysée choisi par le président MACRON en 2018 – le débat sur le prix du service de vaisselle avait fait grand bruit à l’époque – est un exemple de complémentarité formelle. Individuellement , les assiettes ne forment aucune image si ce n’est une composition graphique abstraite, alternance de formes géométriques plus ou moins complexes et de tracés, mais une fois mises côte à côte elles font apparaître le plan de l’Élysée. 

Si la complémentarité visuelle nous fait quitter le champ formel de l’objet, elle n’est pas pour autant absente du design produit. Elle peut notamment permettre au·à le·la designer produit de jouer avec les limites formelles d’un objet, soit en les accentuant, si la complémentarité visuelle se met au service de la forme, ou au contraire en les estompant, la troublant, faisant se concentrer l’usager sur un ensemble visuel affranchi.

3. Complémentarité sémiotique

Enfin, il y a pour nous une complémentarité sémantique et sémiotique qui accompagne, crée ou dépasse les deux premières. Celle-ci relie plusieurs éléments sans liens rationnels apparents par un discours, un geste ou un signe qui peuvent expliquer ou exprimer la complémentarité. L’artefact créé est vecteur d’un message, que l’auteur·ice choisit de mettre en avant ou que le·la spectateur aura tiré de son interprétation. 

Dans Festina Lente, la complémentarité entre l’ammonite et le mégaphone n’est pas uniquement formelle, car tout autre objet ayant une forme similaire aurait pu être disposé à la place de l’un ou de l’autre. Les deux éléments se complètent au niveau du sens : l’artiste nous explique que l’ammonite est un fossile, qui renvoie au silence, au passé, s’opposant ainsi au bruit et au présent que renvoie le mégaphone, qui est un objet contemporain. Son discours renforce donc la complémentarité de l’œuvre, la singularise. Dans Noyau du monde, les deux pierres sont issues de deux endroits éloignés du monde, les États-Unis et la Namibie. Sans le geste de l’artiste ces deux pierres n’auraient jamais été mises en lien, a priori jamais complétées de la sorte : nous le remarquons grâce aux moulages en plâtre des mains de l’artiste qui les tiennent et les montrent au·à la spectateur·ice. Ces mains sont d’ailleurs plus grandes que les pierres, ce qui questionne l’importance – prédominante – du geste de l’artiste. 

Un autre exemple marquant dans l’exposition sont les œuvres Apocalypse et Histoire, deux pales d’hélicoptère désassemblées auxquelles sont ajoutés dans leur prolongement une baguette de chef d’orchestre pour la première et un crayon de papier pour l’autre. Les deux œuvres sont positionnées face à face sur deux murs. S’il peut être facilement compris qu’elles se répondent, leur complémentarité propre n’est pas évidente. La baguette du chef d’orchestre donne le tempo de la musique, associée directement au temps tandis que le crayon d’architecte esquisse les dimensions de l’espace. Quels liens entre ces instruments de mesure et des pales d’hélicoptères ? Le souvenir de la rotation des pales, non sans faire écho à la force centrifuge d’un cyclone, les font devenir elles aussi, une fois démantelées, des outils de mesure, aiguilles d’une horloge, d’un métronome.

Apocalypse, Évariste RICHER, 2023 ; Crédit photo : Louis DANET

Histoire, Évariste RICHER, 2023 ; Crédit photo : Louis DANET

Cette complémentarité, quelque peu plus ésotérique, est davantage laissée libre à l’interprétation du·de la spectateur·ice. La complémentarité sémantique et sémiotique peut paradoxalement être basée sur un contraste. Les matériaux employés en design produit, outre leurs propriétés techniques, peuvent avoir une plasticité différentes qui renvoient à des milieux parfois opposés. C’est le cas d’objets dont certains éléments renvoient dans leur essence ou leur procédé de mise en forme à l’industrie, l’artificiel, quand d’autres, parfois laissés plus bruts, renvoient plutôt – non sans une certaine naïveté – à l’artisanat, au “naturel”. Cela peut avoir pour but de créer un équilibre dans l’objet, une complémentarité, ou un déséquilibre, un duel, selon le message, critique ou non, du·de la designer.


Il existe ainsi dans les œuvres d’Evariste RICHER et dans le design produit plusieurs formes de complémentarités. La complémentarité formelle, visuelle, sémantique et sémiotique qui peuvent respectivement permettre de répondre à un besoin technique d’assemblage, un besoin humain d’harmonie et qui peuvent servir un geste ou un discours.

Les œuvres citées de cette exposition présentent toutes des complémentarités. Celles-ci peuvent aussi à leur tour, et c’est certainement le cas de le dire, se compléter entre elles. Mais si le caractère “complet”, au sens technique du terme, est essentiel en design produit pour que l’objet assure correctement sa fonction, quelle est son importance dans l’art ? Elles participent sûrement au fait que l’on retienne une œuvre ou une anecdote, que ce soit parce qu’elles nous satisfont, nous amusent ou parce qu’elles nous laissent sceptiques. Mais l’œuvre d’art ne cherche pas forcément à être interprétée d’une seule manière invitant au contraire à ce que chacun·e en ait sa propre vision. Finalement, une œuvre d’art doit-elle forcément être complète ?

L.DANET, O.PANNE, M.VANHECKE – 2024