Archive de septembre 2019

Les coulisses en images

mercredi 25 septembre 2019

Seulgi Lee a réalisé plusieurs montages photographiques de ses résidences (en Corée, au Mexique et au Maroc) qui présentent l’environnement et les étapes de fabrication de différentes pièces de son exposition à La Criée (un grand merci à elle) :

Ci-dessus, les étapes de fabrication des couvertures U (sources d’inspiration et collaboration avec Sukhee Chung et Seungyong Cho (Tongyeong, Corée du Sud).

Ci-dessous, les étapes de fabrication de W et des vanneries en feuilles de palmier avec la coopérative des vannières Xula (Santa Maria Ixcatlan, Mexique) :

W_coulisses

Étapes de fabrication de Machruk en collaboration avec Aïcha Lakhal (Ain Bouchrik du Rif, Maroc) :

Machruk_coulisses

KUNDARI, Gargantua et la Bretagne

vendredi 20 septembre 2019

Les oeuvres de Seulgi Lee tendent de rendre visibles le liens entre artisanat et culture orale. Ses objets sont inspirés ou traduisent certains mythes, récits, contes ou chansons.

L’ensemble KUNDARI, un mot inventé par l’artiste, lui a été inspiré par le conte populaire Gargantua. Ce géant régnant en Utopie se serait déplacé d’est en ouest suivant la course du soleil. Natif de Plévenon, le célèbre personnage de Rabelais aurait laissé sa trace dans de multiples lieux de Bretagne: quand lui a pris l’envie de visiter Rennes, il passa par Matignon et Plancoët pour faire halte à Dinan. Et si Gargantua avait été une femme ? En contre-point de cette démesure masculine, Seulgi Lee pose à même le sol les KUNDARI, de grands stabiles en métal peint, des formes abstraites et géométriques représentant des sexes féminins géants.

Gargantua fut écrit par François Rabelais en 1534. Le nom de ce géant est aujourd’hui passé dans le langage courant pour désigner un appétit énorme et insatiable, dit « gargantuesque ». A sa naissance, Gargantua ne pleura pas comme n’importe quel nouveau-né, mais réclama « à boire, à boire ! », si bien que Grandgousier, son père, l’entendant s’époumoner ainsi s’écria « quel grand tu as », sous-entendu « gosier », et qu’il devint donc Gargantua (quel grand tu as). Il fallut plusieurs vaches pour rassasier sa soif.

Sous forme de chroniques en prose et en vieux français Rabelais explore le registre du conte autant que celui du portrait satirique. Une verve populaire s’y exprime joyeusement et Rabelais ne manque pas d’user de jurons ou obscénités. Ce ton lui permet d’exprimer sa philosophie en toute liberté malgré la censure et les guerres de religion propres à l’époque de François Ier. On peut ainsi lire à travers le roman, l’idéal d’une éducation où se mêlent hygiène, sport et savoir, au fil d’aventures comiques et magnifiques, de guerres en ripailles sans oublier le plaisir puisque le géant a grand besoin d’assouvir ses besoins sexuels et alimentaires.

Le trajet de Gargantua en Bretagne:

En passant à Languédias, Gargantua avale des pierres sonnantes qu’il vomira plus loin, incommodé par l’odeur du poisson au Guildo. Il crée ainsi le rocher de la Héronnière à l’embouchure de l’Arguenon et les pierres sonnantes de la Goule d’enfer. Ainsi une multitude de rochers seraient là de son fait, tantôt jetés, tantôt vomis, tels les pointes de la Garde et du Bé, le rocher du Bécrond et celui du Canevet, ainsi que les deux feuillatres. Toujours sur la côte de Saint-Malo à Erquy, il lance la Basse à Chiambrée et le Petit et le Grand Bourdineau. L’Amas du Cap au large du Cap Fréhel provient d’un caillou qui le gênait dans sa chaussure. Il crée aussi le rocher de la Latte d’un coup de pied et plante son bâton près du fort, un menhir de près de 3 mètres. Sur la route de Saint-Malo, en repensant à l’odeur du poisson qui séchait à Saint-Jacut-de-la-mer, il vomit l’île d’Agot, Neput et la pointe du Décollé. C’est après avoir mangé et bien bu, qu’il rejette le Grand-Bé et le Petit-Bé dans la rade de Saint-Malo. Un autre gravier dans sa chaussure devint le rocher de Cancale. D’un coup de pied, il fait naitre l’Anse de Mordreuc et on trouve une de ses dents à la pointe de Garot, et une autre à Saint-Suliac. Il plante sa canne dans la baie de la Fresnaye créant le rocher Calenfri, le menhir de Saint-Samson lui servait de pierre à aiguiser. Il est aussi à l’origine de l’étang de Jugon, et donc de l’Arguenon, mais aussi du Frémur. C’est à Plévenon qu’on trouve l’empreinte de ses pieds près de Fort la Latte, ainsi qu’au bois de Meurtel. On raconte qu’il arracha une forêt créant ainsi la baie de la Fresnaye afin de se faire construire un gigantesque navire. Il aurait même trouvé l’amour sous les traits d’une fée des eaux de la Rance.

sources : François Genevrier, Territoires des légendes de Gargantua, bio-scene.org  

Bibliographie Seulgi Lee

vendredi 20 septembre 2019

Publications Seulgi Lee :
DAMASESE, Gallery Hyundai, 2018
Seulgi Lee, livre d’artiste fait à la main
Intense proximité : Une anthologie du proche et du lointain, La Triennale 2012, CNAP-Palais de Tokyo
Idem, Seulgi Lee, Centre d’art contemporain de la ferme du Buisson, 2009

Magazines
Wallpaper, avril 2019
Korea now ! Musée des arts décoratifs, Paris, 2016
Parisprojectroom, 2002

Autour de la chanson
Anciennes complaintes de Bretagne, Françoise Morvan, Editions Ouest-France 2010
Histoire de la chanson populaire bretonne, Patrick Malrieu
Chansons malicieuses chansons licencieuses, Pierre Chevrier, Dastum
Mythologie des Deux-Sèvre, Guy Pillard
Chansons populaires du Poitou-Charentes Vendée, Claude Ribouillault
Bestiaire poitevin, Foyer rural de Saint-Loup Lamairé

Anthropologie, art, artisanat
Marcher avec les dragons, Tim Ingold, Zones sensibles, 2013
Lettres mortes : Essai d’anthropologie inversée, Pierre Déléage, Fayard, 2017
Le chant de l’Anaconda, Pierre Déléage, 2012
Le langage de la déesse, Marija Gimbutas, Editions des Femmes (11 mai 2006)
Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique, Benjamin Péret, bibliothèque Albin Michel
Éloge du carburateur, Matthew Crawford, Editions La Découverte

La mémoire du geste : La poterie domestique et féminine du Rif marocain, André Bazzana
L’artisanat créateur : Maroc, Etel Adnan
La poterie féminine au Maroc, Berrada Hammad
Artes de Mexico No38/1997 , Cesteria

To weave and sing : Art, symbol, and narrative in the South American Rain Forest, David M.Guss
Guimé, cérémonie de l’île de Jéju
Korean Shamanistic Rituals, Jung-Young Lee
Cahiers d’Extrême-Asie : Chamanisme coréen

Bibliographie jeunesse
Au lit! Louise-marie Cumont, éditions Mémo, 2009
Orphée, Yvan Pommaux, l’Ecole des loisirs, 2004

U : Mon nez est long de trois pieds

vendredi 20 septembre 2019

Mon nez est long de trois pied
= J’ai tellement de problèmes que je ne peux pas prendre soin des autres.

Dans l’exposition Le plus tôt c’est deux jours mieux, Seulgi Lee expose six couvertures de l’ensemble U, dont les compositions géométriques et colorées interprètent des proverbes coréens.

Un proverbe est une formule langagière de portée générale contenant une morale, une expression de sagesse populaire ou une vérité tirée d’une expérience que l’on juge utile de rappeler. Un proverbe n’est pas attribué à un auteur, il est souvent très ancien, d’origine populaire et par conséquent de transmission orale.

Les images ou métaphores employées en coréen possèdent le plus souvent un équivalent français :

  • U : Mon nez est long de trois pieds = J’ai tellement de problèmes que je ne peux pas prendre soin des autres

« Ne pas voir plus loin que le bout de son nez »

  • U : Lécher l’extérieur de la pastèque = Bâcler, vouloir aller trop vite

« Mettre la charrue avant les bœufs »

  • U : Même la sandale en paille trouve sa paire = Une âme sÅ“ur existe pour chacun.e

« Chaque pot a son couvercle » ou « Trouver chaussure à son pied »

  • U : Une grenouille au fond d’un puits = Un esprit étroit

« Avoir la tête près du bonnet » ou « Lorsque le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt  »

  • U : Réparer l’étable après avoir perdu la vache = Trop tard

 » Mieux vaut prévenir que guérir »

  • U : Mots coulent comme de l’eau, rampent comme un insecte = Rumeur

« Un bruit qui court »

  • U : La parole aux lèvres salivées = Mensonge

« Dire la vérité du bout des lèvres »

 

Les couvertures Nubi

vendredi 20 septembre 2019

Les couvertures Nubi étaient très répandues dans les foyers coréens jusque dans les années 1980. Dans un souci pratique, la partie centrale, autrefois cousue de figures symboliques d’animaux en fil de soie, se détachait afin de pouvoir laver la couverture. Dans les années 1980 de simples bandes de couleur ornaient cette partie centrale. La couverture Nubi est fabriquée à la main, selon la technique de matelassage « Tonyeong Nu » équivalent du Sashiko japonais, du Boutis provençal ou encore du Piqué marseillais. Celle-ci permet de garder la chaleur tout en s’aérant grâce au relief créé par le rembourrage de coton surpiqué, la structure du tissu étant ainsi renforcée.

ci-dessus une couverture Nubi traditionnelle

Depuis 2014, Seulgi Lee travaille à la création de l’ensemble « U »en collaboration avec des artisans de Tongyeong – ville portuaire située à l’extrême sud de la Corée qui a donné son nom aux couvertures- . La particularité de la technique Tongyeong Nubi réside dans le fait que le tissu est cousu à la machine ligne par ligne. Les soies colorées de l’ensemble « U » prennent ainsi un léger relief qui réfléchit la lumière. Chaque couverture raconte un proverbe. Seulgi Lee les a choisis pour leur puissance d’évocation et leur humour. Elles les a traduits en différentes compositions colorées abstraites, dont les symétries sont liées à la particularité du format de la couverture. Cependant, son dessin influe aussi parfois sur la forme, pour exemple, le tracé d’un arc-de-cercle a récemment donné lieu à l’invention d’un nouveau type de couture en lignes courbes transformant ainsi la technique de confection traditionnelle.

Les couvertures de l’ensemble U sont considérées par Seulgi lee comme des « sculptures votives » qui mêlent le tangible et l’invisible. Dans un usage quotidien, elles imprègnent les rêves du dormeur d’un imaginaire collectif. « Celui qui dort sous cette couverture peut rêver au proverbe et tourner comme une boussole ».

De gauche à droite :
U : Mon nez est long de trois pieds. = J’ai tellement de problèmes que je ne peux pas prendre soin des autres
U : Même la sandale en paille trouve sa paire. = Une âme sœur existe pour chacun·e.
U : Réparer l’étable après avoir perdu la vache.= Trop tard.