Archive de juin 2017

Stéréotype

mercredi 21 juin 2017
Moulage d’une composition typographique par stéréotypie
Photographie de Roger et Renate Rössing, 1953

Stéréotype

À La Criée, Julien Bismuth expose une partie de sa Collection de stéréotypes pour clichés qui représentent pour lui des « objets insolites, liés à une histoire lexicale fascinante ». Ses planches en pulpe de papier sont accompagnées d’un cartel : « Le mot stéréotype désignait à l’origine une matrice d’imprimerie stable faite à partir d’une composition de caractères d’impression amovibles. Ce moule était fait en plâtre ou en papier. Un cliché était une plaque en métal en relief fait à partir d’un stéréotype. Stéréotype est dérivé des mots grec stereos (ferme, dur, solide) et tupos (empreinte, marque). Cliché est une onomatopée qui exprime bruit de la matrice s’abattant sur le métal en fusion. Ces mots ont ensuite tous deux signifié un texte figé ou pétrifié, avant d’acquérir leurs sens respectifs actuels ».

Petite histoire du stéréotype

L’invention de la stéréotypie est attribuée à l’Écossais William Ged en 1725. La stéréotypie est née de la nécessité d’imprimer vite et en grandes quantités. Cette technique d’impression typographique est obtenue par moulage, en recouvrant le relief d’une page de plâtre fin, d’argile, de sable ou de papier. On versait ensuite dans ce moule un alliage plomb-antimoine à faible température pour produire un « cliché ». Cette technique permettait alors de multiplier les impressions d’un texte, d’une image ou d’une composition (tels des journaux ou affiches de film).
La stéréotypie trouve son apogée au XXe siècle. Les journaux sont imprimés sur des presses rotatives, ce qui implique des compositions cintrées sur un cylindre. Les stéréotypes sont alors moulés avec des « flans », feuilles de matière souple prenant l’empreinte de la composition.
En impression typographique, la forme traditionnelle est toujours utilisée, soit avec les caractères mobiles composés, soit à la main ou avec des Linotypes pour le texte courant, des titreuses mécaniques telle la Ludlow Typograph ou des clichés pour les images, photographies et publicités. Avec l’apparition et le développement de l’offset, le « cliché » a perdu son utilité. L’objet physique en métal et en bois a été remplacé par des films photographiques, puis par des fichiers numériques.

Le cliché en relief demeure nécessaire dans certains modes d’impression qui subsistent, comme la flexographie, mais aussi les disciplines annexes comme la reliure, et tout ce qui demande une impression en relief (timbrage, embossage). L’impression typographique connait un renouveau (letterpress) avec de petits tirages de luxe qui utilisent des clichés en photopolymère.

Évolution des mots

La stéréotypie, utilisée pour les impressions massives, était faite rapidement et sujette à l’usure, ce qui dégradait sa qualité. Aussi le terme est devenu rapidement péjoratif. Au même titre que le « cliché », le « stéréotype » est employé couramment dans le langage de la sociologie pour désigner les « idées toutes faites » ou de la psychiatrie pour désigner des attitudes répétitives (stéréotypie rythmique). La première utilisation du mot « stéréotype » au sens d’une écriture figée, rigide, est attribuée au journaliste Walter Lippman dans l’ouvrage Public Opinion en 1922.

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Sources :

Wikipédia, Stéréotypie ;
Delon Charles, Histoire d’un livre, Paris, Hachette, 1884 (extrait consultable sur : http://www.textesrares.com/delon188ste.htm) ;
Lippmann Walter, Public Opinion, Nu Vision Publications, LLC, 2007

L’édition stéréotype

 

La collection

mercredi 21 juin 2017
Frontispice de Musei Wormiani Historia montrant l’intérieur du cabinet de curiosités de Worm

D’après le dictionnaire Larousse la collection est « la réunion d’objets choisis pour leur beauté, leur rareté, leur caractère curieux, leur valeur documentaire ou leur prix ». À La Criée centre d’art contemporain, Julien Bismuth choisit de nous présenter deux collections.

L’intérêt pour la collecte d’objets se manifeste dès l’Antiquité : En Égypte, des trésors funéraires sont entreposés dans les tombes afin d’assurer le passage dans l’Au-delà. À la Renaissance, des cabinets de curiosité se mettent en place. Ils regroupent des éléments de la nature, des peintures, sculptures ou objets scientifiques comme c’est le cas pour le cabinet d’Olaus Worm (1588-1664).

À partir de 1791, après la Révolution, les collections royales sont transférées dans les musées. Apparaissent alors le Musée du Louvre et le Muséum d’Histoire Naturelle puis les différents Musées des Beaux-Arts, notamment celui de Rennes. Plus tard, l’État constitue aussi des collections dédiées à l’art contemporain comme le FNAC et le FRAC ensuite.

Outre les collections d’œuvres d’art constituées par des institutions, certains particuliers continuent aujourd’hui d’accumuler des objets variés et originaux. Pourquoi ? Parce qu’ils aiment cette action; pour observer, comparer et étudier les objets qu’ils amassent et tenter ainsi de comprendre le monde qui les entoure. Faire une collection c’est avant tout raconter une histoire. Une collection et ses règles de fonctionnement sont personnelles. Chacun a ses raisons et sa façon de fonctionner et chacun choisit ce qu’il collectionne. Des moulins à cafés, des cailloux, des tickets de métro… On peut également collectionner autre chose que des objets, par exemple: des rêves,  des sons, des images…

Julien Bismuth, pour l’exposition Sibyl Sybil, nous montre ses trésors trouvés, achetés, produits aussi, par hasard ou par accident. On trouve par exemples des Collections de stéréotypes pour clichés qui sont des matrices d’impression typographique en papier ainsi que La collection des bricoles venant de différents horizons. Ces objets sont pour lui une source d’inspiration implicite qu’il nous dévoile de manière volontairement partielle. Ainsi, la collection de l’artiste est un moyen de s’interroger sur l’origine, l’histoire et le vécu de ces objets, tel un archéologue.

L’art de la performance

mercredi 21 juin 2017

 

Depuis 1960, une forme d’œuvre d’art s’est peu à peu imposée sur la scène artistique contemporaine: la performance. Elle consiste en une réalisation « en direct » d’une œuvre par un artiste devant un public ou non. À mi-chemin entre le théâtre, la danse, la musique ou bien la poésie et les arts plastiques, cette action permet à un artiste d’expérimenter le corps en action ou en situation ou avec des objets.

Le geste est au centre de l’esthétique de la performance et induit des questionnements quant à sa trace. En effet, la performance est parfois filmée ou bien photographiée mais elle peut aussi être évoquée par le biais de l’exposition d’objets témoins, comme c’est le cas dans l’œuvre de Julien Bismuth présentée à La Criée.

Avant lui, de nombreux artistes se sont tournés vers cette pratique transdisciplinaire avec l’idée de bouleverser les codes traditionnels de la représentation. Des figures tutélaires comme John Cage ou encore Robert Rauschenberg se sont essayés à l’improvisation lors de happenings. Plus tard, Dan Graham par exemple, désoriente le spectateur grâce à des jeux de miroirs et de vidéos. Les mouvements féministes lient aussi les arts plastiques et les arts vivants dans des actions parfois provocantes comme c’est le cas d’Adrian Piper. À La Criée également, des artistes ont participé à cette histoire de la performance: Latifa Laâbissi en 2007 puis Olga Kisseleva en 2011. Ces exemples témoignent du fait que l’art de la performance s’inscrit dans une généalogie large et complexe et sa définition s’en trouve ainsi insaisissable.

Aujourd’hui, Julien Bismuth traverse à son tour les frontières entre les disciplines artistiques. Il propose à la fois des traces de performances passées ou récentes et des performances à venir où il expérimentera l’écriture improvisée.

sources : Art Press n° 331, février 2007. Dossier performance / Numéros spéciaux Art Press 2 n°7, novembre-décembre-janvier 2008, Performances contemporaines, et n°18, 2 août-septembre-octobre 2010, Performances contemporaines.

 

Robert Morris

mardi 20 juin 2017
Julien Bismuth, A Thought, 2013, Bois, peinture, 100 x 4 x 4 cm

 

L’œuvre A Thought créée par Julien Bismuth en 2013 et présentée dans l’exposition Sibyl Sybil questionne la relation qui se tisse entre l’œuvre, sa présentation dans l’espace et la vision qu’on en a. Car, quotidiennement, le tasseau de bois peint en blanc posé contre un mur est tourné, toujours dans la même direction. Par conséquent, il se déplace lentement, d’un quart de tour par jour, le long du mur, ce qui modifie constamment notre perception de l’œuvre. Julien Bismuth avait déjà travaillé sur ces questions de présentation et de perception lors de sa performance L comme litote, prenant place en 2010 à l’IAC de Villeurbanne et en 2015 au Palais de Tokyo à Paris. Lors de celle-ci, des performeurs manipulaient des répliques des L-Beams (1965) de Robert Morris, les composant et les recomposant dans une séquence improvisée d’agencements, influant sur leur présentation, orientation et désinence. L’œuvre rendait donc hommage au principe de l’œuvre de Robert Morris selon lequel une même forme peut être perçue différemment dans l’espace en fonction de son positionnement.

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Robert Morris
Né en 1931 à Kansas City (États-Unis)

Après des études aux beaux-arts, Robert Morris commence sa carrière artistique dans les années 1950 en tant que peintre, pratiquant un style inspiré de Pollock. C’est au début des années 1960, qu’il commence à réaliser des objets interrogeant la perception des formes dans l’espace, dans un sens très proche de ce qu’on appellera l’Art minimal. Il participe aussi à des performances, s’intéresse à la musique et à la danse, et reprend des études en histoire de l’art qui le conduisent à la rédaction d’une thèse sur Brancusi en 1966.

A cette époque, il réalise, entre autres, ses L-Beams (1965, reconstruite en 1969), une œuvre qui révèle les différentes manières de percevoir une forme selon le point de vue que l’on a sur elle. Car, pour Robert Morris, la signification d’une œuvre dépend plus de sa relation à l’espace environnant et de l’expérience qu’en fait le spectateur que de sa forme. Ainsi, « peu importe que nous comprenions parfaitement que les trois L sont identiques ; il est impossible de les percevoir […] comme étant réellement pareils. L’expérience différente qui est faite de chaque forme dépend à l’évidence de l’orientation des L dans l’espace qu’ils partagent avec notre propre corps. »

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Sources :
http://www.julienbismuth.com/l-comme-litote-2010/
http://www.julienbismuth.com/a-thought-3/
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-antiforme/ENS-antiforme.htm
Rosalind Krauss, « Sense and Sensibility : Reflection on Post ‘60s Sculpture », Artforum, n° 12, novembre 1973, p. 43-52.

 

 

 

Qui est Sibylle ?

mardi 13 juin 2017
La Sybille de Cumes, Michel-Ange, Chapelle Sixtine.

Dans la mythologie grecque, la sibylle est une prophétesse qui communique le plus souvent ses prophéties par écrit et qui se prononce à travers des textes énigmatiques, dits “sibyllins.”

Les sibylles sont des femmes ayant reçu d’Apollon ce don de prophétie. Au contraire de la Pythie de Delphes, elles sont indépendantes et exercent leur art dans diverses régions du monde gréco-latin.

Au Ier siècle av. J.C. on compte douze sibylles, dont la plus connue est celle de Cumes, près de Naples.

La sibylle donne une divination occasionnelle, indépendante, nomade.

La sibylle parle à la première personne et revendique le caractère indépendant de ses réponses.

La sibylle est une femme d’age mûr, sinon vieille.

Selon Héraclite, la sibylle « dit l’avenir d’une bouche délirante » au sens où la signification ambiguë de son message nécessite la possession de clés de compréhension ou de capacités de décryptage.

La multiplication des possibles interprétations de leurs prophéties les mettaient à l’abri de toute contestation ultérieure.

Pour exemple  : « Ibis redibis non morieris in bello », prophétie adressée à un soldat.

Si une virgule est placée avant le « non », la phrase devient «Tu iras, tu reviendras, tu ne mourras pas en guerre »,

Si la virgule est placée après le « non », la phrase devient « Tu iras, tu ne reviendras pas, tu mourras en guerre »