Art Is Magic

jeudi 1 juin 2023

À l’occasion d’EXPORAMA et en écho à l’exposition Forever Sixties de la collection Pinault, La Criée, le Frac Bretagne et le Musée des beaux-arts présentent Art Is Magic, une exposition rétrospective de l’artiste britannique Jeremy Deller. Héritier du Pop Art, son travail se déploie sous diverses formes : installations, vidéos, affiches, performances ou objets du quotidien, souvent diffusés hors des espaces dédiés à l’art.

La Criée accueille l’installation Warning Graphic Content (Attention ! Contenu graphique / explicite). Celle-ci présente sur des murs colorés, plus d’une centaine d’œuvres imprimées et affiches de Jeremy Deller, réalisées ces trente dernières années. Conçues pour la rue, elles arborent des textes et visuels qui nous interpellent sur l’histoire sociale et politique du Royaume-Uni, la musique depuis les années 1960 ou les légendes de la culture pop, avec un sens poétique de l’absurde.

L’exposition présente également deux vidéos : Beyond the White Walls, un diaporama d’images commentées oralement par Jeremy Deller, où il évoque plusieurs de ses performances menées avec divers collectifs dans des lieux publics en Europe, entre 1995 et 2010. Dans la petite salle, vous pourrez découvrir l’artiste dans son exposition au Modern Institute de Glasgow en 2021. L’artiste commente quelques-unes de ses affiches de l’installation Warning Graphic Content.

Jeremy Deller aime faire des cadeaux aux publics « car ça va à l’encontre de l’idée dominante que l’art soit onéreux et réservé à une certaine élite »*. Des centaines d’affiches de l’artiste sont ainsi accessibles et proposées gratuitement aux visiteur.ses sur site.

* Jeremy Deller, entretien avec Daniel Scott, in Art Is Magic, éd. Frac Bretagne, La Criée centre d’art contemporain, Musée des beaux-arts de Rennes, Rennes, 2023, p. 151

 

Grand Air

vendredi 13 janvier 2023

Grand Air est une exposition de l’artiste suisse Judith Kakon présentée du 4 février au 14 mai 2023 à La Criée centre d’art contemporain.

Judith Kakon expose, juste après les fêtes, une partie des lumières de Noël de la Ville de Rennes. Elles sont présentées en sommeil, c’est-à-dire éteintes et rangées sur des supports en métal. Ces derniers, inspirés des racks de rangement d’entrepôts, sont conçus par l’artiste comme des artefacts entre sculptures et objets utilitaires. Déplacés de leur contexte habituel, les objets du patrimoine urbain nous apparaissent sous un jour nouveau. Ici ce n’est pas l’art qui sort de ses murs pour occuper l’espace public, mais les rues du centre-ville qui s’infiltrent dans l’espace d’exposition. Grand Air floute ainsi les frontières entre réserve et galerie, mais aussi entre l’intérieur et l’extérieur, entre le beau et l’utile.

Judith Kakon présente également une série d’œuvres sur papier qui rendent compte de ses préoccupations : la transformation d’un objet quotidien, d’une forme ou d’un motif standardisé (un parapluie, l’étiquette d’un colis postal, une publicité…) en un objet artistique unique.

Commissariat : Claire Hoffmann et Sophie Kaplan

Fantaisies

jeudi 17 novembre 2022

Invitée dans le cadre de la commande publique de la ligne B du métro (station Gros-Chênes), Isabelle Arthuis projette la création d’une série d’affiches dans l’espace public et une exposition qui inaugurera le nouveau site du Musée des beaux-arts à Maurepas.

Le projet « Fantaisies » propose d’explorer les tableaux du Musée des beaux-arts de Rennes, afin d’identifier des personnages, des décors, des lieux, des objets ou des actions qui constitueront la matière pour réaliser des photographies, à la fois personnelles et collectives avec des groupes d’habitants de Maurepas.

Mime

jeudi 17 septembre 2020

Mime est la quatrième exposition du cycle Lili, la rozell et le marimba (2019-2022) qui interroge les relations entre savoirs populaires, productions locales et création contemporaine.

Mathis Collins expose un ensemble de tableaux en bois rehaussés de couleurs, peuplés de figures qui renvoient à la naissance des arts forains, au conflit historique entre la Comédie-Française et la commedia dell’arte, à l’imagerie des carnavals, des cafés de Montmartre ou des théâtres de rue. Il se met en scène sous les traits caricaturaux d’un artiste policier coiffé d’un bicorne, le chapeau du gendarme comme du Polichinelle au XVIIIe siècle.

Mathis Collins interroge dans sa pratique les valeurs de l’éducation artistique et les signes d’autorité. Il invite son père, Paul Collins, artiste, musicien et enseignant en école d’art, à nouer un dialogue et une collaboration autour d’une nouvelle série de peintures. Ses toiles reproduisent des pages de livres, guides, manuels et revues qui ont marqué sa formation artistique. Paul Collins livre à La Criée un cheminement personnel au sein d’une culture visuelle collective.

Cliquez sur les images pour découvrir les retours de visites (dans les Correspondants), les différentes sources et inspirations des artistes (dans les Ressources) et les propositions d’atelier (dans La Fabrique).

De paroles en paraboles, on se sert

lundi 2 mars 2020

De paroles en paraboles, on se sert, Amadou Sanogo du 26 mai au 30 août 2020

Né en 1977 au Mali, Amadou Sanogo réalise des peintures avec de grandes figures bordées d’aplats colorés ou composés de motifs répétitifs. Sa pratique s’ancre dans la culture traditionnelle de Ségou, tout en étant en prise avec l’actualité et sa vie quotidienne à Bamako.

Dans le cadre de son exposition à La Criée centre d’art contemporain, Amadou Sanogo présente un ensemble de treize toiles grands formats spécialement réalisées pour l’occasion et inspirées de proverbes bambaras. Ces peintures sont l’écho du quotidien de l’artiste, qu’il s’agisse d’interrogations ou événements personnels ou liés à l’actualité sociale, politique, économique et culturelle. Elles sont des paroles de sagesse en images.

Pour préparer ou prolonger votre visite

Les Correspondants : découvrez ici quelques productions d’ateliers et les retours des participants aux jumelages Correspondances.

Les Ressources pédagogiques : pour en savoir plus sur les œuvres, l’artiste et ses sources d’inspirations. Vous trouverez une interview d’Amadou Sanogo, sa biographie, un abécédaire de l’exposition, une bibliographie jeunesse, un livret-jeux à télécharger, un dossier pédagogique « A pieds d’œuvres », une playlist de musiques du Mali, des articles thématiques sur l’histoire du mali, la technique du bogolan, etc.

Pour accéder aux articles, il suffit d’un clic sur les images !

 

L’Œuf pondu deux fois

lundi 2 décembre 2019

Intitulée L’Œuf pondu deux fois, l’exposition d’Éléonore Saintagnan à La Criée centre d’art contemporain rassemble une sélection de films, présentés dans des cabanes construites à partir de techniques et de matériaux glanés aux alentours. Des objets, jeux et poteries fabriqués par l’artiste, complètent cet ensemble.

Le titre de l’exposition est emprunté à un roman de Richard Brautigan dans lequel l’écrivain dresse une liste de livres jamais publiés, que le personnage principal recueille dans une bibliothèque dont il est le gardien*. L’Œuf pondu deux fois, est l’un de ces livres. Pour Béatrice Quinn Porter, son auteure, « [il est] la quintessence de toute la sagesse et la philosophie qu’elle [a] acquises en vingt-six ans passés à s’occuper d’un élevage de poules, à San José »*. Éléonore Saintagnan avait déjà utilisé le titre d’un des livres imaginaires de ce roman pour sa première exposition monographique, Dieu et la Stéréo. Selon elle, les personnages de ses films sont un peu comme les auteurs de ces livres non publiés.

L’artiste s’est d’abord fait connaître par ses films. Fruits d’un long travail de terrain et d’un art de la rencontre et du partage, ceux-ci imbriquent avec humour et sagacité réalité et fiction, conte et ethnographie, communautés et individus. S’y déroulent des micro-histoires, bien réelles bien que souvent fantaisistes (Les Malchanceux, La grande nouvelle) ou librement inspirées de la réalité (Une fille de Ouessant, Les petites personnes), qui font écho à la grande Histoire. Elle y développe un goût pour l’absurde, mêlé à des saillies d’humour et de dérision, ainsi qu’une tendresse furtivement mélancolique, souvent liée à l’enfance.

Ce goût pour l’absurde, doublé d’un intérêt nouveau pour l’artisanat, se retrouve dans ses objets. Ainsi, elle présente pour la première fois un ensemble de pots qui ont formes de visages et dont les motifs empruntent aux vocabulaires à la fois moderniste et primitiviste, qu’elle métisse avec humour, voire insolence, et élégance. Un tapis de jeu, confectionné par l’artiste en Asie à partir de costumes traditionnels coréens et japonais, permet aux visiteurs d’expérimenter et de réapprendre des jeux folkloriques oubliés.

Une autre expérience proposée aux visiteur·se·s – des cabanes dans lesquelles il faut grimper et s’installer pour regarder les films –, donne à l’exposition un air de campement néolithique et/ou utopique. On retrouve dans ces constructions la volonté de l’artiste de faire avec les mains, mais aussi son art de la rencontre, puisqu’elle a imaginé et réalisé ces cabanes en étroite collaboration avec l’équipe technique de La Criée, des stagiaires et des artisans locaux.

Les œuvres de l’exposition d’Éléonore Saintagnan L’Œuf pondu deux fois sont comme les différentes portes d’entrée ou chapitres d’un récit plurimédia et pluridimensionnel, qui se regarde et s’écoute autant qu’il se pratique. Ce récit serait celui d’une bibliothécaire attachée à nous faire connaître des histoires inconnues, minorées et pourtant riches, épaisses et parfois miraculeuses.

* Richard Brautigan, L’avortement : une histoire romanesque en 1966, 1970 (traduit en 1973 par Georges Renard)

Le plus tôt c’est deux jours mieux

jeudi 29 août 2019

Intitulée LE PLUS TÔT C’EST DEUX JOURS MIEUX, d’après le proverbe breton ’N abretañ ar gwellañ (en français : Le plus tôt c’est toujours mieux), l’exposition de Seulgi Lee à La Criée centre d’art contemporain présente un ensemble d’œuvres nourries de collaborations proches ou lointaines. Elle explore la notion de trope, une figure de style entraînant un changement ou un détournement de sens. L’artiste emprunte la notion de trope à Richard Sennett1. Définissant l’artisanat au‑delà d’un savoir‑faire spécialisé, le sociologue réévalue la contribution fondamentale de celui‑ci au développement des pratiques, mais aussi des théories humaines. L’approche de Richard Sennett trouve un écho dans l’œuvre de Seulgi Lee, qui «travaille depuis quelques années en étroite collaboration avec des artisans, dans une tentative de rendre visible le lien entre l’artisanat et la culture orale »2.

Le titre est le premier trope de l’exposition : l’écart de sens est lié ici à une appréhension décalée du proverbe par l’artiste, qui joue avec humour de son rapport d’étrangeté à la langue française. On retrouve également la figure de style dans l’ensemble d’œuvres U, dont six couvertures sont présentées à La Criée. Sur celles-ci, des compositions géométriques sont réalisées dans la technique traditionnelle du Nubi, chacune figure un proverbe très usité en Corée. Deux détournements se produisent simultanément via le traitement imagé de la langue et la puissance symbolique des dessins. Ainsi, dans Même la sandale en paille trouve sa paire, qui veut dire, une âme sœur existe pour chacun·e (짚신도짝 이있다 se lit en coréen, Jip Sin Do Jjak I It Da), on peut effectivement voir deux sandales dans les ovales en tissus colorés de la couverture qui se superposent légèrement.

L’intérêt pour la transmission orale amène Seulgi Lee à s’intéresser à la culture immatérielle des régions françaises à travers leurs répertoires de chansons traditionnelles. Les deux films présentés dans l’exposition en témoignent. Le premier, intitulé DEPATTURE, proche du documentaire, recueille les chants et témoignages de chanteuses et chanteurs du Poitou, animés par leur goût pour le chant autant que par la défense de leur répertoire. Y fait écho la fiction ÎLE AUX FEMMES, tournée cet été dans le Trégor, dans laquelle deux femmes chantent et dansent dans le crépuscule qui s’épaissit.
L’exposition de Seulgi Lee à La Criée floute les frontières et opère à des glissements multiples de l’artisanat à l’art, de la transmission orale à sa fixation, de l’universel au singulier, de l’immémorial passé au fugace contemporain. L’artiste transforme La Criée par la couleur et réunit pour la première fois des couvertures de Tongyeong, des papiers chamans du mont Gyeryong ou de l’île Jéju en Corée, de la vannerie Ixcatèque du Mexique, de la poterie rifaine du Maroc ou des chants des pays de Gargantua, ponctués par deux grands stabiles en métal peint – représentations abstraites et géantes de sexes féminins. Seulgi Lee propose de plier l’espace de La Criée pour ensuite le déplier lentement afin de faire (re)sortir les lumières du crépuscule.

1 – Richard Sennett, Ce que sait la main : La culture de l’artisanat, Albin Michel, 2010
2 – Seulgi Lee, correspondance avec l’anthropologue Pierre Déléage, 17 juillet 2019

At The Gates

mardi 11 juin 2019

At the Gates met à l’honneur les voix puissantes et singulières d’artistes engagées dans les histoires sociales et la politique de l’intime. Défiant la loi et les institutions, les œuvres se font ici l’écho de la lutte pour l’émancipation des femmes et pour leur droit à disposer de leur corps. La loi Veil de 1975 en France, la révocation historique du huitième amendement de la Constitution et la légalisation de l’avortement en 2018 en Irlande, ainsi que toutes les luttes qui les ont précédées, sont parmi les sources à partir desquelles l’exposition prend corps.

Commissariat

Tessa Giblin, directrice de la Talbot Rice Gallery d’Édimbourg, avec Sophie Kaplan pour l’adaptation à La Criée centre d’art contemporain

Personne, pas même la pluie, n’a de si petites mains

mercredi 20 mars 2019

À l’inquiétude, à la démesure, aux replis qui nous traversent, à cet âge de la terre accéléré, précipité, la nouvelle exposition collective de La Criée centre d’art contemporain répond en proposant une pause, une suspension. Elle le fait avec la candeur oublieuse promise par le jour qui se lève.

Son titre, Personne, pas même la pluie, n’a de si petites mains, est le dernier vers d’un célèbre poème d’amour du poète et peintre américain e. e. cummings, écrit en 1931.

Rassemblant des œuvres qui se caractérisent par une attention à l’invisible, au fugace, Personne, pas même la pluie, n’a de si petites mains oppose à la fureur tapageuse de nos quotidiens la beauté fragile de ce qui pousse et bat lentement.

Comme le poète, qui floute les frontières entre l’humain et la nature en personnifiant la pluie, les œuvres de cette exposition se situent au point de jonction entre artefacts naturels et objets fabriqués, entre sensation et sentiment.

Comme le poète, qui prête des mains à la pluie et inversement, les œuvres rassemblées ici interrogent une distance – au temps, à l’espace, au présent – qui, se mesurant, se réduit ou du moins s’apprivoise.

Comme le poète, qui aime, l’exposition se veut le reflet d’une tendresse, sinon d’un éblouissement.

Et demain nous retournerons au feu.

La forme d’une vague à l’intérieur d’une vague

lundi 14 janvier 2019

Pour sa première exposition personnelle dans un centre d’art en France, l’artiste californien David Horvitz propose une variation et un échange autour de nos perceptions du temps et de l’espace.
Son travail prend forme dans des médias variés, que ceux-ci soient matériels (photographies, livres, performances, sculptures) ou immatériels (interventions sur le web, récits, rumeurs). Héritier des romantiques autant que des conceptuels, il pratique un art du jeu, de la surprise, du rhizome et de la circulation.

À La Criée, David Horvitz choisit un élément de la culture immatérielle bretonne comme matière première de l’œuvre centrale de l’exposition : Berceuse pour un paysage est une installation de quarante cloches tubulaires en laiton, suspendus à la charpente du bâtiment, qui composent les quarante notes de la mélodie traditionnelle Luskellerez Vor (Berceuse de la Mer). Les cloches sont activés à deux occasions par des musiciens professionnels, lors de performances. Le reste du temps, c’est à chaque visiteur de les mettre en musique et d’en proposer une interprétation, à son rythme autant qu’à sa mesure.

La place du·de la visiteur·se est centrale pour David Horvitz, qui se plaît à créer un rapport d’échange avec lui·elle et à l’inclure dans le processus de son œuvre. Ainsi, pour toi, nuage, pluie, rivière, source, mer, océan, lac, neige, rosée, glace, buée, onde, le·la spectateur·rice est invité·e à utiliser librement les tampons encreurs posés sur une table, à proximité d’un tas de feuilles, puis à repartir avec sa composition. De même avec Nostalgia (15 000 photographies numériques, supprimées à La Criée à Rennes, France, entre le 18 janvier et le 10 mars 2019), un diaporama de quinze-mille images issues des archives photographiques de l’artiste. Un programme informatique diffuse chacune d’elle puis la supprime définitivement : nous sommes les seuls à la voir à cet instant et les seuls à la voir disparaître.

Issu d’une pratique nomade, simple et quotidienne, l’art de David Horvitz est également un art du déplacement. Carte de Bretagne un mercredi est un bouquet composé des mêmes fleurs, provenant de différents lieux – électifs – de Bretagne, mais collectées le même jour. Les affiches de Propositions pour horloges sont dispersées dans la ville, s’offrant subrepticement au regard des passants. Temps et espace s’entrecroisent ainsi pour créer une géopoétique, où la subjectivité de l’artiste se mêle à nos imaginaires.

Il y a chez David Horvitz une joie et une simplicité à vivre et à œuvrer, à modeler des idées autant que des formes, à flouter les limites entre art et vie, temps et espace, qui relèvent de l’évidence. De l’échappée aussi.