Archive de mai 2022

Céramiques minoennes

mardi 24 mai 2022

Lors d’un voyage en Crète en 2019, Katia Kameli a visité le musée archéologique d’Héraklion à Cnossos. Elle a observé les terres cuites minoennes et a été saisie par leur « aura mystique » (entretien avec Seulgi Lee dans la Revue n°1 de La Criée centre d’art contemporain, Lili, la rozell et le marimba). Elle s’en est inspirée plus tard pour réaliser les céramiques musicales du Cantique des oiseaux.

La civilisation minoenne est une civilisation antique présente sur les îles de Crète, de Santorin et au Sud de la Grèce, entre 2700 et 1200 avant J.-C. Il y a trois grandes périodes qui marquent l’existence de cette civilisation : les minoens anciens, ou prépalatial (~2600, 2000 avant J.-C.), les minoens moyens, ou protopalatial (~2000, 1600 avant J.-C.), et les minoens récent ou néopalatial (~1600, 1100 avant J.-C.).

L’histoire de la céramique minoenne évolue en même temps que ces trois périodes. Chez les minoens anciens, des nouveaux styles apparaissent après la période du Néolithique. Le style Pyrgos propose des poteries noires ou fumées, le style Agios Onouphrios des poteries peintes et décorées avec de nouvelles formes, ou encore le style Lévina, aux décorations et aux couleurs blanche sur une surface marron.  Chez les minoens anciens et moyens, les styles s’inspirent des anciens.

Pour les céramiques protopalatiale, les avancées technologiques font qu’il est possible de faire des tours plus rapides, ce qui donne des poteries plus fines, dominé par le style à aspérité ou en barbotine.

Le style de Karamès à cette même époque est le style le plus décoratif en terme de peinture. Souvent, on y retrouve la polychromie (présence de couleurs diverses), le thème des végétaux ou encore celui des animaux.

Enfin, à la période néo palatiale, on retrouve la technique du claire sur foncé, mais des décors en relief viennent s’ajouter, ainsi que des formes de vases plus allongées, et de nombreux autres styles. Par exemple, le style plissé est souvent mis en parallèle avec celui de « carapace de tortue » par rapport à sa forme. Toujours dans la représentation des animaux, le style marin pouvait prendre la forme du poulpe.

 

Cruche du site de Kamarès exposé au musée archéologique d’Héraklion

Les ocarinas zoomorphes

mardi 24 mai 2022

Dans son exposition Le Cantique des oiseaux, l’artiste Katia Kameli nous présente des aquarelles et des céramiques musicales, qui représentent les oiseaux protagonistes du texte original d’Attar dont elle s’est inspirée. Pour leur réalisation, elle a puisé dans différentes sources iconographiques, et notamment les ocarinas zoomorphes conservés au MuCEM à Marseille.

Les ocarinas sont des instruments de musiques à vent, implantés dans de nombreuses cultures il y a 12 000 ans (Chine, culture meso-américaine, chez les Incas ou les Mayas). C’est un objet qui possède communément 6 trous, mais il a évolué au fil des siècles.

En s’appuyant sur un article du MuCEM sur les usages du sifflet en terre cuite, nous pouvons relever de nombreux symboles propres à cet objet selon les époques et les sociétés.

Il peut être vu comme l’objet de l’arbitre, de l’agent de circulation, un objet destiné aux enfants, un objet festif ou de manifestation.

Le sifflet a donc plusieurs fonctions, qui diffèrent selon les contextes.

La première fonction est la fonction signalétique, de communication, qui permet de créer un véritable langage. Autre que la céramique, il y a certains sifflets fait en schistes, en vermeille, en ivoire, en pierre fine ou en soufflé de verre pour les familles nobles, en terre cuite pour les plus fragiles, ou en céramique, dont le type sera choisi en fonction de l’objet principal que le sifflet représente. Ou retrouve également des sifflets en grès, faïence ou en métal selon les utilisations.

La fonction cynégétique, relative à la chasse, est une fonction importante puisque l’appeau de chasse imite les cris d’oiseaux ou les bruits de son vol. Ainsi, il est possible que certains ocarinas ou sifflets aient eu une origine utilitaire. Cependant, les sifflets zoomorphes sont peu adaptés pour la chasse dans leur forme, même si ce n’est pas exclu que certains ont pu servir dans ce domaine.

La fonction musicale, n’est pas la fonction première des sifflets en terre cuite par exemple, puisqu’ils permettent de moduler faiblement les intervalles. Il reste considéré comme un instrument de musique populaire. Le lergök est proche de l’ocarina et est un instrument suédois en forme d’oiseau qui dans sa forme actuelle permet de faire de véritables mélodies, même des concerts.

La fonction ludique est importante puisque le rôle de « jouet » du sifflet est un des usages principaux du sifflet en terre cuite de la collection du MuCEM. Il ne s’agit pas d’un usage communicatif car l’enfant joue avant tout pour lui-même.

Enfin dans la fonction rituelle, on retrouve un usage relatif aux oiseaux selon Colette Méchin (ethnologue, chercheuse à l’université de Strasbourg) qui a mis en parallèle la symbolique du coucou, et le sifflet. En effet, le coucou représente la résurrection et le printemps symbolise le passage du bois mort à celui de la vitalité des jeunes branches, c’est aussi à cette période que les sifflets sont confectionnés.

Les sifflets nommés « coucou », qui ne sont pas nécessairement en forme zoomorphe, reproduisent néanmoins son bruit de manière très réaliste.

 

Ocarinas zoomorphes, MuCEM, Marseille FR

Le cantique des oiseaux

mardi 17 mai 2022

L’exposition Le Cantique des oiseaux de Katia Kameli est une libre traduction du recueil de poésie mystique de Farîd od-dîn ‘Attâr, chef d’Å“uvre de la littérature persane et de la spiritualité soufie, écrit vers 1177.

Le texte d’Attâr chante le voyage de milliers d’oiseaux en quête de Sîmorgh, oiseau mythique à la beauté indescriptible, allégorie du Divin. Guidés par la huppe, messagère de Salomon et symbole de la sagesse, ils traversent les sept vallées successives du Désir, de l’Amour, de la Connaissance, de la Plénitude, de l’Unicité, de la Perplexité, du Dénuement et de l’Anéantissement. Au cours de ce voyage initiatique, ils vont devoir abandonner leurs biens, leurs certitudes, leur égo, encouragés par les histoires, contes et digressions de la huppe. Seuls trente oiseaux parviennent à la fin du voyage, mais ils ne trouvent en Sîmorgh que le reflet d’eux-mêmes. En persan, sî morgh signifie littéralement « trente oiseaux ». Les sept vallées symbolisent le cheminement intérieur permettant à chacun de se trouver soi-même.

Le Cantique des oiseaux a fait l’objet de plusieurs traductions en français : d’Henri Gougaud, de Jean-Claude Carrière sous le titre de La Conférence des oiseaux et enfin celle, plus récente, de Leili Anvar[1], à laquelle elle Katia Kameli emprunte son titre. Dans l’avant-propos de la dernière édition du Cantique des oiseaux, Leili Anvar précise que pour aborder ce texte, il faut « oublier ses repères. Accepter le voyage. Se lancer dans l’inconnu, se perdre. […] Prendre son envol, l’envol de l’âme vers des contrées inconnues. Avec humilité.[2] »

Le Cantique des oiseaux est paru aux éditions Diane Selliers en 2012 dans la Collection Textes, et en 2020, dans une version illustrée de peintures d’Islam d’Orient, sous la direction scientifique de Michael Barry.

Voici un lien vidéo pour en savoir plus sur Le Cantique des oiseaux par Leili Anvar :

La quête de l’Autre : « Le cantique des oiseaux » d’Attâr par Leili Anvar – Bing video

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[1] Leili Anvar est maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, traductrice et spécialiste de la littérature mystique et de l’écriture féminine.

[2] Avant-propos de Leili Anvar dans Le Cantique des oiseaux de Farîd od-din ‘Attâr, éditions Diane de Selliers, Paris, 2020, p. 9

biblographie & filmographie jeunesse autour des oiseaux

mardi 17 mai 2022

Bibliographie 

Pour les classes de cycle 1 & 2

Une sélection proposée par Christophe Lucas, conseiller pédagogique départemental en arts visuels à la DSDEN 35

  • Douze oiseaux, Philipe Béha, Renée Robitaille

Voilà douze oiseaux sur un fil qui jouent au téléphone arabe et essaient tant bien que mal de saisir ce qui est véritablement arrivé la nuit dernière.
Une mésange, timide, essaie d’annoncer quelque chose d’important. Son message, mal compris par le premier ami, sera déformé d’oiseaux en oiseaux, jusqu’à ne plus rien vouloir dire.
– Mes saucisses de lion grillées dansent le boogie.
Par quel miracle il sera compris à la fin ? Mystère.
Texte abracadabrant et très drôle. Les enfants adorent déformer les mots et créer des phrases incompréhensibles pour les adultes.

  • Les oiseaux, Marion BILLET

Appuie sur la puce et découvre le cri du coucou, de la mésange, de la pie, du rossignol, du pigeon et du merle.
Un livre sonore et les illustrations fraîches et colorées de Marion Billet.

  • L’oiseau rare, Yanick Villedieu, Sabrina Gendron

Si tous les oiseaux naissent égaux en plumes, la merle Mélodie ne passe pas inaperçue, car elle se voit pousser des feuilles. Un oiseau à feuilles ? La nouvelle se répand de branche en branche. Et dans tous les nids, on ne piaille, gazouille, hulule et babille que de ça.

Quel drôle d’oiseau, cette Mélodie, se disent les mal plumés qui se moquent d’elle, surtout à l’école. Puis, avec ses feuilles, saura t-elle prendre son envol ? Oh que oui ! Grâce à la bienveillance de sa grande amie Ana, d’un professeur érudit, du chat Jaune et de ses parents…

  • Plume, Isabelle Simler

Plume, chat malicieux, aime les oiseaux… et leurs plumes surtout.

Plumes de poule et plumes de chouette…

Plumes de mouette et plumes d’hirondelle…

Quelle est donc la plus belle ?

  • Roiseaux, Sylvain Nallet, Gérald Chagnard, Hélène Perronet, Claire Truche, L’arbre Canapas.

Dans un monde qui va mal, les oiseaux se réunissent à l’appel de la huppe pour partir à la recherche du Roiseaux qui habite à l’autre bout du monde et qui pourrait les sauver. Face à un voyage qui s’annonce long et difficile, seul un petit groupe décide de se lancer dans l’aventure. Les oiseaux traversent des terres inconnues et surmontent de nombreuses épreuves pour mener à bien leur quête. Cette histoire est celle de La Conférence des Oiseaux, poème soufi du XIIème siècle écrit par Farid Al-Din Attar, élément majeur de la littérature persane. Roiseaux est un conte musical invitant à la découverte de l’autre et de soi. À travers des sonorités influencées par le jazz et les musiques du monde, l’histoire est racontée avec des textes, des chansons et des instruments de musique très variés.

Pour les classes de cycle 3

  • Le phare des oiseaux, Michael Morpurgo

Une nuit de tempête, Ben, le gardien du phare de l’île aux Macareux, aperçoit un bateau malmené par les flots déchainés. Il saute dans sa barque pour porter secours aux passagers. Parmi eux, se trouve un petit garçon qui n’est pas près d’oublier qui lui a sauvé la vie.
Ce garçon, c’était moi, Allen, et cette rencontre allait être le début d’une incroyable aventure.

  • L’homme aux oiseaux, Melvin Burgess

 » Oiseaux à vendre !  » Dans l’ambiance du Carnaval, Ivan rencontre un oiselier masqué. A son manteau sont accrochées des cages remplies d’oiseaux colorés et le petit garçon n’a qu’un souhait, les libérer tous. Mais il n’a qu’une pièce à offrir et l’échanger contre un joli rouge-gorge. Tiendra-t-il sa promesse de le laisser s’en voler ?
  • L’île aux oiseaux, Peggy Nille
Volez parmi les colibris, les guêpiers et les huppes faciées… Un voyage mirifique en compagnie d’oiseaux de tous bords, pour s’amuser à les compter, mais aussi comprendre l’importance de préserver leurs habitats naturels… Dans cette histoire, chaque oiseau de la planète fuit sa contrée car il n’y trouve plus de quoi se nourrir. Tous ensemble, ils voyagent avec l’espoir d’une terre meilleure : l’île aux oiseaux. Un album poignant et merveilleusement illustré !
  • Oiseaux, Gerner Jochen
Oiseaux est une volière réunissant près de 200 dessins réalisés par Jochen Gerner entre février 2019 et septembre 2020. Chacun de ces oiseaux a été dessiné au feutre à encre de Chine pigmentée sur des cahiers d’écoliers petit format, originaires de Chine et d’Inde, sur lesquels apparaissent des lignes et carreaux de différentes tailles. Cette série de dessins constitue une expérimentation graphique visant à explorer les potentialités de la trame, la superposition des traits, et l’association d’un nombre réduit de couleurs dans la création des plumages.
En mêlant oiseaux rêvés et réels, cet inventaire interroge les liens entre imaginaire et réalité dans notre vie quotidienne, et nous enseigne que le fantastique se niche le plus souvent dans la réalité du quotidien. Dans le cadre de cette recherche graphique, Jochen Gerner s’est inspiré du travail de certains illustrateurs du XVIIIe siècle comme celui de François-Nicolas Martinet, qui avait pour habitude de représenter les oiseaux de profil, leur afférant ainsi un caractère noble et raide, contrastant avec la force et l’aspect lumineux des couleurs.
L’ouvrage est accompagné d’un texte inédit écrit par le philosophe Emanuele Coccia.
  • Ornithorama, Découvre et observe le monde merveilleux des oiseaux, Lisa Voisard, 2020

Qu’est ce qu’un Geai des chênes ? De quoi est fait un nid d’Hirondelle rustique ? Comment les Canards colverts peuvent-ils dormir d’un seul œil ? Pourquoi certains oiseaux migrent-ils et d’autres pas ?

Les oiseaux sont passionnants ! Ce livre organisé par habitat dresse le portrait de 80 oiseaux européens que vous pouvez observer près de chez vous. Chaque portrait est illustré de façon réaliste, indiquant les spécificités de chaque oiseau, de la taille et la couleur de ses œufs à son alimentation, en passant par sa migration. Un guide d’observation indique systématiquement où et comment les reconnaître, et permet de faire vos premiers pas en tant qu’ornithologue en herbe !

FILMOGRAPHIE

  • Le Roi et l’oiseau, Paul Grimault, 1980
Le Roi Charles V et Trois font Huit et Huit font Seize règne en tyran sur le royaume de Takicardie. Seul un Oiseau, enjoué et bavard, qui a construit son nid en haut du gigantesque palais, tout près des appartements secrets de Sa Majesté, ose le narguer.

Le Roi est amoureux d’une charmante et modeste Bergère qu’il veut épouser sous la contrainte. Mais celle-ci aime un petit Ramoneur. Tous deux s’enfuient pour échapper au Roi et, réfugiés au sommet de la plus haute tour du palais, sauvent un petit oiseau imprudent pris à l’un des pièges du Tyran. Le Père Oiseau reconnaissant promet en retour de les aider.

La police retrouve la trace des fugitifs. Une folle poursuite s’engage. Des machines volantes conduites par des policiers moustachus, de mystérieuses créatures couleur de muraille qui espionnent la ville, des tritons motorisés et le Roi sur son trône électrique flottant, ou sur son gigantesque Automate, les pourchassent…

  • Gus, Christian De Vita, 2015

A l’heure du départ pour la migration annuelle, Darius, le doyen de la volée, est blessé. Il confie alors le nouvel itinéraire du voyage au premier oiseau venu. Le candidat est un petit oiseau jaune excentrique et enthousiaste, mais pas du tout migrateur !
  • Drôles d’oiseaux, Wayne Thornley, 2012

Au cœur de l’Afrique, au bord des majestueuses chutes Victoria, se dresse l’étonnante Cité des Oiseaux, Zambezia, perchée sur un baobab géant. C’est là que se rend Kai, un jeune faucon qui vit isolé avec son père dans la brousse et rêve de connaitre la ville. Débarquant en pleine effervescence des préparatifs de la Fête du printemps, il rencontre entre autres Jed, un oiseau oisif et farceur ainsi que la belle Zoe.  A eux trois, ils vont découvrir que la cité est sous la menace d’une attaque et qu’ils sont les seuls à pouvoir en sauver les habitants.

  • Azur et Asmar, Michel Ocelot, 2006

Il y a bien longtemps, deux enfants étaient bercés par la même femme. Azur, blond aux yeux bleus, fils du châtelain, et Asmar, brun aux yeux noirs, fils de la nourrice. Elevés comme deux frères, les enfants sont séparés brutalement.
Mais Azur, marqué par la légende de la Fée des Djins que lui racontait sa nourrice, n’aura de cesse de la retrouver, au-delà des mers. Les deux frères de lait devenus grands partent chacun à la recherche de la Fée. Rivalisant d’audace, ils iront à la découverte de terres magiques, recelant autant de dangers que de merveilles…

 

 

 

 

Dans l’atelier de Katia Kameli

lundi 16 mai 2022

En amont de son exposition Le Cantique des oiseaux à La Criée et dans le cadre du dispositif « L’art à nos fenêtres »,  Katia Kameli présente sa démarche artistique aux élèves depuis son atelier :

Katia Kameli est une artiste franco-algérienne, née en 1973. Associée au cycle artistique 2019-2021 Lili, la rozell et le marimba (vernaculaire et création contemporaine) de La Criée, elle a plusieurs Å“uvres dans la collection du Frac Bretagne, dont la vidéo ya Rayi qui raconte l’histoire de la musique raï de manière sensible et subjective. Son travail aborde la traduction, l’interprétation, l’archive et la mémoire, la construction identitaire individuelle et/ou nationale, entre documents et fiction.

Pour aller plus loin avec Katia Kameli découvrez ici

  • la présentation de son film Ya Rayi autour de la musique raï
  • un protocole d’atelier pour réaliser un clip à partir de la chanson Shab el Baroud ( les Compagnons de la poudre) interprétée par Khaled.

« L’art à nos fenêtres » ?

La Criée centre d’art contemporain et le Frac Bretagne proposent aux enseignant.e.s et à leurs élèves de découvrir les œuvres et la démarche de quatre artistes, via des vidéos aux formats courts, des ressources accessibles en ligne, des propositions d’ateliers faciles à réaliser. Le choix des œuvres offre d’observer, échanger et pratiquer autour de médiums différents (peintures, vidéos, photos, installation), tout en explorant les rapports entre images, textes et sons, avec une ouverture interculturelle.

 

Biographie Julien Laforge

jeudi 12 mai 2022

Né en 1983, titulaire d’un CAP ébéniste à l’école Boulle, d’un diplôme de l’école nationale supérieure des Beaux-arts de Paris et d’un D.U de maitrise d’Å“uvre urbaine à l’université de Cergy-Pontoise, Julien Laforge travaille depuis plusieurs années en Bretagne.

Il a réalisé plusieurs expositions et résidences réalisées en France et à l’international (l’exposition Les aires d’adhérence au domaine de Kerguéhennec cet été, De bord à corps une installation pour le festival Art, Villes et Paysages Les Hortillonnages à Amiens en 2017 ou encore Rudo y tecnico à l’Alliance Française de Mérida au Mexique en 2016, la résidence Les Mains invisibles au Bénin en 2014 ou celle titrée Travail en perruque au Lycée Notre-Dame De Challans de 2015 à 2016, par exemple). Chaque résidence, exposition ou rencontre, en somme, chaque contexte dans lequel s’ancre l’instant de création marque profondément l’Å“uvre de Julien Laforge.

Parallèlement à son intérêt pour le lieu de création, Julien Laforge s’intéresse aux gestes de fabrication. À travers un travail de dessins, d’installations et de sculptures, il créé un dialogue entre les objets, les corps et les paysages qui l’entourent. L’artiste le souligne : « ces instants que je propose à travers mes objets prennent leur source dans une appréhension de territoires hétéroclites, d’environnements de travail, d’espaces traversés ou de lieux affectifs. […]. Le paysage devient alors le matériau d’une nouvelle structuration de l’espace. […]. L’Å“uvre doit s’inscrire dans un espace et une durée particulière et surtout dialoguer avec un contexte[1]». Pour créer ce dialogue où le corps est au centre, ses gestes mais aussi ceux des autres sont essentiels. C’est ainsi qu’il est fréquemment intervenu en CAP ou Bac professionnel, en usine ou dans des ateliers. Une expérience qu’il renouvelle tout au long de cette saison 2021-2022 dans la classe des CAP Menuisier fabricant du Lycée Alphonse Pellé de Dol-de-Bretagne. Cette résidence sera l’occasion pour l’artiste de guider les élèves vers une démarche de recherche artistique et de leur transmettre son savoir et ses expériences.

 

Aller plus loin :

Abécédaire paysager

Site de l’artiste

Présentation de sa dernière exposition au domaine de Kerguéhennec

Présentation de sa résidence au Bénin Les Mains invisibles de 2014

 

 

[1] Julien Laforge, « A propos de son travail mené lors de sa résidences Les mains invisibles effectuée au Bénin en 2014. » [En ligne] URL : https://www.2angles.org/julien-laforge. Consulté le 31/11/2021.

 

 

Interview de Julien Laforge par Emmanuella Bellanger

mercredi 11 mai 2022

 

L’INTERVIEW

Il s’agit d’une entrevue entre Julien Laforge, et Emmanuella Bellanger, stagiaire à La Criée en médiation culturelle et étudiante en Master Histoire, Civilisations et patrimoine, à l’Université de Lorraine-Nancy.

 

EB – Pouvez-vous vous présenter ?

JL – J’ai plutôt une pratique de sculptures, de volumes que je développe depuis ma sortie des Beaux-Arts. Un enseignement lié aux paysages surtout quand je travaille sur site en lien avec des territoires. Et des questions liées à l’aménagement du territoire et de l’architecture. Les projets que je mène sont souvent des manières d’intégrer tous ces questionnements territoriaux, dans un projet de sculptures ou de volumes. J’ai aussi une pratique d’atelier qui est plus intimiste. Mais un projet comme celui que je développe au Lycée Alphonse Pellé est vraiment en lien avec le paysage et le site. Tout a été construit autour de cette imprégnation dans le réel qu’est celui des marais. Donc le projet se relie petit à petit au réel avec différentes phases de métamorphoses, de transformations avec les lycéens.

 

EB – Pensez-vous à la médiation lors de la création de vos Å“uvres ? Si oui elle s’articule avant, pendant ou après ? 

JL – Je n’y pense pas particulièrement, je suis déjà pris dans le processus de fabrication qui occupe toute la part de réflexion. C’est là que se joue aussi le sens du travail, dans le temps de fabrication qui est essentiel. Mais la vie de la production de l’Å“uvre, je m’en soucie quand elle est terminée, je ne l’intègre pas en amont. Après, depuis quelques années, je pense à mes productions comme étant modulaires, transformables. Elles n’ont jamais une forme figée, chaque fois qu’il y a un temps de démonstration de l’Å“uvre, c’est aussi une redéfinition de sa forme. Donc, pour moi, c’est une manière d’intégrer le temps d’exposition dans la forme même de l’art.

 

EB – Qu’entendez-vous dans le mot vernaculaire ? Cet adjectif vous semble-t-il pertinent pour définir votre travail ? 

JL – Quand j’entends le terme de vernaculaire, je pense à tous les projets en milieux professionnels qui essaye de tirer parti des formes. Je pense aux relations avec les salariés issus du geste et l’apprentissage d’un métier par rapport au geste. C’est une sorte de culture gestuelle dans le travail que moi, j’associe à cette idée de vernaculaire, qui est très lié à cela. J’ai fait des projets avec des couturières, avec des marins pécheurs dans des contextes assez différents, en essayant à chaque fois de sortir une forme de connaissance gestuelle dont ils ont le secret, et essayer d’en sortir une forme artistique par la suite.

 

EB – Vous habitez en Bretagne, avez-vous réalisé des projets dans notre région ? Avez-vous un fort attachement à la Bretagne, à ses traditions, à ses gestes ? 

JL – Non pas particulièrement. J’y vis non pas par choix, mais parce que j’y suis né. C’est un territoire effectivement sur lequel je travaille. J’ai un attachement aux usages et aux paysages du territoire. Et cela devient aussi petit à petit un sujet de recherches et de travail. Je ne sais pas si je peux parler d’un attachement vraiment au territoire, j’en ai un, mais ça pourrait en être un autre. Je réfléchirais à cette question.

 

EB – Comment voyez-vous la notion de vernaculaire dans votre travail ? Avez-vous des références d’autres artistes qui eux aussi s’intéresse aux gestes ? 

JL – Je pense que les influences qui sont très importantes pour moi sont celles de mes amis. Des gens avec qui j’ai partagé des espaces de travail depuis la sortie de l’école ou encore des collègues avec qui on s’échange des questionnements, des réflexions sur la forme, les techniques aussi. C’est là où je pense qu’il y a le plus d’influences, d’échanges et de porosités entre chacun de nous, entre ce que l’on fait. Les projets collectifs sont aussi importants, car c’est là qu’il y a des croisements de pensées et de formes, au-delà de tout l’héritage d’artiste que je ne connais pas personnellement, mais dont je regarde le travail. C’est important pour moi, ce rapport d’influence et de réciprocité dans le concret d’un atelier partagé.

 

EB – Pour vous, il y a-t-il un lien entre le patrimoine et l’art contemporain ? 

JL – Je ne saurais pas trop le définir. Il y a un lien politique, surtout en ce moment entre les deux, qui est parfois peut-être pesant et forcé, mais il y a un lien forcément entre les deux. Entre le patrimoine (quel qu’il soit),  et la création contemporaine, c’est comme puiser dans une ressource, dans une histoire. Il y en a un forcément et il est plus ou moins perceptible selon les projets. Il y a des rapprochements entre les artistes et les lieux qui se font de plus en plus, c’est une donnée à prendre en compte.

 

EB – Vous vous définissez comme un artiste, comme un artisan, ou les deux à la fois ?

JL – Je ne suis pas artisan. Il y a vraiment une distinction entre les deux, je trouve, à faire entre artisan et artiste. Je suis sur des productions que je souhaite, à première vue, inutile. C’est important pour moi de ne pas être dans l’objet fonctionnel ou dans une identification directe de l’usage d’une forme ou d’un objet. C’est d’ailleurs l’enjeu, du travail du lycée, c’est d’aller vers d’autres formes, faire que les lycéens se questionnent sur la finalité d’une création, d’un objet.

 

EB – Par rapport à ce projet, comment s’est passé la rencontre entre les lycéens et vous ?

JL – La Criée m’a contacté et m’a proposé ce projet-là. Le lycée m’a lui aussi choisi en fonction de ma pratique, en lien avec ce qu’ils faisaient, notamment l’atelier de menuiserie, en sachant que j’ai aussi une pratique qui est liée à ce matériau-là, le bois, la menuiserie et l’usage de machines,  dans mon atelier.

 

EB – Comment s’est passé le contact entre jeunes apprenants et artiste ? 

JL – Souvent, ce sont des rencontres. Ici, la première rencontre s’est passé de manière décomplexée. Ils avaient beaucoup de questions et leurs incompréhensions étaient dites. Il y a eu tout de suite un échange sur la finalité de l’art, sur qu’est-ce qu’un artiste, une Å“uvre, comment elle interpelle…
C’était riche et intéressant, je pense qu’ils étaient riches et avides de faire et de découvrir des choses. Le processus pour eux de la réalisation est plus long, car il y a un temps de dessin : du passage du réel d’un terrain d’observation à la réalisation d’une Å“uvre. Il y a quelque chose qui est plus complexe à mettre en Å“uvre et qui prend plus de temps.

 

EB – Vous définissez-vous comme un artiste qui s’intéresse au vernaculaire par le geste et sa transmission ?

JL – Oui.

 

EB – Vous avez déjà travaillé avec des enfants ? Il y-a-t-il une différence avec votre « méthode »?

JL – Il n’y a pas tant  de différence que ça avec les lycéens. Effectivement, ce n’est pas le même public donc pas la même manière de poser des mots sur les choses. Mais le processus est toujours un peu le même. J’essaye de transmettre, un mode de pensée et de travail. Le chemin que moi dans ma pratique, je peux emprunter, pour développer des projets, j’essaye de l’adapter et de le transposer dans le cadre scolaire. Que cela soit avec des enfants de primaire ou de lycée ou même d’étude supérieure, je suis toujours dans cette organisation par étape, pour arriver à produire quelque chose. C’est plus le processus d’émergence, de projet et de forme qui m’intéresse plus que la finalité. Je me concentre souvent sur ça.

 

EB- Pourquoi le bois ? 

JL – J’ai commencé à travailler quand j’étais aux Beaux-arts, avec ce matériau-là. Après, il y a un procédé de travail que j’ai fini par connaître, et à être familier avec certains usinages, certaines machines. Cette familiarité-là avec le matériau, elle me permet de dépasser les questions techniques et d’aller plus loin avec la forme. Quand on découvre un matériau, je trouve qu’il y a tout un temps d’adaptation, de compréhension, de gestion du temps de travail, et de recherche, qui parfois biaise un peu, la conception même de la forme. Après, c’est un choix, car c’est un matériau je trouve, qui parle du territoire et du lieu d’où il vient, plus que d’autres matériaux industriels.

 

EB – Avez-vous un type de bois que vous préférez ? 

JL – Non pas forcément, ce sont des bois les plus locaux possibles. C’est ça qui est intéressant aussi, selon l’endroit où le projet a lieu, le bois parle aussi, de l’implication dans un site. J’ai fait des projets en Afrique, au Mexique, chaque fois avec des matériaux différents, du bois local. Je n’ai pas de préférence bien sûr, en fonction des projets, je choisis des essences plus ou moins dense avec des caractères différents pour que cela soit toujours le matériau le plus local possible.

 

EB – Pensez-vous que les actions « Hors les murs » ont du sens et un réel impact ? 

JL – Je pense que c’est indispensable d’avoir ces temps-là, quels qu’ils soient : visuel, sonore, art du spectacle vivant. D’avoir quelque chose du quotidien, de l’apprentissage, pour questionner un peu les choses. C’est un âge, où je trouve qu’il est indispensable d’avoir ces temps-là.

Exposition Les gestes vernaculaires, le travail à la godille

lundi 9 mai 2022

Jeudi 05 mai 2022, s’est tenu à la Médiathèque de Dol-de-Bretagne, le vernissage de l’exposition Le Travail à la godille de Julien Laforge avec les élèves du CAP2 Menuisier Fabricant du lycée professionnel Alphonse Pellé.

L’exposition est le fruit du travail de l’artiste avec les élèves, mené dans le cadre des ateliers consacrés à la réalisation de leur chef d’œuvre de fin d’année. Elle présente une pièce mêlant créations individuelles et collective, réalisée à partir de recherches menées sur l’histoire, le patrimoine et la cartographie du pays de Dol-de-Bretagne.

Sont visibles :

  • un coffre en chêne dont les parements sont gravés à la gouge dans du bois tilleul. Ces bas-reliefs sont comme des empreintes à échelle 1 du paysage observé dans les marais de Dol : tas de bois, feuillages, sol craquelé, traces d’animaux ..
  • sept pièces individuelles ou réalisées en binôme par les élèves, inspirées des formes présentes au sein d’architectures hydrauliques et issues d’exercices de dessins menés avec l’artiste.
  • des modules aux lignes courbes en châtaignier créés par Julien Laforge qui serpentent entre les pièces et les relient comme les maillons d’une chaîne ou comme l’eau se fraie un chemin.

L’installation des pièces fut l’occasion pour les élèves d’éprouver la mise en commun et de rendre compte de la dimension collective du projet; mais également de savourer le plaisir de voir se déployer une sculpture aux formes riches et complexes.

L’exposition offre enfin de partager le processus de création avec d’autres : des élèves, des professeurs et le proviseur du  lycée, le maire de dol-de-Bretagne, l’équipe de La Criée, des artistes et journalistes ont fait le déplacement le soir du vernissage. Les retours sur les Å“uvres exposées furent élogieux.

L’investissement des élèves a été salué et la proposition de Julien Laforge appréciée pour ses qualités artistiques et pédagogiques. Les élèves ont souligné leur plaisir d’avoir dépassé leurs difficultés et le fait de passer de la posture d’exécutant à celle de concepteur.

Exposition du 5 mai au 1er juin 2022, Médiathèque de l’Odyssée, Dol-de-Bretagne
Exposition du 2 au 30 juin 2022 au Lycée Alphonse Pellé, Dol-de-Bretagne

Texte de Kyliane sur son objet individuel

lundi 2 mai 2022

« Ma création s’inspire d’une planche de surf. J’ai eu l’idée lors de l’étape des croquis chronométrés que nous avons fait avant la fabrication en atelier. Au départ, je ne savais pas par où commencer car c’est mon imagination et mes esquisses qui m’ont guidé et non pas un plan détaillé comme habituellement en menuiserie. Julien Laforge et Mme Dorchies m’ont aidé à poser les bases (mesures, assemblage, structure…). Et une fois lancé, tout s’est bien passé ! Je n’ai utilisé que du chêne rouge pour mon œuvre. C’est une essence agréable à regarder mais difficile à travailler car c’est un bois dur, assez coriace à sculpter. Mon œuvre est en réalité composée de 2 parties : une partie haute avec « un méandre » creusé sur le dessus et une partie basse avec un cercle sculpté au milieu. C’est une pièce massive et lourde. Dans le cercle du bas, on remarque les coups de gouge qui forment comme des écailles. Je n’ai pas cherché à ce que ma pièce ressemble à quelque chose en particulier, chacun peut imaginer ce qu’il veut.

J’ai utilisé la scie à format pour déligner mes deux blocs. J’ai utilisé la scie à ruban pour créer la forme arrondie da la partie basse. Et je suis également servi de la ponceuse orbitale pour effacer les accros des lames. Julien Laforge et Mme Dorchies m’ont appris à me servir de deux nouveaux outils que je n’avais jamais utilisé auparavant : la lime et la gouge. Heureusement, qu’ils étaient là tous les 2 pour m’aider car c’était la première fois que j’avais à faire à ces outils. J’ai mis du temps à prendre le coup de main mais, petit à petit, j’ai pris plaisir à sculpter ma pièce et à savoir où taper pour enlever de la matière.

A la découverte de nouveaux outils, s’est ajoutée une autre difficulté, celle de la gestion du temps. Plus j’avançais, plus ma pièce prenait forme mais plus le temps venait à manquer. J’ai d’ailleurs trouvé que celui-ci se montrait capricieux ce qui était propice à la montée de stress. Je suis fier de mon objet personnel car j’y ai donné toute mon énergie. »

 

 

 

 

Texte de Clément G. sur son objet

lundi 2 mai 2022

« La fabrication de mon objet individuel a été un peu compliquée car j’ai dû changer de projet en cours de réalisation. J’ai choisi de faire un objet en tilleul dont la forme rappellera celle d’une cage.

J’ai d’abord fait un croquis de mon idée puis, j’ai transformé ce croquis en plan. J’ai ensuite rédigé une feuille de débit succincte. J’ai débité des tasseaux de tilleul de 300mm sur 40mm avec une épaisseur de 19mm. J’ai ensuite corroyé mes tasseaux, c’est-à-dire que je les ai dégauchis et rabotés. J’ai collé et pointé mes tasseaux entre eux afin d’obtenir la forme souhaitée. Ensuite, j’ai pris des chutes de chêne rouge issues de la fabrication du coffre pour réaliser 2 formes identiques inspirées des gravures anciennes de systèmes hydrauliques. Celles-ci rappellent donc des pièces de ces systèmes.

J’ai d’abord dessiné en double la forme que j’avais en tête sur un morceau de bois puis j’ai coupé le tout à la scie à ruban. Pour finir, j’ai poncé ces formes avant de les coller au-dessus de mes cages en tilleul. Ainsi, ces formes servent à assembler les cages entre elles. Réaliser cet objet personnel était difficile pour moi. J’ai eu du mal à trouver l’idée de ma pièce, je manquais d’imagination. Mais je suis content de ce que j’ai réussi à faire. Ma pièce me plaît, j’aime sa forme finale. Ce projet était compliqué mais agréable. »